La descendance de Yitshaq
Ceci est la descendance de Yitshaq, fils d’Abraham : Abraham engendra Yitshaq. Yitshaq avait quarante ans lorsqu’il prit pour épouse Rivqa fille de Bétouèl, l’Araméen, du territoire d’Aram, soeur de Labane, l’Araméen. Yitshaq implora l’Ét’ernel au sujet de sa femme, parce qu’elle était stérile : l’Ét’ernel accueillit sa prière, et Rivqa, sa femme devint enceinte. Comme les enfants s’entre-poussaient dans son sein, elle dit : Si cela est ainsi, à quoi suis-je destinée! Et elle alla consulter l’Ét’ernel. L’Ét’ernel lui dit: Deux nations sont dans ton sein, et deux peuples sortiront de tes entrailles: un peuple sera plus puissant que l’autre, et l’aîné obéira au plus jeune Bérèchit 25, 19-23.
Après l’épreuve de la âqèda, Abraham s’était dit :
Yitshaq sacrifié je n’aurais pas eu de descendant de Sara. Mon devoir n’était-il pas de le marier sans attendre à une des filles de Ânèr et Èchekol? Mais le Saint béni soit-il lui a annoncé la naissance de Rivqa, celle qui devait être son épouse cf. Rachi sur Bérèchit 22, 20..
Abraham se met aussitôt à chercher une femme pour Yitshaq. Envoyé à Aram, Èliêzèr revient avec Rivqa qui sera l’épouse digne du tsaddiq fils de tsaddiq Bérèchit 24, 67. :
Yitshaq la conduisit dans la tente de Sara sa mère, il prit Rivqa pour femme et il l’aima, et il se consola d’avoir perdu sa mère.
Rachi, citant le Midrache Rabba, s’exprime ainsi :
Rivqa était la digne remplaçante de Sara, sa mère [d’Yitshaq], car tout le temps que Sara était en vie, une lumière éclairait d’une veille de Chabbat à l’autre veille de Chabbat, la pâte à halla, était bénie et une nuée enveloppait sa tente. Après la mort de Sara tout avait disparu. Mais, avec Rivqa, tout est revenu.
Cette sidra s’ouvre donc sur l’histoire de la descendance de Yitshaq car, en tant qu’héritier d’Abraham, il est important de connaître les faits saillants de sa vie afin que son héritage spirituel soit transmis à toute sa descendance.
Le Yalqout Bérèchit 25, 1., citant les propos du roi Chélomo Michelè 17, 6. :
La couronne des vieillards ce sont leurs petits-enfants; l’honneur des fils, ce sont leurs parents, rapporte :
Les pères sont la couronne pour les enfants comme il est dit : l’honneur des fils, ce sont les parents et les enfants sont une couronne pour les pères tel qu’il est dit : la couronne des vieillards, ce sont leurs petits enfants. Il a été dit qu’Abraham n’a été sauvé de la fournaise ardente que grâce au mérite de Yaâqov. Ceci fait penser à un homme qui devait être jugé par le roi. Le verdict l’aurait condamné à être brûlé. Mais le roi ayant vu dans les astres que cet homme aurait une fille qui épousera le roi, s’est dit : il mérite la vie sauve par égard pour sa fille. Ainsi Abraham, notre père, fut-il condamné à être jeté à la fournaise par Nimrod. Mais le Saint béni Soit-Il, ayant vu que de lui allait naître Yaâqov, dit : Abraham mérite d’être sauvé par égard pour Yaâqov comme il est dit Yéchâya 29, 22. :
Ainsi parle l’Ét’ernel à la maison de Yaâqov, lui, le libérateur d’Abraham.
Abraham père du peuple d’Israël ne peut exister que grâce à Yaâqov. Lorsqu’Abraham donne naissance à Yitshaq, son rôle n’est pas pour autant terminé. Il ne le sera que s’il s’assure que par delà Yitshaq, Yaâqov sera là pour continuer l’oeuvre entreprise et reprendre le flambeau.
Le Yalqout poursuit :
Abram fut appelé Abraham tel qu’il est dit Divrè ha-Yamim I, 1-27. : Abram fut appelé Abraham, Yitshaq fut appelé Abraham selon le texte Bérèchit 25, 19. : Voici la descendance de Yitshaq fils d’Abraham, Abraham. Yaâqov fut appelé Yisraèl ainsi qu’il est dit Bérèchit 32, 29. : Yaâqov ne sera plus désormais ton nom, mais bien Yisraèl. Yitshaq fut appelé Yisraèl tel qu’il est écrit Bérèchit 46, 8. : Voici les noms des enfants d’Israël, venus en Egypte : Yaâqov et ses fils. Abraham fut appelé Yisraèl. Ceci est extrêmement profond tel qu’il est dit Chémot 12, 40. : Or, le séjour des enfants d’Israël, depuis qu’ils s’établirent dans l’Egypte [dans Kénaâne et dans Gochène] avait été de quatre cent trente ans.
