La récompense des mitsvot

«Pour prix de votre obéissance à ces lois et de votre fidélité à les accomplir, l’Ét’ernel, votre D’ieu, sera fidèle au pacte de bienveillance qu’il à juré à vos pères. Il t’aimera, te bénira, te multipliera, Il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol, ton blé, ton vin et ton huile, les produits de ton gros et de ton menu bétail, dans le pays qu’Il à juré à tes pères de te donner. Tu seras béni entre tous les peuples; parmi toi comme parmi tes bêtes, aucun sexe ne sera stérile. L’Ét’ernel écartera de toi tout fléau; et toutes ces funestes plaies de Mitsrayim que tu connais bien, ce n’est pas à toi qu’il les infligera, mais à tes adversaires. Tu anéantiras donc tous les peuples que te livre l’Ét’ernel ton D’ieu sans laisser ton oeil s’attendrir sur eux de peur que tu n’adores leurs divinités; car ce serait un piège pour toi(1)

La sidra Êqèv, s’ouvre sur la récompense promise à l’homme qui s’applique à réaliser, dans ce monde, les mitsvot de la Tora.

Cependant nos maîtres affirment que la récompense des mitsvot n’a pas cours dans ce monde. Parce que la mitsva appartient au monde de l’intellect et de l’esprit, il ne peut y avoir qu’une récompense spirituelle et cela ne saurait exister que dans ôlam ha-bale monde futur.

Bèn Âzzaï disait justement(2) : «La récompense d’une mitsva, bonne oeuvre, est d’être suivie d’une nouvelle mitsva» pour souligner qu’une récompense matérielle n’est pas envisageable dans ce monde.

Le bonheur et la joie d’avoir accompli une mitsva donne comme récompense la possibilité de réaliser une autre mitsva. Bien plus, certains commentateurs disent que la joie ressentie et la satisfaction résultant de l’accomplissement d’une mitsva constituent en soi la récompense de cette mitsva.

C’est d’ailleurs l’opinion qu’exprime Rachi après le Talmoud(3) à propos du verset(4) : «Tu observeras donc la loi, et les décrets et les règles, que je t’ordonne en ce jour d’exécuter.»

en ce jour pour les exécuter,

«…mais demain dans le monde futur pour recevoir leur récompense.»

Rachi confirme donc que la récompense pour l’accomplissement des mitsvot n’est pas de ce monde.

Mais alors une grande difficulté surgit. Comment la sidra Êqèv, ainsi que d’autres textes de la Tora, parlent-ils de la récompense matérielle, dans ce monde, promise à celui qui exécute les prescriptions de la Tora?

Le Midrache(5) écrit :

«Il arrivera que pour prix de votre obéissance à ces lois(6).» C’est ce que le texte exprime(7) :

«Pourquoi m’exposerais-je à avoir peur aux jours de l’adversité? À me voir enveloppé par le péché qui s’attacherait à mes talons?» Béni soit le Nom du Saint béni soit-Il qui a transmis la Tora à Israël se composant de 613 commandements divisés en légers et graves. Parce que les hommes ne prêtent aucune attention aux commandements légers mais les foulent plutôt à leurs talons, autrement dit, parce que ces commandements sont de moindre importance, David appréhendait le jour du jugement et disait : «Maître du monde! Je ne crains pas les commandements graves de la Tora parce qu’ils sont justement graves. Ce que j’appréhende le plus, ce sont les commandements légers. Je me demande s’il ne m’arrive pas d’en transgresser un ou d’en accomplir un parce qu’il est léger alors que Tu as recommandé(8) :

«Sois attentif à une prescription légère comme à une prescription grave.» C’est pourquoi il dit : «Pourquoi m’exposerais-je à avoir peur?»Midrache surprenant car le texte de la Tora parle de la récompense relative à l’obéissance des mitsvot, alors qu’il parle plutôt de la gravité de transgresser les préceptes légers qui semblent anodins.

