Le choix de la femme pour Yitshaq
«Or, Abraham était vieux, avancé dans sa vie; et l’Ét’ernel avait béni Abraham en toutes choses Abraham dit au serviteur le plus ancien de sa maison, qui avait le gouvernement de tous ses biens : «Mets, je te prie, ta main sous ma hanche, pour que je t’adjure par l’Ét’ernel D’ieu du ciel et de la terre de ne pas choisir une épouse à mon fils parmi les filles du Kénaâni avec lequel je demeure, mais d’aller dans mon pays et dans mon lieu natal chercher une épouse à mon fils Yitshaq.» Le serviteur lui dit : «Peut-être cette femme ne voudra-t-elle pas me suivre dans ce pays-ci : devrai-je ramener ton fils dans le pays que tu as quitté?» Abraham lui répondit : «Garde-toi d’y ramener mon fils! L’Ét’ernel, le D’ieu des cieux, qui m’a retiré de la maison de mon père et du pays de ma naissance : qui m’a promis, qui m’a juré en disant : «Je donnerai cette terre-ci à ta race». Lui, il te fera précéder par son envoyé, et tu prendras là-bas une femme pour mon fils. Que si cette femme ne consent pas à te suivre, tu seras dégagé du serment que je t’impose. Mais en aucune façon n’y ramène mon fils. Le serviteur posa sa main sous la hanche d’Abraham, son maître et lui prêta serment à ce sujet(1).»
Après le sacrifice de Yitshaq, Abraham apprend la mort de Sara. Aussitôt après avoir acquis le caveau du champ de Makhpèla, Abraham y ensevelit Sara. Ces événements lui font oublier, pour un temps, ses préoccupations essentielles. À son retour du Mont Moriya, Abraham était en effet préoccupé(2).
«Si mon fils avait été immolé, se disait-il, il serait parti sans avoir eu d’enfants. Je devrais lui faire épouser une fille de Ânèr, Èchekol ou Mamrè. Mais le Saint béni soit-Il lui annonce la naissance de Rivqa destinée à Yitshaq.»
Vieux, avancé dans l’âge, Abraham fut repris par ses préoccupations de marier son fils. Pour cela, il mande Èliêzèr, son serviteur.
Le Midrache(3) rapporte :
«Abraham dit au serviteur le plus ancien de sa maison». [Le serviteur] dont le portrait rappelait celui [d’Abraham]; «qui avait le gouvernement de tous ses biens», il dominait son yètsèr, son mauvais penchant, comme lui-même.
«Mets, je te prie, ta main sous ma hanche», Rabbi Bérakhiya dit : parce qu’elle fut acquise par des souffrances, la mila, la circoncision était chère; ils ne jurent que par elle.
«Je t’adjure par l’Ét’ernel D’ieu du ciel» : Rab Papa dit : avant que je ne le fasse connaître de ses créatures, l’Ét’ernel était seulement D’ieu du ciel mais après que je l’eus fait connaître de ses créatures, Il est D’ieu de la terre. «De ne pas choisir une épouse à mon fils…» Il lui recommande de ne point choisir parmi les filles de Ânèr, Èchekol et Mamrè.
«Mais bien dans mon pays et dans mon lieu natal» : Rabbi Yitshaq dit : les graines [de blé] de ta ville, même moins bonnes, sont meilleures à semer!»
Il est surprenant que le midrache trouve nécessaire d’énumérer les qualités morales d’Èliêzèr, serviteur d’Abraham, juste au moment où il s’agit de trouver une femme à Yitshaq. Aussi semble-t-il même superflu que le midrache insiste sur les vertus d’Èliêzèr car, s’il n’était point digne d’intérêt, Abraham ne l’aurait point gardé à son service. Il faudrait donc déterminer la raison qui motive cette énumération!
Il s’agit en fait de choisir une femme pour Yitshaq. C’est le fils unique d’Abraham et de Sara. C’est lui qui est appelé à prendre la suite d’Abraham dans l’enseignement et la propagation de la foi en D’ieu. Déjà nous avons pu constater le soin apporté par Sara dans l’éducation de son fils. Elle a écarté Yichemaêl afin de préserver Yitshaq de son influence pernicieuse et néfaste. Elle l’a élevé dans le respect des principes divins et, le moment venu, Yitshaq n’a pas hésité à assumer l’épreuve du sacrifice.