Le midrache souligne donc l’identité parfaite existant entre Abraham, Yitshaq et Yaâqov, puisque tous les trois sont appelés Yisraèl. Ce qui laisse entendre que Yichemaêl et Êssaw sont exclus du destin d’Israël, ils ne peuvent le rattraper qu’en s’opposant à Israël.
Ceci est la descendance de Yitshaq, fils d’Abraham : Abraham engendra Yitshaq.
Ceci est la descendance de Yitshaq.
Au lieu de nous parler des enfants de Yitshaq, le texte parle de sa naissance.
Ce texte devait, en vérité, traiter de la naissance des enfants de Yitshaq. Mais Yitshaq, de par sa nature, n’était pas fait pour avoir des enfants. Ayant sacrifié Yitshaq lors de la âqèda, Abraham avait donné à Yitshaq le pouvoir de procréer. Aussi le texte dira-t-il, Abraham a fait donner à Yitshaq des enfants. Holide, faire engendrer, est à la forme factitive. N’était-ce l’acte de la âqèda d’Abraham, Yitshaq n’aurait jamais eu des enfants Or ha-Hayim z.l..
En outre, le midrache cité plus haut soulignait qu’Abraham avait été sauvé de la fournaise ardente grâce au mérite de Yaâqov comme il est dit Yéchâya 29, 22. : Ainsi parle l’Ét’ernel à la maison de Yaâqov, lui, le libérateur d’Abraham. Ainsi donc faut-il lire le verset : Voici la descendance de Yitshaq fils d’Abraham car par le mérite de Yaâqov fils de Yitshaq, Abraham avait enfanté Yitshaq. Autrement dit sans Yaâqov, Abraham aurait péri dans la fournaise de Nimrod et par suite n’aurait pas engendré Yitshaq.
Yitshaq fils d’Abraham, Abraham engendra Yitshaq.
En disant Yitshaq fils d’Abraham, il n’est plus nécessaire de préciser Abraham donna naissance à Yitshaq. Que signifie cette répétition?
Cette répétition s’explique par le fait qu’Abraham et Yitshaq étaient fiers l’un de l’autre. Il arrive qu’un pauvre soit fier de son frère parce qu’il est riche. Mais le riche pourrait éviter de faire état de son frère à cause de sa pauvreté. En revanche, Abraham se félicite d’avoir un fils tel que Yitshaq et Yitshaq se félicite d’avoir un père comme Abraham.
Pour Or ha-Hayim, la condition de Yitshaq est d’un niveau plus élevé que celle d’Abraham. Car Yitshaq est tsaddiq fils de tsaddiq, juste fils d’un juste, tandis qu’Abraham est tsaddiq fils de rachâ, juste fils d’un impie. Aussi pour cette raison répète-t-il Abraham engendra Yitshaq.
Pour Rav Alchikh, il ne faut point attribuer la naissance de Êssaw au fait qu’il descend d’Abraham, fils de Tèrah, païen et idolâtre, ni au fait qu’Abraham est le père de Yichemaêl, frère de Yitshaq. Êssaw est idolâtre parce qu’il est surtout le neveu de Labane. La responsabilité d’Abraham, de Yitshaq ou de Rivqa n’est pas en jeu.
Wé-èllè, Et voici,
Le waw de wé-èllè est placé pour signaler un plus, il vient inclure autre chose. Qu’ajoute ce waw?
Le waw de wé-èllè signale une similitude entre Abraham et Yitshaq. De même que d’Abraham sont sortis deux enfants Yitshaq et Yichemaêl l’un pieux et l’autre impie ainsi de Yitshaq sortiront deux enfants Yaâqov et Êssaw le premier tsaddiq et le second rachâ. C’est donc ce waw qui ajoute en fait que la descendance de Yitshaq sera semblable à celle d’Abraham cf. Rav Alchikh z.l..
Yitshaq avait quarante ans lorsqu’il prit pour épouse Rivqa fille de Bétouèl, l’Araméen, du territoire d’Aram, soeur de Labane, l’Araméen.
Yitshaq avait quarante ans,
Il est surprenant que Yitshaq ait attendu quarante ans pour se marier!