En vérité, David, soucieux d’atteindre la perfection morale qui lui assurerait le bonheur du monde futur, trouve que le seul chemin qui y conduit est de faire attention aux prescriptions auxquelles nul n’attache une grande importance parce qu’elles paraissent légères.

Le Midrache(9) attire précisément notre attention sur le danger de vouloir faire un choix et ne chercher à n’accomplir que les prescriptions paraissant importantes pour recevoir une meilleure récompense. Ce serait d’ailleurs une grave erreur d’opérer ainsi(10) : «Car tu ne sais pas quelle est la récompense attachée à l’accomplissement des mitsvot.» Si D’ieu avait établi une échelle de valeurs des mitsvot, cela reviendrait à accepter, dès le départ, la possibilité de négliger toutes les mitsvot qui ne rapportent point une bonne récompense. La nature de l’homme est évidemment ainsi faite : le choix est déterminé par le gain et le bénéfice qui sont au bout de la ligne.

Mais Rabbi Chimône Bèn Yohaï enseigne(11) :

«Deux prescriptions ont vu leur récompense révélée : une, la plus légère des légères et l’autre, la plus grave parmi les graves. La plus légère, relative au nid d’oiseau trouvé en chemin(12) :

«Tu es tenu de laisser envoler la mère, sauf à t’emparer des petits de la sorte, tu seras heureux et tu verras se prolonger tes jours.» La plus grave, relative au respect dû aux parents(13) :

«Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur la terre que l’Et’ernel, Ton D’ieu t’accordera

Malgré la distance qui les sépare, elles ont la même récompense. Ainsi, ignorant tout de la récompense attribuée à chaque mitsva, l’homme aura à coeur de les accomplir toutes.

Cependant, l’homme ne saurait demeurer longtemps vigilant. Il lui arrive souvent de baisser la garde surtout quand il s’agit de commandements qu’il considère de moindre importance. C’est à ce moment là que le Yètsèr ha-râ, l’attend pour le faire fauter. Car jamais il ne l’attaque par des fautes très graves. La chute est toujours progressive : du léger au grave, du moins important au plus important.

Aussi David dira-t-il qu’il ne craint pas les «fautes graves parce qu’elles sont graves», le Yètsèr ha-râ n’ayant aucune chance à le faire trébucher et chanceler, étant lui-même averti et prévenu de la gravité de la faute. Mais il craint davantage tout ce qui, de prime abord, apparaît comme insignifiant et de moindre importance.

Le midrache donne ainsi une définition de l’homme moral qui recherche la perfection. Le critère est de savoir comment il compte se comporter vis-à-vis de ce qui, à tous, semble léger et insignifiant. C’est là la position de David.

Rachi explique ainsi le verset, selon le midrache :

«Si ces commandements moins importants qu’on foule avec les talons, êqèv, talon, vous les observez, alors D’ieu te gardera sa promesse.»

Et Rambane ajoute que le mérite consécutif à l’observance de ces commandements légers et moins importants agit de sorte que D’ieu garde Sa promesse et protège Israël.

Le Midrache(14) rapporte justement :

«Quiconque ne se lave pas les mains après manger est assimilé à celui qui aurait commis un meurtre. Aussi, le Saint béni soit-Il attire l’attention d’Israël sur le fait d’accomplir même les mitswot les plus légères tel qu’il est dit(15) :

«Car ce n’est pas pour vous une chose indifférente, c’est votre existence même.» C’est dire que pour avoir la longévité, il suffit d’accomplir une mitsva que l’on pense vide et légère. Le Saint béni soit-Il dit : Si vous obéissez à Mes mitsvot, Je ferai tomber vos ennemis devant vous ainsi qu’il est dit(16) :

«Ah! Si Mon peuple voulait M’écouter, Israël marcher dans Mes voies, bien vite, Je dompterais leurs ennemis, Je ferais peser Ma main sur leurs adversaires.» Ainsi Bil’âm, ayant vu comment Israël s’appliquait à accomplir les mitsvot légères, s’était-il dit : Qui pourrait maudire [Israël] qui accomplit les mitsvot [de D’ieu] de telle sorte que Son Nom est associé à lui tel qu’il est dit(17) :

«L’Et’ernel, son D’ieu, est avec lui, et l’amitié d’un Roi le protège

Bil’âm, malgré toute sa puissance, ainsi que tous ses ennemis, malgré leur nombre et leur force, ne sauraient nuire ni causer du tort à Israël parce qu’il a ce grand mérite d’observer les mitsvot les plus légères, les moins importantes.