Mais arrive le moment de marier Yitshaq. Abraham vieux, avançant dans l’âge, sent que la mort peut le surprendre comme ce fut pour Sara. Aussi décide-t-il de laisser ses recommandations à Èliêzèr, recommandations précises pour aller à Aram Naharayim, Mésopotamie, auprès de la famille d’Abraham pour choisir l’épouse de Yitshaq.
S’il est difficile à Abraham d’aller lui-même présider à ce choix, pour quelle raison n’accepte-t-il pas d’envoyer Yitshaq lui-même? Ne fait-il aucune confiance au choix de Yitshaq?
En fait Nos Maîtres enseignent que depuis la âqèda, Yitshaq n’avait plus le droit de sortir en dehors d’Èrèts Yisraèl. Ayant eu le mérite d’avoir été offert en holocauste, ôla, Yitshaq eut accès à une qédoucha, sainteté, qui lui interdisait la sortie hors du pays.
Cependant selon Rav Desler(4), Abraham tient à envoyer Èliêzèr pour faire ce choix car n’étant pas directement impliqué, il pourrait juger des valeurs morales et des vertus de la jeune fille de manière objective. Si Yitshaq devait le faire par lui-même, il risquait de faire un choix basé uniquement sur les sentiments ou des considérations subjectives.
Aussi pour cette raison le midrache souligne les vertus et les qualités d’Èliêzèr qui, au contact de son maître Abraham, apprit à dominer ses sentiments, ses tendances. Ressemblant à Abraham, il aura pour souci majeur de ne point accepter tout compromis. Celle qui sera choisie sera la femme qui, par ses qualités et vertus, sera digne d’Abraham et de Yitshaq. C’est à ce moment précis que le midrache nous trace les vertus du serviteur pour souligner sa fidélité.
Cependant Abraham adjure Èliêzèr. Est-ce à dire qu’il n’a point confiance en lui? Peut-être qu’étant le gouverneur de tous les biens d’Abraham, Èliêzèr serait-il tenté de choisir une femme qu’il voudrait tenir sous son influence afin de préserver sa position! Il se pourrait aussi que la nouvelle maîtresse ait l’intention d’apporter des changements qui le condamneraient à une retraite! Le serment vient attirer son attention sur le fait que sa mission ne doit obéir qu’aux critères de vérité et de fidélité.
Bien plus, nos Maîtres font un procès d’intention à Èliêzèr. Intéressé à donner sa fille pour épouse à Yitshaq, Èliêzèr aurait tout fait pour échouer dans sa mission afin qu’Abraham accepte sa proposition. Aussi Abraham prend-il soin avant tout de faire prêter serment à Èliêzèr pour l’obliger à se conformer à ses recommandations. Le Midrache justifie cette approche par l’opinion de Rabbi Yitshaq qui précise que le choix de l’épouse doit se faire dans son propre milieu et non aller chercher ailleurs. Car mieux vaut la mauvaise graine de sa ville, de son milieu, que la meilleure provenant d’une autre ville, d’un autre milieu. Le fruit produit sera d’ailleurs meilleur.
Le Midrache poursuit :
«Le serviteur lui dit : «Peut-être cette femme ne voudra-t-elle pas me suivre dans ce pays.» C’est bien ce que le texte affirme(5) : «Le Kénaâni manie des balances frauduleuses, il aime pratiquer le dol...» Kénaâne, c’est Èliêzèr. Manie des balances frauduleuses, il pesait les chances qu’a sa fille [d’épouser Yitshaq] : convient-elle ou non? Il aime pratiquer le dol, il voulait faire souffrir Yitshaq, l’aimé de tous. Il s’est dit : «Peut-être cette femme ne voudra-t-elle pas», Puis-je alors lui donner ma fille? [Abraham] lui dit : «Tu es maudit et mon fils est béni. Le maudit ne pourra pas s’unir au béni.»
