Rivqa, épouse vertueuse

Le midrache énumère toutes les vertus que Yitshaq découvre en Rivqa qui lui rappelle Sara, sa mère. Citant le texte :

Yitshaq la conduisit dans la tente de Sara, sa mère… il rapporte : “Aussi longtemps que Sara vivait une nuée était fixée au-dessus de sa tente. Avec sa mort, cette nuée cesse. Mais avec l’arrivée de Rivqa, cette nuée revient. Aussi longtemps que Sara vivait, les portes de sa tente étaient grandes ouvertes. Avec sa mort cesse cette hospitalité. Mais l’arrivée de Rivqa ramène l’hospitalité. Aussi longtemps que Sara vivait, la pâte [à pain] était bénie. Avec sa mort, cesse la bénédiction. Mais avec l’arrivée de Rivqa, la bénédiction réapparaît. Tant que vivait Sara, une lampe éclairait d’une veille de Chabbat à l’autre. Avec sa mort s’éteint cette lampe. Mais avec l’arrivée de Rivqa, elle se rallume. L’ayant vue agir comme sa mère, prélevant la hallaprélèvement de la pâte, avec pureté et pétrissant la pâte avec pureté, “Yitshaq la conduisit [aussitôt] dans la tente de Sara.

Le midrache établit un parallèle entre Sara et Rivqa. Yitshaq constate par lui-même, qu’il retrouve en Rivqa, tout ce qu’il a perdu avec la disparition de sa mère. Est-ce à dire que Rivqa prend en fait la place de Sara ? Le midrache l’affirme. Ainsi la présence de la nuée à la porte de la tente désigne-t-elle surtout la présence de la Chékhinarésidence divine. Cela veut tout dire. D’ieu choisit comme résidence la tente de Sara. C’est la reconnaissance de sa perfection morale, de ses vertus. D’ieu ne saurait résider que dans la demeure des justes. Et Sara avait prouvé, par son attachement à D’ieu, par son engagement aux côtés de son époux dans la conquête des âmes, qu’elle était toujours prête de propager dans le monde la foi en D’ieu Un et la fidélité à l’enseignement d’Abraham. La nuée au-dessus de la porte est la marque du privilège que réserve D’ieu à ceux qui lui ont voué toute leur vie.

Mais à la mort de Sara, la nuée disparaît. Rien ne retient plus la présence divine. La tente n’est importante que si la maîtresse du foyer est là. Elle en est le pilier, elle est l’âme. Il est évident que la conduite de Sara justifie amplement la présence de la nuée. Les épreuves qu’elle a surmontées sont en faveur de ce mérite.

En revanche, Rivqa n’a pas encore fourni de preuve tangible d’une conduite morale irréprochable. Elle est encore jeune. Pourtant à peine installée dans la tente de Sara, la nuée fait sa réapparition.

Que sait-on de Rivqa ? La Tora fait le récit de sa rencontre avec Èliêzèr. Celui-ci cherche, pour Yitshaq, une femme digne de faire partie de la famille d’Abraham. L’épreuve à subir est celle de la vertu de hèssèd, la bonté. Abraham avait développé cette vertu, son hospitalité était proverbiale. Sa tente comportait une porte dans chaque direction pour faciliter l’accès aux passants, aux visiteurs. Il se mettait toujours à servir lui-même ses invités. Rien de plus normal que d’exiger de la future épouse de Yitshaq le même amour du hèssèd. Certes il n’est pas facile pour une toute jeune fille de puiser et d’abreuver dix chameaux qui ont besoin d’une quantité d’eau voisinant les deux mille litres. Elle se propose de le faire avec grâce. Elle comprend que ces voyageurs et leurs chameaux sont éprouvés par une longue marche dans le désert. Èliêzèr assiste à cet élan de générosité. Elle ouvre en outre les portes de la demeure des parents. Labane, s’empresse de confirmer l’invitation de Rivqa, sa sœur, à passer la nuit.

Èliêzèr se rend compte de la bonté naturelle de Rivqa. Elle mérite d’être l’épouse de Yitshaq. Dans un tel contexte, il est normal que les portes de la tente de Sara se rouvrent afin d’offrir de nouveau l’hospitalité aux passants. D’ailleurs la présence divine signalée par la nuée au-dessus de la tente se justifie par le Hèssèd. Cette vertu atteint sa parfaite expression dans la pratique de l’hospitalité. Le Talmoud affirme :

“Plus importante est l’hospitalité que de recevoir la Chékhina.”

Tenir les portes de sa tente grandes ouvertes à tout venant ne va pas sans dépenses supplémentaires. Il faut toujours avoir des provisions prêtes à être servies à tout moment. Du temps de Sara, et ce fut une de ses vertus essentielles, la pâte qu’elle pétrissait était bénie. La bénédiction signifie surtout abondance.

La venue de Rivqa ramène la bénédiction dans la pâte. Yitshaq constate une fois de plus que l’arrivée de Rivqa règle plusieurs problèmes qui avaient surgi avec la disparition de Sara. La bénédiction est visible à l’œil nu. Elle est présente tant et si bien que tous remarquent une abondance miraculeuse.