En revanche, tous les peuples, ne pouvant pas réclamer, à la fin des temps, une récompense à l’exemple d’Israël, s’exposent au châtiment dès l’instant qu’ils acceptent l’épreuve d’une mitsva légère.

Le Talmoud(18) rapporte :

«À la fin des temps, les peuples de la terre demanderont au Saint béni soit-Il de leur prescrire une mitsva, étant prêts à l’accomplir. Le Saint béni soit-Il dit : J’ai une mitsva légère, de réalisation facile; elle s’appelle Soukka, , une cabane. Allez l’accomplir. Pourquoi dit-on qu’elle est légère? Parce qu’elle ne cause aucune dépense. Aussitôt, chacun se construit une soukka en haut de sa terrasse. Le Saint béni soit-Il fait darder le soleil comme à la période de Tammouz(19). Et voilà que tous abandonnent avec mépris la soukka.»

Ainsi les peuples succombent-ils devant l’accomplissement d’une mitsva légère! Cependant, une difficulté surgit. Il arrive à Israël de laisser, lui aussi, sa soukka devant l’impossibilité d’y demeurer lorsqu’il y a intempérie ou souffrance. La halakhala loi, prévoit qu’on a le droit de quitter la soukka!

Mais la différence réside dans la manière de la quitter. Israël y est contraint mais son geste se fera avec résignation, avec regrets, à son corps défendant. Le comportement des peuples ne rappelle en rien ni contrition ni regrets, ils sont au contraire bien contents de s’en débarrasser et quitter leur soukka(20).

En revanche, Rabbi Yaâqov Abouhatsèra, dans Pittouhè Hotam, trouve dans le terme êqèvtalonfin ou achèvement, une allusion à la délivrance finale. Tout se passe comme si ce terme avait valeur d’un message bien défini car il apparaît à plusieurs reprises dans la Bible et il conviendrait, selon lui, d’établir un lien qui relie tous ces termes.

Pour son explication, il fait appel à un enseignement de Ha-Ari à propos de la statue qui apparut à Néboukhadnétsar dans son songe. Elle représente en fait les quatre exils : Babèl, Mèdes, Grèce et Èdom.

La tête de la statue représente l’exil de Babylone comme le précise Danièl(21) : «Tu es la tête d’or.»

Et les talons de la statue représentent Èdom auquel se mêle Yichemaêl(22) :

«Les orteils des pieds étaient partie de fer et partie d’argile : c’est que cet empire sera en partie fort et en partie fragile. Et si tu as vu le fer mêlé avec de l’argile boueuse, c’est que ces [deux parties] se mêleront par des alliances humaines, mais sans qu’elles s’attachent solidement l’une à l’autre, pas plus que le fer ne s’amalgame avec l’argile.»

Selon le Zohar, la délivrance ne se réalisera que lorsque les parcelles de la sainteté se trouvant dans les talons de l’être qui représente l’impureté seront délivrées. Aussi, pour cette raison, la période de la fin de l’exil est-elle appelée îq’vot méchih‘tales talons du messie. Autrement dit, lorsque ces parcelles seront retirées à la toum’al’impureté, la délivrance se réalisera.

Et, si l’on veut éviter que l’exil ne se prolonge, hâter la délivrance, la seule chose à faire est de ne point commettre de transgressions à propos de mitsvot que l’homme foule aux pieds parce que ces transgressions renforcent les talons de sit’ra ah‘ra,  l’autre côté, représentant la toum’a. L’exil, au contraire, se prolonge.