Il est donc clairement établit qu’Èliêzèr avait ses propres visées sur Yitshaq. Qui ne voudrait pas donner sa fille au fils d’Abraham? Lui, aimé de D’ieu et respecté par toutes les cours, les rois et les princes? Reste un seul point, et il est de grande importance : la femme destinée à Yitshaq doit avoir des qualités et vertus correspondant à celles de Yitshaq. Cela constitue l’essentiel même de la mission d’Èliêzèr : trouver une femme qui serait digne de faire partie de la maison d’Abraham.
Or, Abraham était vieux, avancé dans sa vie; et l’Ét’ernel avait béni Abraham en toutes choses.
Or, Abraham était vieux.
Quel rapport existe-t-il entre le choix de l’épouse de Yitshaq et cette introduction? Abraham se devait, depuis fort longtemps, de chercher une femme à son fils. Pourquoi avoir attendu qu’il soit âgé de 37 ans?
De plus l’indication «L’Ét’ernel avait béni Abraham en toutes choses», semble en trop.
Pour quelle raison le précise-t-il?
Abraham, après la mort de Sara, la compagne de sa vie, sent le poids de l’âge devenir plus pesant et plus lourd. Aussi se résout-il à marier Yitshaq. Si l’épreuve du sacrifice avait été effective, il aurait été privé de voir ses petits enfants. L’âge est le motif essentiel de l’empressement d’Abraham de marier son fils.
Cependant la vieillesse frappe soit à la suite des souffrances, soit à la suite de maladies. Afin de souligner la raison de la vieillesse d’Abraham, le texte précise, en effet, qu’il est avancé dans la vie; en revanche, il avait été béni en toutes choses.
Ba-yamim, dans les jours.
Pour Chaâr Bat Rabbim, ce terme fait référence à la piété d’Abraham. Il ne considérait important que deux jours de la vie : celui de la naissance et celui de la mort. Le jour de la naissance lui rappelle la mission à remplir dans ce monde, l’étude de la Tora et la mise en pratique des mitswot pour avoir sa récompense dans le monde futur, et le jour de la mort le fait penser au jugement dernier. En pensant toute sa vie à ces deux jours, Abraham arrivait à se détacher du mal pour pratiquer le bien.
L’Ét’ernel avait béni Abraham,
Lorsqu’Abraham reçut les dons de Parô, le texte précise(6) :
«Quant à Abraham, il fut bien traité pour l’amour d’elle [Sara]; il eut du menu et du gros bétail, des ânes, des esclaves mâles et femelles, des ânesses et des chameaux.»
Toute cette richesse vient donc combler Abraham grâce au mérite de Sara. Pour Mèâm Loêz, afin de ne point penser qu’avec la mort de Sara la richesse d’Abraham connut un déclin, le texte précise que l’Ét’ernel l’avait béni en toutes choses. Le bonheur d’Abraham et sa richesse viennent en récompense de sa bonne conduite morale.
Ba-kol, en toutes choses.
Pour Rachi, la richesse d’Abraham aurait été incomplète s’il n’avait point eu un fils. Le texte, selon lui, précise que sa richesse était parfaite puisque Ba-kol dont la valeur numérique 52 est la même que celle de Bèn, fils. «Et puisqu’il avait un fils, dit-il, il fallait lui faire prendre femme.»
Mais le Talmoud(7) rapporte l’opinion de Rabbi Mèir voulant qu’Abraham n’ait point eu de fille. Ce fut là son grand bonheur et sa parfaite réussite.
Rambane et Rabbènou Béhayè, s’accordent pour affirmer qu’ayant une fille, Abraham l’aurait mariée bien malgré lui à un idolâtre. Ce qui n’aurait pas manqué de ternir son bonheur.
En revanche, Rabbi Yéhouda affirme qu’Abraham eut une fille. Sans la fille, il n’aurait pas atteint le but de l’homme de participer à la création divine par l’accomplissement de la mitswa de pirya wé-ribya, du devoir de procréer, consistant à avoir un fils et une fille.
