La création et le Créateur

Le midrache(1) rapporte :

“Telles sont les origines du ciel et de la terre, lorsqu’ils furent créés, à l’époque où l’Ét’ernel D’ieu fit une terre et un ciel(2).” Rabbi Néhèmya enseigne : [Le ciel et la terre] furent créés, en un jour, et en ce jour apparurent tous leurs éléments.

Rabbi Yéhouda rétorque : N’est-il pas spécifié(3); :Il fut soir, il fut matin – un jour“; ainsi pour le second jour, le troisième jour, le quatrième jour, le cinquième jour et le sixième jour?Rabbi Néhèmya répond : telle la cueillette des figues, chaque élément apparut en son temps”.C’est à ce propos que Rabbi Bérakhiya dit : le texte précise(4) :“La terre donna naissance aux végétaux”, [elle livre] ce qu’elle avait en dépôt.”

Ce midrache donne une fois de plus l’occasion à Rabbi Néhèmya et à Rabbi Yéhouda d’exprimer leurs divergences d’opinions à propos des thèmes de la Création.

Pour Rabbi Néhèmya, la création du monde s’est faite dès l’instant où D’ieu a prononcé le verbe créateur. Le monde et tout ce qu’il renferme furent créés. Telles des figues apparaissant dans l’arbre en un jour, les cieux et la terre furent créés avec tous leurs éléments. Il s’agissait d’ordonnancer et de mettre en place, chaque jour, tous les éléments de la Création.

Selon Rabbi Yéhouda, chaque jour D’ieu avait procédé à une création nouvelle. Opinion très commode mais qui soulève maintes difficultés. En effet, nos Sages affirment que chamayim, cieux, est composé de èche, feu, et mayim, eau. Comment pourrait-on parler de la création des cieux avant même de confirmer la création de ces deux éléments constitutifs?

Rabbi Bérakhiya semble abonder dans le sens de Rabbi Néhèmya. Le verset cité en preuve montre que la terre renfermait les éléments qu’elle laisse apparaître à la demande de D’ieu.

Bien plus, l’opinion de Rabbi Néhèmya permet de préciser, sans crainte d’être contredit par les théories scientifiques, l’âge du monde. L’origine du monde est située à 5758 années. Cependant, au premier instant de la Création, le monde et tout ce qu’il renferme apparut. Il ne manquait que la mise en place et la mise en ordre.

Cependant on ne saurait attribuer l’origine de chaque élément créé au premier instant de son existence réelle. L’origine remonte en réalité à l’instant premier de la Création. Le temps écoulé entre ces deux instants est estimé certes par les scientifiques à des millions d’années qui se résument à quelques instants dans l’acte créateur. À l’époque où l’on arrive à raccourcir les distances par des moyens de transport aux vitesses toujours plus grandes, on pourrait aisément imaginer l’accélération du processus de maturation des éléments du monde obéissant à la volonté du Créateur.

Le Talmoud(5) rapporte :

“César dit à Rabbane Gamlièl : Celui qui créa les montagnes n’a pas créé le vent tel qu’il est dit(6) :

“Car c’est lui qui a formé les montagnes et créé le vent.

Il répondit : “Dès lors qu’il est dit à propos de l’homme “il créa”“il forma”, celui qui crée ceci n’a pas créé cela? L’homme [a un visage] dont la surface d’un palme sur un palme comporte deux orifices. Celui qui créa l’un n’a pas créé l’autre? tel qu’il est dit(7) :

“Celui qui a planté l’oreille n’entendrait point? Celui qui a formé l’oeil ne verrait point?

En effet! répondit-il. Alors [Rabbane Gamlièl] reprit : et au moment de la mort, les deux se réconcilient?!”

Ce texte bat en brèche toute tendance à croire qu’il existe plus d’Un Créateur. Il est impossible, comme nous l’enseigne Rabbi Bahya Ibn Paqoda, de penser que plusieurs créateurs ont participé à la Création. L’unité du monde et son harmonie ne sauraient exister du fait de la divergence inhérente aux volontés différentes et opposées des divers créateurs. En revanche le monde révèle, bien au delà de la diversité, un créateur unique qui imprime à son monde des lois et des phénomènes immuables.