Aussi, les premières générations prenaient-elles soin de ne point fouler, écraser une mitsva avec leurs talons afin de ne point renforcer la toum’a. C’est ce que David disait(23) : «J’ai incliné mon coeur à accomplir Ses lois à tout jamais, jusqu’à la fin, êqèv, dernière.» C’était là son souci de ne jamais donner plus de puissance à la sit’ra ah‘ra.

La Tora dit à propos d’Abraham(24) : «En récompense, êqèv, de ce qu’Abraham a écouté Ma voix et suivi Mon observance.»

Sans doute, la naissance de Yaâqov(25) «tenant de la main le talon, âqèv, de Êssaw» vise-t-elle également à affaiblir Êssaw qui représente la force de la Toum’a. En le tenant au talon,  Yaâqov signifie à tous ses descendants l’importance de ne point donner à la toum’a de devenir puissante mais, plutôt, de l’affaiblir en faisant attention précisément à toutes ces mitsvot que l’homme foule aux pieds. C’est à cela que la Tora faisait allusion dans la lutte que l’homme doit livrer continuellement au Nahache Qadmonele serpent de la Genèsele yètsèr ha-râ, en stipulant(26) :

«Je ferai régner la haine entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne : celle-ci te visera à la tête, et toi, tu l’attaqueras au talon, âqèv.

Le serpent n’aura de prise sur Israël que s’il néglige ces mitsvot légères de moindre importance et qu’il les foule aux pieds.

Le roi Chélomo, voyant l’exil des Bénè Yisraèl durer longtemps, s’interroge sur sa fin. D’ieu répond donc à l’assemblée d’Israël(27) :

«Si tu ne le sais pas, ô la plus belle des femmes, suis donc les traces, îq’vè, talons, des brebis et fais paître tes chevreaux près des huttes des bergers.»

La réponse est d’accomplir autant les mitsvot les plus légères comme les plus graves. C’est là le secret de la délivrance et de la fin de l’exil. La sortie dépend de, îq’vè ha-tsoneles talons du troupeau.

Israël, appelé tsonemenu bétail(28), ne sera délivré que s’il accomplit scrupuleusement même ces mitsvot légères. Cette délivrance conduira les chevreaux dans leur état de pureté jusqu’aux huttes des bergers, Abraham, Yitshaq et Yaâqov. C’est pourquoi :

«Comme prix de son obéissance à ces lois, êqèv, légères et de moindre importance, Israël méritera que D’ieu montre Sa fidélité au pacte de bienveillance qu’Il a juré aux ancêtres et le délivrera.»

Ainsi Rabbi Yaâqov Abouhatsèra arrive-t-il à dégager le destin d’Israël à partir des différents emplois du terme êqèv.

Pour prix de votre obéissance à ces lois et de votre fidélité à les accomplir, l’Ét’ernel, votre D’ieu, sera fidèle au pacte de bienveillance qu’Il à juré à vos pères.

Pour prix de votre obéissance à ces lois et de votre fidélité à les accomplir,

Il n’est nullement nécessaire de dire Wé-hayail adviendra, quand êqèv ti-chméôunepour prix de votre obéissance, serait amplement suffisant.

Pour Or ha-Hayim, wé-hayail adviendra, formule annonçant la joie et la satisfaction, est d’un emploi judicieux car il n’y a de véritable joie que dans l’accomplissement des mitsvot. Mais tant que l’homme n’aura pas accompli la Tora en sa totalité, manquant ne serait-ce qu’une mitsva, sa joie n’en est pas une parce qu’incomplète. Comme dit , Hovot ha-Lévavot(29)«le hassid, le pieux, a le coeur triste mais le visage est rayonnant de joie.»

Le coeur est triste car la joie ne saurait être complète qu’à la finêqèv, lorsqu’il aura achevé sa mission.