D’autres précisent qu’Abraham avait une fille, bat, dont la signification serait vertu, qualité, mesure. Son prénom serait ba-kol, en Tout. C’est pour souligner, selon Rambane, qu’Abraham se contente et se suffit de ce que D’ieu lui accorde; il est toujours satisfait de ce qu’il possède. La grande richesse de l’homme est de se suffire de ce qu’il a.
Ba-kol, tout, pour Abraham, fait référence à D’ieu qui a tout créé. C’est un des grands principes du judaïsme de souscrire au fait que tout émane de D’ieu et tout doit lui être attribué.
Cependant, Rav Alchikh s’interroge sur le fait qu’Abraham ait négligé de se préoccuper de lui-même à savoir combler son besoin de prendre une femme pour ne point être seul, avant de penser à son fils qui, lui, a le devoir de se préoccuper de lui-même et de sa situation. Car en principe l’homme est concerné par sa mitswa propre avant d’être concerné par la mitswa des autres.
En réponse, Rav Alchikh constate que le mariage vise deux objectifs : échapper aux pensées infâmes et impures, accomplir la mitswa de procréer en enfantant un fils et une fille. C’est pourquoi le texte précise qu’Abraham s’occupe avant tout de Yitshaq car pour lui, le fait même d’être déjà vieux, avancé dans la vie, l’aide à échapper aux pensées impures. Le devoir de procréer, Abraham l’a pleinement rempli puisqu’il a eu de Sara Yitshaq et une fille du nom de Ba-kol.
Mais pour l’opinion exprimée par le Talmoud affirmant qu’Abraham n’a pas eu de fille, il devait penser à son fils en premier en raison de sa vieillesse qui le protégeait contre toutes les pensées infâmes et si jamais la vieillesse s’avérait impuissante, la deuxième raison est qu’Abraham, par sa vertu, maîtrisait parfaitement tous ses penchants puisque D’ieu l’a béni Ba-kol, c’est-à-dire la maîtrise de son mauvais penchant, yètsèr ha-râ.
Abraham dit au serviteur le plus ancien de sa maison, qui avait le gouvernement de tous ses biens : Mets, je te prie, ta main sous ma hanche.
Abraham dit au serviteur…«mets, je te prie, ta main sous ma hanche.
Pour quelle raison mentionne-t-il «qui avait le gouvernement de tous ses biens»? Que signifie «mets ta main sous ma hanche»?
Abraham, âgé, ne se sentant pas le courage d’entreprendre un si long voyage, s’apprête à envoyer Èliêzèr en mission. Craignant qu’Èliêzèr ne s’acquitte scrupuleusement de sa tâche, il lui fait au préalable prêter serment. De plus, Èliêzèr pourrait toujours agir de telle sorte que les parents de la jeune fille refusent de la laisser partir, auquel cas Yitshaq prendrait une femme Kénaânite. De même, témoignant peu d’empressement à accomplir la volonté de son maître, il attendrait que la mort de celui-ci lui permette d’imposer la femme qu’il entend faire épouser à Yitshaq. Le serviteur «avait le gouvernement de tous ses biens» justifiait amplement les appréhensions d’Abraham.
En revanche, pour Kéli Yaqar, Èliêzèr était au-dessus de tout soupçon. Il n’accepterait jamais, pour de l’argent, de marier Yitshaq à une fille de Kénaâne. Car Èliêzèr était de ceux qui avaient une emprise sur leurs biens et non le contraire. Ainsi il ne considère pas l’argent comme un souverain mais comme un serviteur. Il restait cependant le projet qu’il caressait de voir sa propre fille épouser Yitshaq. Aussi le fit-il jurer par la mila.
Mets ta main sous ma hanche.
Rachi dit :
«Celui qui prête serment doit tenir la main sur un objet par lequel s’accomplit une mitswa. Par exemple un livre de la Tora, une mézouza, des téfilline. La mila, la circoncision, était la première mitswa qu’Abraham a observée et elle s’accompagnait d’une souffrance, elle lui était d’autant plus chère, et c’est elle qu’il utilisa.»