Yitshaq avait l’âge de quarante ans lors de son mariage parce qu’il devait attendre que Rivqa, sa destinée, fût née et, à peine l’âge de mariage atteint, il l’a épousée. C’est pourquoi, selon Or ha-Hayim, la raison de cette attente est : parce qu’il prit pour épouse Rivqa, .
Toutefois Rav Alchikh souligne la piété de Yitshaq qui, bien qu’âgé de quarante ans, ne fut pas attiré par la beauté physique et avait attendu que Rivqa la tsaddèqète, la vertueuse, fût née.
Fille de Bétouèl, soeur de Labane, l’Araméen.
Ces précisions se trouvent déjà mentionnées dans la sidra Hayè Sara. Quelle est la raison de cette reprise?
Bétouèl et Labane sont tous deux des réchaîm, impies notoires, demeurant dans un environnement de réchaîm. Malgré cela Rivqa n’avait pas assimilé leurs moeurs et s’était distinguée par sa piété. Rivqa, par sa conduite et sa perfection, devait convenir à Yitshaq.
À lui pour épouse,
Que signifie ce détail à lui, pour lui? Le texte aurait pu tout simplement dire: lorsqu’il prit Rivqa pour épouse.
Rivqa avait donc un mérite personnel pour qu’elle soit devenue l’épouse de Yitshaq. C’est une tsaddèqète qui convient à un tsaddiq. Le texte souligne également le fait que la naissance d’Êssaw ne devait en aucune manière être attribuée à Rivqa car elle était d’une perfection égalant celle de Yitshaq. La naissance de Êssaw devrait être attribuée au fait qu’il était le neveu de Labane. Nos maîtres disent justement que la plupart des enfants tiennent du frère de la mère. Êssaw sera rachâ, , impie comme Labane.
Yitshaq implora l’Ét’ernel au sujet de sa femme, parce qu’elle était stérile : l’Ét’ernel accueillit sa prière, et Rivqa, sa femme devint enceinte.
Au sujet de sa femme,
Le terme signifie littéralement En face. De là Rachi tire que les deux avaient imploré l’Ét’ernel. Cependant pour quelle raison le texte ne mentionne-t-il pas Rivqa? Il se contente de dire son épouse
Yitshaq avait prié pour sa femme. Ayant eu la possibilité d’enfanter aussitôt après la âqèda, il n’était pas nécessaire d’implorer D’ieu pour lui-même. S’il devait le faire, c’était bien pour sa femme. Mais Yitshaq, ne sachant pas si D’ieu allait demander un changement de nom pour Rivqa pour qu’elle ait des enfants comme ce fut le cas de Saraï qui devint Sara, implora D’ieu au sujet de sa femme sans mentionner de nom.
Rav Alchikh signale que Yitshaq ne veut pas mentionner Rivqa pour ne pas se trouver dans la nécessité de rappeler qu’elle est la fille de Bétouèl ce qui aurait pour résultat de voir sa prière rejetée. Mais ayant invoqué dans sa prière qu’elle est sa femme, Yitshaq implore D’ieu de lui accorder des enfants.
L’Ét’ernel accueillit sa prière,
Toute cette proposition est en plus puisque le texte précise Rivqa, sa femme, devint enceinte.
Rachi rapporte que D’ieu avait exaucé la prière de Yitshaq et non celle de Rivqa. Il déduit cette explication de lo, à lui, et non lah, à elle.
Mais l’auteur de Liqoutè Mégadim, s’étonne que l’on puisse faire une telle déduction puisque la prière des deux avait été exaucée. Il propose plutôt l’explication suivante : les deux savaient qu’ils allaient avoir deux enfants un tsaddiq et un rachâ. Yitshaq priait pour que le tsaddiq soit parfait même si le rachâ devait être un rachâ parfait. Rivqa, elle, avait prié pour que le rachâ ne soit pas un rachâ parfait même si le tsaddiq devait être imparfait. C’est pourquoi il est dit Rachi sur le texte. :
La prière d’un tsaddiq à propos d’un fils tsaddiq n’est en rien semblable à la prière d’un tsaddiq à propos d’un fils rachâ.
Aussi pour cette raison Yitshaq priait-il en face de son épouse. Cette expression marque une opposition entre les objectifs visés.
Comme les enfants s’entre-poussaient dans son sein, elle dit : Si cela est ainsi, à quoi suis-je destinée! Et elle alla consulter l’Ét’ernel.
Les enfants s’entre-choquaient dans son sein.
Ce verset suppose, comme le suggère le midrache, le partage des mondes entre les deux enfants. Yaâqov choisit le monde futur et Êssaw ce monde. Comment comprendre que, dès le sein de la mère, un partage aussi radical ait pu se faire? Devrions-nous conclure que l’homme est déterminé déjà dès la naissance?