ÊqèvPour prix.

Pour quelle raison la Tora n’utilise-t-elle pas la formule habituelle imsi, comme pour, im chamoâ ti-cheméôusi vous obéissezim bé-houqoutaï, si vous suivez Mes décrets?

Mais Kéli Yaqar, cherchant à saisir la raison du changement produit entre le dernier verset de Wa-èthanane, précisant toutes les catégories des mitsvot : mitsvaloihouqimdécrets et michepatim, règles et le premier verset de Êqèv, qui ne mentionne que michepatim, est amené à conclure que cette récompense ne concerne en vérité que l’obéissance aux michepatim.

Néanmoins, il serait possible de trouver une allusion aux décrets dans l’emploi du terme êqèv. En effet les houqimdécrets, parce que n’étant pas accessibles à notre logique et qui suscitent, comme pour la vache rousse, les critiques et les moqueries du Satane et des nations, sont-ils négligés par de nombreuses personnes qui ne leur accordent pas l’importance requise. Aussi sont-ils mentionnés par êqèvtalon, faisant allusion aux houqim comme le rapporte Rachi : «Si vous obéissez aux mitswot que l’individu écrase de ses talons

La lecture du verset donne : «Il arrivera lorsque vous obéirez aux houqim avec les michepatim…»

Toutefois les michepatim sont par définition des lois rationnelles et logiques. Quand bien même D’ieu ne les aurait pas ordonnées, la raison humaine finirait par en convenir, exigeant même leur respect, car l’existence de la société et du monde en dépend. Ainsi la logique recommande de ne pas volerde ne pas tuer, etc. Si l’homme accepte d’obéir aux houquim émanant de D’ieu, même sans en connaître la raison fondamentale, comme les michepatim qu’il est toujours prêt à suivre parce que connaissant leur utilité pour la société, d’une part, et si l’homme, d’autre part, était prêt à obéir aux michepatim, non pas parce que la raison arrive à les concevoir, mais comme émanant de D’ieu à l’instar des houqim, alors D’ieu, sans aucun doute, accordera la récompense promise.

Ti-cheméôune, vous obéissez.

L’emploi du noun final, supplétif nécessite une explication car n’était-il pas mieux indiqué d’écrire ti-cheméôu,  forme plus usuelle, conforme à la grammaire?

Le terme êqèv, supporte également la signification de récompense. Ainsi la joie viendrait-elle en récompense pour avoir obéi aux lois et pour les avoir accomplies. Cette joie est elle-même récompense comme le précise Bèn Âzzaï(30) : «la récompense, autrement dit la joied’avoir accompli une mitsva est en soi une autre mitsva.»

L’évolution morale se faisant dans la joie et l’allégresse ne peut que mener au but final de la perfection : atteindre le 50 ème degré de la connaissance représenté ici par le noun, dont la valeur numérique est 50 qui apparaît dans ti-cheméôune.

De même, la perfection de la connaissance ne sera accessible à l’homme que grâce à l’humilité, ânava, vertu morale la plus importante qui recèle en elle toutes les autres vertus dont le symbole est le âqèv, ,talon, alors que l’orgueil,  gaava, est symbolisé par le maintien de la tête haute.

Wé-chamar, Il sera fidèle.

Le waw, de wé-chamar, ne peut être un waw conjonctif. Aussi, Rachi lit-il au lieu de wé-chamaryi-chemor, Le waw de wé-chamar, a la valeur de cependantL’Ét’ernel restera fidèle cependant au pacte de bienveillance, en souvenir de la fidélité des pères. Grâce à leurs mérites, Il assure à leur descendance bénédictions et réussite dans ce monde afin de garder intacte la récompense dans ôlam ha-ba,  le monde futur.

Lékha, pour toi.

Au début, le verset est au pluriel. Subitement pour la récompense, il se met au singulier. Pourquoi?

