La destruction de Sédome

L’Ét’ernel se révéla à lui dans les plaines de Mamrè, tandis qu’il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. Comme il levait les yeux et regardait, il vit trois personnages debout près de lui. En les voyant, il courut à eux du seuil de la tente, et se prosterna contre terre. Et il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe pas ainsi devant ton serviteur! Qu’on aille quérir un peu d’eau; lavez vos pieds, et reposez-vous sous cet arbre. Je vais apporter une tranche de pain, vous réparerez vos forces, puis vous poursuivrez votre chemin, puisque aussi bien vous avez passé près de votre serviteur. Ils répondirent : Fais ainsi que tu as dit Bérèchit 18, 1-5..

Wayè-ra s’ouvre sur la visite des mal’akhim, , êtres célestes, envoyés par D’ieu à Abraham pour lui permettre d’accomplir hakhnassat orhim, , accueil des invités. La Tora tend à souligner, par ce récit, l’attachement particulier d’Abraham à une belle oeuvre de bienfaisance. En vérité comme la raison d’être d’Abraham est de propager la croyance en l’unicité de D’ieu, accueillir chez lui des passants, des voyageurs ou toute personne qui exprime le besoin de se nourrir, devenait le prétexte de les entretenir de sa foi tout en leur inculquant ses principes. C’est pour répondre à cela qu’Abraham avait prévu une porte à chaque direction afin de faciliter l’accès de sa demeure aux visiteurs.

Ainsi agissait-il envers les hommes et Sara, elle, faisait de même auprès des femmes. Le verset dit à ce propos 2 Bérèchit 12, 5. :

Les âmes qu’ils avaient acquises à Harane.

Arrivé au pays de Kénaâne, Abraham avait tant et si bien développé ce système qu’il finit par être entouré de plusieurs adeptes et alliés tels que Èchekol, , Ânèr, , et Mamrè 3 cf. Bérèchit 14, 13., .

Malgré les efforts investis auprès de son environnement humain, Abraham ne néglige pas pour autant sa principale préoccupation, celle d’atteindre une perfection morale.

Aussi D’ieu lui recommande-t-Il Bérèchit 17, 1. : Je suis le D’ieu tout-puissant; conduis-toi à mon gré, sois irréprochable. Rachi commente :

Sois parfait dans toutes mes épreuves. Le midrache commente : conduis-toi à mon gré en accomplissant la mitswa de la circoncision, , mila, et grâce à cela tu seras irréprochableet parfait.

Cette épreuve n’est pas simple surtout pour un homme de l’âge de 99 ans. Cette alliance, , ne s’adresse pas seulement à Abraham mais à toute sa descendance. Tout se passe comme si une fois cette mitswa accomplie, Abraham aura la récompense d’avoir une descendance nombreuse cf. Bérèchit 17, 7..

Certes nos Maîtres affirment-ils ne sont appelés Ancêtres que trois : Abraham, Yitshaq et Yaâqov. Cependant, n’est-il point surprenant que l’on dénigre à Tèrah le titre de père d’Abraham? Comment comprendre alors que le peuple d’Israël remonte à Abraham et non à Tèrah? C’est pourquoi la sagesse divine agit de telle sorte que toute relation soit définitivement coupée avec Tèrah. D’ieu attend qu’Abraham et Sara aient atteint un âge avancé, respectivement celui de 99 ans et 90 ans, un âge où leur stérilité était irrémédiable pour enfin les rajeunir et les doter du pouvoir de procréation. De même, pour avoir un fils de Sara qui sera un maillon de la chaîne des Ancêtres, il fallait qu’Abraham se prêtât à la mitswade la mila pour se débarrasser de toutes les scories et impuretés qu’il recélait étant le fils de l’idolâtre Tèrah.

Abraham consulte ses alliés ÂnèrÈchekol et Mamrè et pratique aussitôt la mila aussi bien pour lui que pour tous les gens de sa maison.

Le troisième jour de la mila, Abraham était souffrant. Mais il souffrait davantage de l’absence de visiteurs puisque ce jour-là D’ieu avait sorti le soleil de son enveloppe, dégageant une forte chaleur pour éviter tout dérangement à Abraham.

Le Midrache Rabba sur la sidra rapporte :

Abraham s’est dit : avant la mila, des passants me rendaient visite. Se peut-il parce que j’ai pratiqué la mila qu’ils ne passent plus par chez moi. Le Saint béni soit-il lui dit : jusqu’alors c’était des passants. Maintenant c’est moi et toute ma cour qui allons apparaître chez toi tel qu’il est dit Bérèchit 18, 2. :

…En les voyant il courut à eux du seuil de la tente.

Ce midrache laisse deviner l’existence d’un lien entre la mila et l’éloignement des visiteurs. La souffrance ressentie par Abraham est celle de l’homme qui, à cause de sa grande perfection, se sent mis à l’écart de son entourage et de la société qu’il entend transformer. Si toute relation avec la société devient à ce point difficile, ce sera l’essence même de son rôle qui est remis en question. Mais D’ieu, exprimant son appui par une révélation dont le haut niveau dépasse celui de toutes les précédentes, cherche à calmer ses appréhensions et doutes.

