L’académie de Yaâqov en Égypte

Yaâqov, dans le souci de poursuivre son enseignement, avait envoyé Yéhouda en éclaireur pour installer à Gochène un Bèt ha-Midrache, une académie.

Le Midrache, citant le verset :

Yaâqov avait envoyé Yéhouda en avant vers Yossèf pour qu’il lui préparât l’entrée à Gochène, dit à ce propos :

“Il lui prépare une académie afin que [Yaâqov] puisse dispenser son enseignement aux tribus. Sache qu’il en est ainsi : lorsque Yossèf l’avait quitté, il savait à quel chapitre ils se sont séparés, le lui ayant enseigné. À leur retour, [les fils] lui apprirent que Yossèf était encore en vie, “son coeur restait froid parce qu’il ne les croyait pas.” Yaâqov se souvint à quel chapitre ils s’étaient séparés et se dit : je sais que nous étudiions, au moment de son départ, le thème de la génisse à la nuque brisée. Qu’il vous donne un signe, le chapitre que nous étudiions, et je vous croirai. Yossèf se souvint également du dernier chapitre étudié avant de quitter son père. Que fit Yossèf ? Il leur donna des voitures. “Quand il vit les voitures, la vie revint au coeur de Yaâqov leur père“. C’est pour t’enseigner que, partout où il allait, il s’occupait de l’enseignement de la Tora à l’exemple de ses pères…”

Ainsi ce midrache illustre bien le souci majeur de Yaâqov pour son installation en Égypte. Certes, Yaâqov n’avait jamais cessé d’enseigner la Tora. Que se passera-t-il en Égypte ? Il appréhende en fait et le séjour en Égypte, terre impure, et l’absence d’étude de la Tora. Aussi envoie-t-il Yéhouda en éclaireur à Gochène. Pourquoi Gochène et non près de Yossèf puisque c’est bien pour lui qu’il fait l’effort de quitter le pays de Kénaâne, terre sainte, pays où il aurait pu poursuivre, dans le calme et la sérénité, dans la pureté et la sainteté, l’étude et l’enseignement de la Tora ?

Selon Rav Alchikh, se référant au Midrache, Parô avait offert en dot à Sara la Province de Gochène. Par cet acte de possession, cette terre s’élève à un état de pureté et de sainteté qu’elle n’avait jusqu’alors. Appartenant à Sara, Gochène n’est plus placée sous la dépendance des divinités égyptiennes. C’est là que Yaâqov désire s’installer afin de fuir les turpitudes de la métropole ainsi que toute son impureté.

En outre, c’est là qu’il désire établir son centre d’étude de la Tora, une école où il pourra poursuivre son oeuvre, celle de préparer les générations futures, surtout dans un pays où elles sont appelées à subir l’esclavage physique et moral. Durant le séjour en Kénaâne, le Midrache est discret sur l’oeuvre éducatrice de Yaâqov. Mais aux portes d’Égypte, le Midrache trouve nécessaire de signaler cette préoccupation de Yaâqov. C’est, bien entendu, la solution importante que Yaâqov entrevoit face à une situation menacée par les dangers et risques d’assimilation. La province de Gochène répond donc au souci de propager l’enseignement de la Tora dans des conditions optimales de pureté.

Par ailleurs, Yaâqov, sur les conseils de Yossèf, choisit Gochène pour maintenir ses enfants loin des Égyptiens. C’est une mesure de sécurité pour éviter toute possibilité d’assimilation.

Toutefois, le texte emploie Gochena, au lieu de èl Gochène, vers Gochène. Le choix d’une forme au détriment de l’autre est révélateur également de la préoccupation essentielle de Yaâqov à son arrivée en Égypte. Yaâqov reçoit l’assurance de D’ieu :

“Moi-même, Je descendrai avec toi en Égypte ; Moi-même aussi, Je t’en ferai remonter ; et c’est Yossèf qui te fermera les yeux.”

Fort de cette assurance, il envoie Yéhouda à Gochène pour préparer et établir également les conditions favorables à la délivrance. Il est évident que, pour une telle mission, Yéhouda qui, dans l’avenir, donnera naissance au Machiahmessie, est le mieux indiqué pour l’accomplir. Une raison militant en faveur de cette approche est que Gochena, a pour valeur numérique 358, la même que pour Machiahmessie.

Dans cette perspective, il est possible de voir évoluer les véritables protagonistes de l’histoire d’Israël. Yossèf représente le libérateur politique. C’est lui qui sauve Yisraèl – Yaâqov de la situation pénible de l’exil. Mais le libérateur spirituel, celui qui va œuvrer pour que “la terre, selon Yéchâya, soit pleine de la connaissance de D’ieu, comme l’eau abonde dans le lit des mers”, sera le descendant de Yéhouda.

Ainsi celui qui reçoit Yaâqov, lui apportant une solution à la famine, est Yossèf. Celui que Yaâqov envoie pour lui préparer une maison d’étude pour enseigner la Tora à Gochène, ne saurait être nul autre que Yéhouda.

Pour le Midrache, Yaâqov ne peut croire que Yossèf soit encore vivant. Pourquoi ? Est-il tellement difficile pour Yaâqov de croire ses onze fils qui, eux, ont reconnu Yossèf ? Ne devait-il pas leur faire, bien au contraire, confiance ! Mais il s’agit là de la mission de Yossèf. C’est lui qui est appelé à donner la preuve que la délivrance, se situant à son niveau, est bien là. La preuve réside dans l’enseignement. La dernière leçon concernait la génisse au cou brisé.

La Tora enseigne que cette génisse répare en fait un crime commis sur la personne qui, en visite dans une des localités d’Israël, n’a pas été traitée selon les lois de l’hospitalité. Nul ne l’héberge dans la ville, nul ne lui donne des provisions pour le voyage, nul ne l’accompagne au moment de son départ. Ce meurtre résulte de ce que personne ne s’est inquiété de son sort, si bien que le meurtrier pense agir en toute sécurité. Les anciens de la ville, comme les voisins du cadavre, immoleront par le cou la génisse et, se lavant les mains sur la génisse, diront : “Nos mains n’ont point répandu ce sang-là et nos yeux ne l’ont point vu répandre.” Cette réparation était nécessaire parce que la vie de tout Israélite doit être l’affaire de chacun et surtout des chefs.

Le Midrache insiste donc, pour que Yaâqov puisse croire que Yossèf est bien en vie, que l’on lui rapporte cet enseignement. Yossèf, en tant que Machiah devant régler tous les problèmes relatifs à la situation économique et politique de Âm Yisraèl, doit prouver, non seulement d’avoir assimilé cet enseignement, mais être prêt à le mettre en pratique. La vue des voitures, dont le symbole est le rappel de l’enseignement de la génisse, fournit à Yaâqov la réponse à ses deux attentes.

La rencontre de Yaâqov et Yossèf se situe surtout au niveau de l’avenir de tout Israël. Malgré les assurances de D’ieu, Yaâqov s’attache à la mise en place de toutes les conditions qui allaient œuvrer dans le sens voulu par D’ieu.

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