Néanmoins la tente avait perdu depuis la mort de Sara la joie et l’allégresse faisant de cette demeure la demeure la plus belle et la plus sainte. La lumière allumée d’une veille de Chabbat à l’autre est signe de joie et de satisfaction. La bénédiction divine amenait l’abondance mais aussi la satisfaction. Sans doute, cette lumière symbolise également la pureté qui régnait dans la demeure de Sara. Rivqa renouant avec ces vertus, joie, satisfaction et pureté assure une vie spirituelle au foyer de Yitshaq.

Enfin Yitshaq remarque chez Rivqa un comportement moral exceptionnel qui lui rappelle celui de sa mère. Elle pétrissait avec pureté et prélevait la halla, avec pureté. Le midrache garde ce détail pour la fin pour bien souligner l’importance des vertus essentielles de Rivqa. Yitshaq est un homme juste et parfait. Sa vie est réglée, basée sur les principes de la pureté. Il ne peut s’accomplir que si son épouse suit également les mêmes principes.

L’idéal féminin pour Yitshaq est sa mère. Sara avait toute sa vie lutté pour la perfection morale. Les vertus énoncées par le midrache sont celles que D’ieu apprécie tant. Yitshaq les retrouve en Rivqa. Cela fait son bonheur. En disant : “Yitshaq conduisit [Rivqa] dans la tente de Sara, sa mère…”, le texte souligne que Rivqa fut la digne remplaçante de Sara. Elle prit la place de Sara. Elle la mérite par ses vertus personnelles qui, bien que naturelles, sont celles de Sara après une vie vouée à la perfection morale.

La perfection morale de Rivqa est soulignée par le midrache. Citant le texte :

Yitshaq avait quarante ans lorsqu’il prit pour épouse Rivqa, fille de Bétouèl, l’Araméen, du territoire d’Aram, sœur de Labane, l’Araméen,

il rapporte : “Rabbi Yitshaq dit : si [le texte] veut enseigner qu’elle est de Mésopotamie, n’est-il pas déjà dit du territoire d’Aram ? Que signifie donc l’Araméen [employé à propos] de la fille de Bétouèl l’Araméen et sœur de Labane l’Araméen ? Mais c’est pour enseigner que son père était impie, son frère impie et les habitants de son pays impies, et cette [femme] vertueuse est issue d’eux. À quoi ressemble-t-elle ? À une rose parmi les épines.”

Le midrache est surpris par tant de précisions apportées par le texte à propos de Rivqa. Issue d’Aram, fille de Bétouèl l’impie et sœur du non moins impie Labane. Il est vrai que l’homme subit l’influence de sa famille et de son milieu. Quand bien même un homme aurait une conduite morale parfaite, son environnement social finit par avoir raison de sa résistance et l’influence dans ses actes et pensées. Le danger de l’environnement est réel. Un homme ne saurait l’ignorer. Aussi pour cette raison nos Maîtres enseignent : “Éloigne-toi du voisin mauvais.” Car on finit par lui ressembler. Le châtiment frappant le méchant frappe également le voisin quoique juste et parfait. “Malheur au méchant malheur à son voisin !” Cela rappelle, dit Rabbi Ôbadya de Bertinoro, “le cas de celui qui, étant entré chez le tanneur, s’imprègne de mauvaise odeur même s’il n’a rien acheté [à emporter].”

Le midrache tente surtout d’éviter une condamnation rapide de Yitshaq pour avoir pris pour épouse Rivqa qui présentait le danger de ressembler moralement aux habitants de son pays. Mais Rivqa est l’exception à la règle. Elle le montre par son amour du Hèssèd. Avec cette vertu, elle est capable d’affronter le monde sans peur d’être contaminée par l’impureté des autres. Elle est à ce niveau comparable à Abraham qui, grâce à la pratique du Hèssèd, avait influencé tous ses compatriotes à revenir à D’ieu sans qu’il perde de sa piété et de sa perfection morale. Comme Abraham qui a combattu sa famille, son père et ses frères, Rivqa eut à affronter la méchanceté de Bétouèl et de Labane sans que sa piété soit entamée.

Elle est donc comme une “rose parmi les épines”. La rose est belle et exhale un bon parfum. Ainsi le juste est beau par ses actes, mais le parfum, c’est sa réputation. Bien qu’entourée d’épines, Rivqa est belle par ses actes et sa réputation de tsaddèqète, de parfaite, est bonne.

Par ailleurs, le midrache semble s’intéresser à un autre aspect. Il s’agit de la naissance des deux enfants de Rivqa, Êssaw et Yaâqov, dont la conduite morale de l’un s’oppose à celle de l’autre. Autant l’un est impie, autant l’autre est parfait et juste. Comment est-ce possible ? Sans doute la perfection de Yaâqov serait attribuée à Yitshaq et l’impiété de Êssaw à Rivqa. Cela remet en cause donc la perfection et la vertu de Rivqa !

Mais en réalité le midrache entend souligner que Rivqa n’est en rien responsable de l’impureté de Êssaw. Elle est aussi pieuse et vertueuse que Yitshaq. Si Êssaw eut tendance à l’impureté, c’est parce qu’il est le neveu de Labane et petit-fils de Bétouèl. Les enfants ont tendance à tirer une ressemblance morale de leurs oncles maternels.

Ainsi donc Rivqa est vertueuse. Êssaw, lui, rappelle par son comportement la fausseté et la tromperie de Labane. En revanche Yaâqov est le digne produit de l’union de deux tsaddiqim, Yitshaq et Rivqa.

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