Rabbènou Béhayè dit que ce geste est l’expression de la disponibilité du serviteur face à la volonté de son maître. C’est ainsi d’ailleurs que chez plusieurs peuples, les Indes par exemple, le serviteur exprime son intention d’obéir.
Je t’adjure par l’Ét’ernel D’ieu du ciel et de la terre de ne pas choisir une épouse à mon fils parmi les filles du Kénaâni avec lequel je demeure.
Je t’adjure par l’Ét’ernel; D’ieu du ciel et de la terre.
Pour quelle raison précise-t-il D’ieu du ciel et de la terre?
Pour Kéli Yaqar, en lui faisant prêter serment par la mila, Abraham rappelle combien cette mitswa est importante car le Talmoud dit(8) :
«Grande est la mila car sans cette mitswa les cieux et la terre ne pourraient point exister tel qu’il est dit(9) :
«Si mon pacte avec le jour et la nuit pouvait ne plus subsister, je cesserais de fixer des lois au ciel et à la terre.»
Pour Rachi :
«À présent il est D’ieu du ciel et de la terre, car j’ai habitué Ses créatures à proclamer Son nom. Mais à l’époque où il m’avait pris de la maison de mon père, Il était bien le D’ieu du ciel mais point le D’ieu de la terre. Les hommes ne le connaissent pas et Son Nom n’était pas couramment répandu sur la terre.»
De ne pas choisir une épouse à mon fils parmi les filles du Kénaâni.
N’est-il pas plus simple de dire, Prends une épouse à mon fils parmi les filles de mon pays? Pour quelle raison avoir choisi une telle tournure?
Èliêzèr avait certes toutes les qualités requises pour choisir une femme à Yitshaq. Il était juste, droit et bon. De plus, il était intelligent et sage. Enfin, il réussissait dans ses entreprises. Aussi Abraham fit-il appel à lui parce qu’il était son serviteur fidèle, ancien, zéqane, c’est-à-dire sage mais surtout celui qui gouverne tous ses biens échappant, de ce fait, au soupçon de trafic d’influence. Il était donc l’homme indiqué pour choisir la femme qui convient à Yitshaq.
Abraham se trouve devant un dilemme. S’il fait jurer Èliêzèr d’aller à Harane, le pays d’Abraham, pour prendre Rivqa, le serviteur se déclarerait quitte de sa mission pour peu qu’il s’y rende et que les parents refusent de le laisser l’emmener. Aussi, se considérant libre de tout engagement, lui fera-t-il épouser une Kénaânite et surtout sa fille comme le texte le suggère, selon Or ha-Hayim. Mais en mentionnant «avec lequel je demeure», Abraham exclut, dit-il, la fille d’Èliêzèr. Abraham interdit ainsi clairement à Èliêzèr de prendre une fille Kénaânite. Par la suite, il lui recommande d’aller prendre une jeune fille de son pays. L’accent sera mis d’abord sur ce qui est à exclure pour lui exprimer clairement ce qu’il attend de lui.
Parmi les filles du Kénaâni avec lequel je demeure.
Pour Kéli Yaqar et le Mèâm Loêz, Abraham entend exclure les filles de Ânèr, Èchekol et Mamrè qui, bien qu’étant ses alliés, n’en demeurent pas moins maudits. Ils ne conviennent pas, pour cette raison, à Yitshaq qui est béni.
Mais d’aller dans mon pays et dans mon lieu natal chercher une épouse à mon fils Yitshaq.
«Mais bien d’aller dans mon pays et dans mon lieu natal»
Pour Mèchèkh Hokhma, Abraham annonce déjà que la Mésopotamie appartiendra un jour à ses descendants. En effet David fera la conquête de ce pays. Mais Èliêzèr, pour ne pas susciter la colère de Bétouèl et Labane, n’a pas rapporté ces paroles.
Tu prendras une femme pour mon fils pour Yitshaq,
Certes, wé-laqahta, tu prendras, ne fait pas partie du serment car cela ne dépend nullement de la volonté du serviteur.
Mais Abraham exprime ici, plus qu’un souhait, la certitude d’accorder la main de leur fille pour mon fils parce qu’il est mon fils et encore plus puisqu’il s’agit de Yitshaq.