L’Ét’ernel se révéla à lui dans les plaines de Mamrè, tandis qu’il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour.

Le texte dit : L’Ét’ernel s’est révélé à lui, , et non à Abraham, . Que signifie le choix d’une telle formule?

En utilisant cette formule : L’Ét’ernel se révéla à lui, et non à Abraham, le texte souligne la perfection morale d’Abraham. Le nom d’Abraham et son essence s’opposent. Abraham, , dont la signification père d’une multitude de nations Bérèchit 17, 5. désigne davantage un comportement hautain de maître. L’orgueil, défaut grave et malsain, peut, à lui seul, faire fuir la Chékhina. En revanche èlaw, , à lui, désigne la vertu essentielle d’Abraham, faite de modestie, puisque lui-même se définissait ainsi , je ne suis que poussière et cendre Bérèchit 18, 27..

Sa modestie fait que D’ieu se révèle à Abraham. Bien plus, le nom de D’ieu apparaîtra dans la construction de la phrase après le complément à lui pour souligner le haut niveau de perfection d’Abraham.

En suivant la construction du verset, ‘, la traduction donnerait : Il s’est révélé à lui l’Ét’ernel. Pourquoi le texte place-t-il à lui, se rapportant à Abraham, avant le nom de l’Ét’ernel? Le complément est placé avant le sujet.

Pour Kéli Yaqar, si avant la mila, , D’ieu se révèle à Abraham, ce n’est qu’en récompense pour son éminente activité dans le domaine du redressement moral auprès de son entourage et des personnes de sa génération. Mais compte tenu de son état d’incirconcis, D’ieu éviterait bien de se révéler à lui. Toutefois circoncis, Abraham atteint un niveau de perfection justifiant amplement cette révélation.

Èlonè Mamrè, .

Rachi dit :

D’ieu s’est révélé à Abraham dans les plaines de Mamrè parce que Mamrè avait conseillé à Abraham de pratiquer la mila.

Comment comprendre qu’Abraham ait pu à un certain moment hésiter d’obéir à l’ordre divin pour qu’il faille recourir au conseil de Mamrè?

Lorsque Rachi dit que Mamrè eut le mérite d’accueillir la Chékhina dans sa plaine parce qu’il a conseillé à Abraham de pratiquer la mila, il ne veut point diminuer le mérite d’Abraham. Bien au contraire, la mila étant une mitswa, Abraham est prêt à l’accomplir.

Baâlè ha-Tosséfot précisent qu’Abraham entend, selon l’ordre divin, pratiquer la mila sur tous les mâles de la maison. Ne pouvant prévoir leur réaction, il demande conseil à Ânèr et Èchekol qui ne lui sont d’aucune aide. Mais Mamrè lui conseille de commencer par lui et Yichemaêl afin que les autres suivent.

En vérité, il ne fait point de doute qu’Abraham, dont l’intention fut d’être le premier à accomplir la mitswa de D’ieu, cherche plutôt de déterminer lequel de ses trois alliés lui était fidèle. Poursuivant ce but, il demande à chacun ce qu’il pense de la milaÂnèr et Èchekol lui conseillent, vu son âge, de ne pas obéir à cette prescription. Tandis que Mamrè est d’avis de passer non seulement à l’obéissance immédiate mais aussi de procéder en public, non d’une manière discrète. Ainsi Abraham a-t-il pu connaître l’allié fidèle qui prend en compte ses véritables intérêts.

Tandis qu’il était assis à la porte de la tente, pendant la chaleur du jour.

Cette indication pose un problème. Tout indique qu’Abraham n’a eu cette révélation que parce qu’il était assis à la porte de la tente. Comment comprendre l’importance de ce détail?

À la chaleur du jour, . Abraham mérite également la révélation divine pour deux raisons supplémentaires. Le verset souligne : se tenant À la porte de la tente, , dans l’attente de passants pour les servir et les héberger. Le mérite de la bienfaisance, en l’occurrence l’hospitalité, , entraîne la révélation divine à Abraham tel que l’affirme le psalmiste Téhillim 17, 15. : Quant à moi, grâce à ma charité je contemplerai ta face.

En disant à la chaleur du jour, le texte invoque la deuxième raison justifiant la révélation divine. Abraham avait, en effet, grandement besoin du soleil, prodiguant à la fois bienfait et soins, pour se remettre des souffrances de la mila, ce qui oblige D’ieu de venir lui-même le soigner Kéli Yaqar. .

Comme il levait les yeux et regardait, il vit trois personnages debout près de lui. En les voyant, il courut à eux du seuil de la tente, et se prosterna contre terre.

Way-arWay-ar, , , il vit.

Pourquoi cette répétition?

Comme il levait les yeux et regardait, et voici trois personnages debout près de lui….