Quand au passage du pluriel au singulier à propos de la récompense, il est évident que l’accomplissement d’une mitsva atteint un degré d’élévation d’autant plus haut que le nombre de personnes associées dans cet accomplissement serait plus grand.

Toutefois, lors de la réalisation, la pureté, la qualité de l’intention et la capacité de concentration de l’un sont différentes de celles de l’autre. La récompense est collective, certes, mais à titre individuel, chacun reçoit en proportion des efforts qu’il a investis.

Kéli Yaqar ramène la notion de récompense dans ôlam ha-ba par lékha, , pour toi, car dans ôlam ha-ba, chaque juste, tsaddiq, aura une récompense particulière, différente de celle du voisin.

Mais, il y a lieu de voir dans cet emploi du singulier, la satisfaction que chacun ressent dans la récompense comme si elle était tout entière destinée uniquement à lui. La satisfaction de chacun est une récompense suprême.

Le pacte de bienveillance qu’il a juré à vos pères.

D’ieu était tenu de réaliser le pacte d’alliance avec les pères. Pourquoi donc relier cette réalisation à l’obéissance des enfants?

De toute évidence, D’ieu aurait tenu, de toute manière, Ses engagements et Son serment pris vis-à-vis des Ancêtres. Mais sans la bonne conduite des enfants, D’ieu aurait pu simplement réaliser sa promesse faite à Abraham, Yithsaq et Yaâqov en amenant leurs descendants au pays de Kénaâne pour une courte durée. Les maintenir sur cette terre ne dépend que de la bonne conduite morale des enfants.

Il t’aimera, te bénira, te multipliera, Il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol, ton blé, ton vin et ton huile, les produits de ton gros et de ton menu bétail, dans le pays qu’Il à juré à tes pères de te donner. Tu seras béni entre tous les peuples; parmi toi comme parmi tes bêtes, aucun sexe ne sera stérile.

Il t’aimera, te bénira, te multipliera,

Tout d’abord, il faut écarter la possibilité de comprendre qu’il s’agit ici de récompense spirituelle. En effet, la réussite et les bénédictions qu’entend réserver D’ieu au peuple d’Israël relèvent-elles uniquement d’un monde terrestre et matériel.

D’ailleurs, tout ce qu’un homme peut attendre d’une bénédiction et d’une récompense est rapporté ici : la fidélité de D’ieu au pacte des pères, Son amour pour le peuple d’Israël, Sa volonté de le multiplier, de le bénir, enfin d’écarter maladies et ennemis qui peuvent le gêner dans l’étude de la Tora et dans l’accomplissement des mitsvot.

Tu seras béni entre tous les peuples.

Pour Or ha-Hayim, la bénédiction divine à Âm Yisraèl réside dans le fait même que «parmi toi et parmi les bêtes, aucun sexe ne sera stérile.» C’est donc là la preuve manifeste que D’ieu distingue par Son amour et Sa bénédiction Israël de tous les autres peuples.

La stérilité se présente sous deux formes. Pour l’état de stérilité naturelle, le texte affirme : «aucun sexe ne sera stérile.» Toutefois, pour la stérilité consécutive à une maladie, la Tora assure «L’Ét’ernel écartera de toi tout fléau» de telle sorte que nul, parmi Israël, ne soit incapable d’enfanter.

Mais Kéli Yaqar s’attarde sur le terme baroukhbéni, pour expliquer le privilège que possède Israël sur tous les peuples. La Providence divine, dit-il, résidant de manière permanente dans la terre d’Israël, agit de sorte que les autres pays ne reçoivent leurs pluies bienfaitrices que par le canal d’Israël. C’est bien ce qu’exprime le texte(31) :

«Un pays sur lequel veille l’Ét’ernel, ton D’ieu, et qui est constamment sous l’oeil du Seigneur, depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin.»

Les peuples, reconnaissants pour cela à Israël, ne cesseront jamais de le louer et de le bénir. Il est donc normal, dans cette perspective, que le texte poursuive : «Tu mangeras, de ce qui [appartient] à tous les peuples» car, en vérité, Israël prend ce qui lui revient.