Pour Rav Alchikh, la femme, choisie par Èliêzèr, sera celle qui est destinée à Yitshaq car aussitôt après le sacrifice, la âqèda, , Abraham eut l’annonce de la naissance de Rivqa, destinée à être l’épouse de Yitshaq.
Le serviteur lui dit : «Peut-être cette femme ne voudra-t-elle pas me suivre dans ce pays-ci : devrai-je ramener ton fils dans le pays que tu as quitté?»
Peut-être cette femme ne voudra-t-elle pas me suivre dans ce pays.
Èliêzèr soulève le cas éventuel où la femme ne voudra pas le suivre quand bien même elle serait celle qui lui est destinée soit parce qu’elle ne consent à quitter son pays que si Yitshaq lui-même venait la chercher, soit parce qu’elle ne veut point quitter ses parents. Sera-t-il permis de ramener Yitshaq là-bas?
Pour Hatam Sofèr, c’est une manière déguisée de revenir à la charge pour proposer sa fille. Yitshaq étant l’héritier de tous les biens de son père incluant donc Èliêzèr et sa fille, en sortant pour Harane, il serait obligé de libérer ses serviteurs car il n’a pas le droit de les obliger à quitter Èrèts Yisraèl. La fille d’Èliêzèr, étant libre, serait donc une bonne candidate pour épouser Yitshaq.
Abraham lui répondit : «Garde-toi d’y ramener mon fils!
Garde-toi d’y ramener mon fils!
Il ne doit se préoccuper que d’accomplir la volonté de son maître. Cependant quant à la mission, la femme choisie n’aura aucune difficulté à le suivre.
L’Ét’ernel, le D’ieu des cieux, qui m’a retiré de la maison de mon père et du pays de ma naissance : qui m’a promis, qui m’a juré en disant : «Je donnerai cette terre-ci à ta race». Lui, il te fera précéder par son envoyé, et tu prendras là-bas une femme pour mon fils.
l’Ét’ernel le D’ieu des cieux.. te fera précéder par son envoyé.
Pour quelle raison ne dit-il pas ici D’ieu de la terre?
Selon Rachi, il est vrai, au moment où Abraham avait quitté la maison paternelle, D’ieu était connu comme étant D’ieu des cieux.
Mais pour Hatam Sofèr, au début Abraham voulait que le choix de la femme d’Yitshaq se fît selon les voies naturelles. C’est pourquoi, il invoquait l’Ét’ernel D’ieu du ciel et de la terre. Mais devant les objections du serviteur et le risque de voir son fils repartir en dehors d’Èrèts Yisraèl, chose interdite à Yitshaq, Abraham invoque D’ieu des cieux, c’est-à-dire l’intervention du miracle afin que l’envoyé de D’ieu oblige cette femme à consentir à suivre Èliêzèr. Mais si malgré tout, Èliêzèr échouait alors il sera délié de son serment.
Ainsi donc parce qu’Yitshaq, héritier d’Abraham, était appelé à perpétuer l’enseignement de son père que son mariage nécessitait un soin particulier. Rien ne devait être laissé au hasard. La femme destinée à Yitshaq sera accomplie, ayant des vertus en rapport avec la maison d’Abraham. Èliêzèr déterminera son choix à la seule vertu d’Abraham : la bienfaisance. Rivqa, par son amour et la pratique de la bienfaisance méritait de faire partie de la maison d’Abraham. Ainsi si l’homme décide de suivre l’Ét’ernel toutes les difficultés seront aplanies. Abraham, décidé à ne pas laisser Yitshaq épouser une Kénaânite, aura pleine satisfaction. Car cette décision coïncide avec la volonté de D’ieu.
1. Bérèchit 24, 1-9.
2. Rachi sur Bérèchit 23, 20.
3. Bérèchit Rabba 59, 11.
4. Rav Desler, Mikhtav mè-Èliyahou, Tome 1.
5. Hochéâ 12, 8.
6. Bérèchit 12, 16.
7. Baba Batra 16b.
8. Nédarim 31b.
9. Yirmiya 33, 25.