Ce n’est pas un hasard si César relève la création des montagnes et la formation des vents. Ce sont deux éléments puissants qui se neutralisent et s’opposent. Les montagnes forment un écran pour le vent. Cependant cette contradiction révèle, bien au contraire, D’ieu dans toute sa puissance. Chaque élément trouve sa place dans la création et remplit la mission qui lui est dévolue. Ce qui est valable dans des proportions énormes le serait davantage dans celles encore plus réduites. On ne saurait imaginer deux créateurs différents l’un pour les yeux et l’autre pour les oreilles. Car comment fonctionneraient-ils avec autant de précision, d’harmonie et surtout, au moment du décès, comment cesseraient-ils de concert s’ils ne relevaient pas du même créateur?

Le midrache(8) rapporte :

“Un mécréant demande à Rabbi Âquiba : Qui a créé le monde?

  • Le Saint béni soit-Il! :
  • Donne-moi une preuve éclatante!
  • Reviens me voir demain,
  • S’étant présenté le lendemain, Rabbi Âquiba lui demande :
  • Que portes-tu?
  • Un vêtement!
  • Qui l’a fait?
  • Le tisserand.


Rabbi Âquiba lui dit : Je ne te crois pas. Donne-moi une preuve!

Quelle preuve ai-je à te fournir, répond-il, ne sais-tu pas que le tisserand a fait [ce vêtement]?

Et Rabbi Âquiba de reprendre : Ne sais-tu pas que le Saint béni soit-Il a créé son monde? Après le départ du mécréant, les disciples s’informèrent : quelle est donc cette preuve évidente? Il leur dit : “Mes fils, de même que la maison révèle le maçon, l’habit le tisserand et la porte le menuisier, ainsi le monde révèle le Saint béni soit-Il en tant que Créateur!”.

La preuve de l’existence du Créateur que l’homme recherche toujours est clairement inscrite dans le monde. L’homme passe souvent à côté de cette évidence. Et pourtant! L’unité et l’harmonie du monde ne sauraient être que l’oeuvre d’un créateur qui a conçu et formé son monde selon les objectifs qu’Il lui a imprimés.

Ce qui surprend cependant dans ce texte c’est la raison du report au lendemain pour fournir la réponse. Pourquoi Rabbi Âquiba ne lui répond-il pas sur le champ?

En vérité, Rabbi Âquiba n’avait nullement envie de répondre à un mécréant exigeant une preuve de l’existence de D’ieu alors que l’évidence suffit. Un homme qui cherche ailleurs ce qu’il peut trouver à côté ne mérite pas qu’on lui accorde toute l’attention requise. Cependant, afin de ne pas lui donner à croire que sa question est sans réponse, Rabbi Âquiba le renvoie au lendemain. Ainsi pourrait-il songer aux recherches laborieuses auxquelles ne manquerait pas Rabbi Âquiba de s’adonner. Mais quelle ne fut pas son humiliation de s’entendre dire qu’il n’est point de preuve pour attester que le tisserand est l’auteur de l’habit. Ainsi point n’est besoin de preuve pour s’assurer que D’ieu est l’auteur du monde.

Ainsi disait David(9) : “Les cieux racontent la gloire de D’ieu, et le firmament proclame l’oeuvre de ses mains”.

1. Bérèchit Rabba paragr. 12.
2. Bérèchit 2, 4.
3. id. 1, 5.
4. ibid. 1, 12.
5. Bérèchit Rabba paragr. 12.
5. Bérèchit 2, 4.
5. id. 1, 5.
5. ibid. 1, 12.
5. T.B. Sanhèdrine 39a.
6. Âmos 4, 13.
7. Téhillim 94, 9.
8. cf. Témoura.
9. hillim 19, 2.

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