L’Ét’ernel écartera de toi tout fléau; et toutes ces funestes plaies de Mitsrayim que tu connais bien, ce n’est pas à toi qu’il les infligera, mais à tes adversaires. Tu anéantiras donc tous les peuples que te livre l’Ét’ernel ton D’ieu sans laisser ton oeil s’attendrir sur eux de peur que tu n’adores leurs divinités; car ce serait un piège pour toi.

L’Ét’ernel écartera de toi tout fléau.

Pour Sforno, le texte atteste que D’ieu écartera tout fléau, autrement dit les épidémies s’abattant sur le monde, sous l’influence de variations climatiques ou maladies infectieuses et contagieuses, ces épidémies s’attaqueront plutôt à tous les adversaires et ennemis d’Israël.

Or ha-Hayim pousse plus loin. Non seulement Israël évitera les maladies que l’individu provoque en s’exposant au froid et à la chaleur(32), mais également celles qui atteignent l’homme bien qu’elles ne proviennent pas de lui.

Mais les maladies dont la mission est de faire souffrir Israël, D’ieu les détournera sur ses adversaires ainsi que le précise le texte ce n’est pas à toi qu’Il les infligera, mais à tes adversaires.

Tu anéantiras donc tous les peuples que te livre l’Ét’ernel, ton D’ieu.

D’ieu recommande l’anéantissement des peuples qu’Il livre à Israël, autrement Il le considérera comme ayant méprisé Son don.

De plus, Israël ne doit pas s’attendrir sur le sort de ces peuples car ce faisant, ce serait un piège pour toi, puisqu’il risque d’adorer ses divinités.

Ainsi l’obéissance aux préceptes divins débouche-t-elle sur le bien-être dans ce monde. La récompense d’une mitsva ne saurait être, il est vrai, du monde présent. Chaque mitsva mérite elle-même pour récompense tout un monde. Et Israël est tenu d’accomplir les mitsvot et de parfaire son comportement moral, afin de mériter la récompense prévue, selon les dires de Rabbi Yéhochouâ Bèn Léwi(33) : «D’ieu est appelé à donner en récompense à chaque tsaddiq, , juste, 310 mondes.»

Mais une mitsva ne peut se réaliser que dans un monde matériel. Pour permettre cette réalisation, D’ieu assure la réussite dans ce monde. Bénédiction, abondance et protection contre maladies et ennemis servent, en réalité, à faciliter l’accomplissement des mitsvot.

1. Dévarim 7, 1216.

2. Avot 4, 2.

3. Âvoda Zara 3a et 4b.

4. Dévarim 7, 11.

5. Tanhouma sur Êqèv paragr. 1.

6. Dévarim 7, 12.

7. Téhillim 49, 6.

8. Avot 2, 1.

9. Tanhouma paragr. 2 et Yalqout sur Êqèv paragr. 846.

10. Avot 2, 1.

11. Yalqout sur Êqèv paragr. 841.

12. Dévarim 22, 7.

13. Chémot 20, 12.

14. Bé-midbar Rabba chap. 20, paragr. 20.

15. Dévarim 32, 47.

16. Téhillim 81, 14-15.

17. Bé-midbar 23, 21.

18. Âvoda Zara 3a.

Tammouz est le quatrième mois de l’année du calendrier hébraïque qui débute par Nissane. Il correspond à Juin/juillet.

20. cf. Im’rè Chammaï sur Êqèv.

21. Danièl 2, 38.

22. id. 2, 2-43.

23. Téhillim 119, 112.

24. Bérèchit 25, 5.

25. id. 25, 26.

26. ibid. 3, 15.

27. Chir ha-Chirim 1, 8.

28. cf. Yéhèzqèl 34 et suivants

29. in. Début chap. 4.

30. Avot 4, 2.

31. Dévarim 11, 12.

32. cf. Kétoubot 30a.

33. Ôqatsim 3, 12.

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