Rav Alchèkh, se basant sur le midrache, pense que si Rivqa conclut à l’absence de liberté c’est en raison du comportement inhabituel du foetus. Passant près d’une académie où l’on enseigne la Tora l’enfant avait tendance à sortir, tandis que passant près d’un lieu d’idolâtrie l’enfant avait aussi tendance à sortir. En effet cette réaction du foetus avait-elle donné à penser qu’il s’agissait bien de deux enfants qui se partageront le monde, l’un voulant ce monde, la réussite matérielle avec ce que cela comporte âvoda zara, idolâtrie, violence et rapine, et l’autre choisissant le monde futur, monde de l’esprit et de la Tora. Aussi est-elle prête à croire que l’homme, même avant la naissance est déterminé puisque les deux avaient leur voie tracée.
Pourquoi suis-je ainsi, ?
Que signifie cette interrogation?
Pour le Gaon de Vilna, Rivqa, perplexe face aux réactions surprenantes du foetus en présence d’une académie de Tora ou d’un lieu d’idolâtrie, ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’unicité de D’ieu. Un tel comportement laisse entrevoir l’éventualité du dualisme. Pourquoi alors, se demande-t-elle, D’ieu se présente-t-Il ainsi sur le mont Sinaï Chémot 20, 2. : Je suis l’Ét’ernel, ton D’ieu…?
La situation se présentant ainsi, Rivqa se demande pour quelle raison avait-elle imploré D’ieu pour lui donner des enfants. Elle alla consulter D’ieu pour savoir quelle avait été l’utilité de la prière. Car en priant elle espérait avoir un enfant, mais un enfant tsaddiq.
L’Ét’ernel lui dit: Deux nations sont dans ton sein, et deux peuples sortiront de tes entrailles: un peuple sera plus puissant que l’autre, et l’aîné obéira au plus jeune.
Deux Nations sont dans ton sein.
Ayant signalé qu’en fait il s’agit d’enfants, au moins deux, que dit le texte de plus que Rivqa ne sache pas?
D’ieu lui fait cependant savoir par un prophète : Deux Nations sont dans ton sein, ce n’est point comme elle pense que les enfants ont dès avant la naissance une conduite morale toute tracée et déterminée mais plutôt une querelle sur le partage du monde. Quant à savoir de quelle utilité serait sa prière Kéli Yaqar souligne que même Êssaw donnera naissance à un homme juste et parfait. Il s’agit de l’empereur Antonin, frère de lait de Rabbi Yéhouda ha-Nassi.
Cependant nous constatons qu’une fois le texte emploie bé-qirbah, en son sein, et une autre bé-bitnèkh, en ton sein, pour finir par dire mimeâyikh, de tes entrailles, pour désigner la même chose. Pourquoi ce changement?
En vérité bé-qirbah, en son sein, désigne plutôt que dans son for intérieur elle avait réalisé que ses deux enfants allaient s’opposer au niveau de leur conception du monde. Elle a été consciente de ce fait et, surprise, elle s’était laissé dire que si différence de conception de la vie il y a, elle ne saurait exister que lorsque les deux enfants auront atteint l’âge de comprendre et de choisir chacun leur voie. C’est là le sens de son étonnement Pourquoi suis-je ainsi? Mais la réponse divine lui apprend qu’effectivement ces deux enfants qui sont bé-bitnèkh, dans ton sein, constituent en réalité deux nations divisées et éloignées l’une de l’autre quant à leur conception de la vie morale et de la perfection. Bien plus, l’un peut tenter de supplanter l’autre par tous les moyens dont il peut disposer y compris la force. Aussi lui demande-t-on d’agir de telle sorte qu’ils gardent une distance entre eux. En les maintenant séparés, le monde ne se portera que mieux.
L’aîné obéisse au plus jeune.
De plus Rivqa veillera toujours à ce que l’aîné obéisse au plus jeune, c’est-à-dire Êssaw sera dominé par Yaâqov. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle agit quand Yitshaq voudra bénir Êssaw. Rivqa intervient pour que les bénédictions soient attribuées à Yaâqov.
Ainsi cette sidra rapporte des éléments qui vont préciser le destin du peuple d’Israël. D’un côté il aura à affronter Yichemaêl de l’autre Êssaw. Mais tout dépend en définitive de la conduite d’Israël car Si Yaâqov élève sa voix pour étudier la Tora et pour prier, les mains de Êssaw ne pourront jamais causer de préjudice à Israël.