Pour Or ha-Hayim, l’intention de la Tora est de dévoiler la raison de la visite des Mal’akhim. Selon nos Maîtres, ils sont trois ayant pour mission : le premier de guérir Abraham et sauver Lote, le deuxième pour annoncer à Sara la naissance de Yitshaq et le troisième pour détruire Sédome et Âmora. Mais lui ayant apparu sous la forme d’êtres humains alors qu’en réalité ils sont des mal’akhim, le texte aurait dit une non-vérité s’il avait affirmé : il vit trois hommes. C’est pourquoi le texte place le mot wé-hinnè, , et voici, pour attirer l’attention que seule l’apparence était celle d’êtres humains; en fait ce sont des mal’akhim.

Debout près de lui,

Ce détail contredit le fait qu’Abraham ait couru vers eux, . Pourquoi l’avoir dit?

Abraham s’est prosterné devant ces hommes,

, avant même de les connaître. Pourquoi?

Ces mal’akhim sont venus pour lui. Ils rendent visite à Abraham malheureux et triste de n’avoir pas reçu, ce jour, de visiteurs à cause de la grande chaleur qui sévissait. Le texte utilise le deuxième way-ar pour signaler qu’après examen, Abraham comprend qu’ils sont des mal’akhim puisqu’à leur vue, il se met aussitôt à courir à leur rencontre, ce qui atteste de sa guérison effectuée de loin par le mal’akh Réfaèl, , devant lequel il s’est prosterné en signe de respect dû aux anges divins et pour lui exprimer sa reconnaissance pour sa guérison.

Et il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe pas ainsi devant ton serviteur!

Il dit : Seigneur… –

Pour quelle raison s’adresse-t-il à un seul quand l’intention d’Abraham est d’inviter les trois hommes?

Selon nos Maîtres cf. Rachi., étant à ce moment en communication avec D’ieu, Abraham Le prie de patienter qu’il ait fini de s’occuper des visiteurs pour revenir à Lui. De là nous pouvons tirer, disent-ils, que :

Recevoir et héberger des invités est plus important qu’accueillir la Chékhina.

Mais pour Or ha-Hayim, Abraham s’adresse à l’ange Gabrièl, , qui s’apprête à quitter les deux autres pour aller accomplir sa mission de destruction de Sédome et Âmora. Mais sur l’insistance d’Abraham, il rejoint ses compagnons pour répondre à son invitation.

Qu’on aille quérir un peu d’eau; lavez vos pieds, et reposez-vous sous cet arbre.

Qu’on aille quérir un peu d’eau. .

Que signifie cette suggestion d’Abraham :

Se laver les pieds et se reposer sous l’arbre?

Au début ces anges avaient paru à Abraham, selon Rachi, sous l’apparence d’Arabes qui adorent la poussière de leurs pieds. Cette poussière était donc considérée comme une divinité. Abraham veut qu’eux-mêmes prennent l’eau pour se laver afin de procéder eux-même à l’annulation de leur divinité. Il n’a nullement le droit de leur servir lui-même cette eau parce que la halakha, , la loi, interdit à un Israélite d’annuler la âvoda zara, , l’idolâtrie, d’un païen.

Reposez-vous sous cet arbre. .

L’arbre fait allusion à la Tora, à l’arbre de vieêts hayim, . En abandonnant l’idolâtrie, ils s’attachent à la Tora cf. Or ha-Hayim z.l..

Je vais apporter une tranche de pain, vous réparerez vos forces, puis vous poursuivrez votre chemin, puisque aussi bien vous avez passé près de votre serviteur. Ils répondirent : Fais ainsi que tu as dit.

Fais ainsi que tu as dit.

Pourquoi avoir accepté la proposition de cette manière? Tout se passe comme si ce sont eux qui lui accordent un mérite!

Il est surprenant qu’Abraham invite les mal’akhim à manger après les avoir identifiés en tant que mal’akhim. Mais son intention n’est pas de servir des aliments, une nourriture terrestre, mais plutôt une nourriture spirituelle cf. Or ha-Hayim.. Le pain servi est la Tora et ses secrets. Cependant il n’en demeure pas moins que les mal’akhim, parce qu’ils sont en mission sur terre, doivent se comporter comme des êtres humains et manger leurs aliments. D’ici nos Maîtres enseignent qu’il ne faut point changer le minehag, , coutume, de l’endroit où l’on se trouve. Mochè au ciel se comporte comme les anges. Il ne mange ni ne boit point. En revanche, les anges chez Abraham mangent et boivent.

Aussi pour cette raison lui disent-ils fais ainsi que tu l’as dit : un peu de pain, rien d’autre. Car ils savent qu’Abraham avait l’habitude :

De promettre peu mais de faire beaucoup.

Cette vertu d’Abraham de hakhnassat orhim, , est celle dont le mérite avait aidé Israël dans le désert à être les invités de D’ieu puisqu’il leur a assuré l’eau, le puits de Myriam, et le pain, la manne

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