Bénédiction de Mochè à Israël

Malgré les efforts déployés pour demeurer à la tête d’Israël, malgré les sacrifices consentis pour rester en vie, y compris celui de devenir le disciple de Yéhochouâ, Mochè se voit contraint de céder le règne à son disciple.

Mais avant de le quitter définitivement, il sert à son peuple des avertissements sur tout ce qui peut l’affecter si jamais il désobéissait aux prescriptions divines.

Il n’entend pas, toutefois, tirer sa révérence sur une note triste et lourde de menaces. La consolation remplace la réprimande. Après la malédiction ce sont les bénédictions que livre Mochè.

Mochè bénit Israël. Il réalise qu’il est en quelque sorte le père. Il agit à l’exemple des Ancêtres pour leurs descendants. Les bénédictions de Mochè tracent tout le destin de Âm Yisraèl. Chaque tribu se voit attribuer la bénédiction qui gérera son futur, son devenir.

En fait, la bénédiction de Mochè rappelle celle de Yaâqov. Sans doute, est-il le digne successeur de Yaâqov! Aussi tient-il à commencer sa propre bénédiction par le terme qui achève celle de Yaâqov. “Et c’est ainsi, Wé-zot, dit-il(1) que leur père leur parla et les bénit, dispensant à chacun sa bénédiction propre.” C’est le même terme que Mochè reprend : “Wé-zot, or voici la bénédiction…” La bénédiction de Mochè épouse en quelque sorte la forme et le contenu de celle de Yaâqov.

Mais si Yaâqov s’attache à affermir le comportement moral de ses fils, Mochè, parce qu’il s’adresse à tout un peuple, exalte les valeurs de chacune des tribus et appelle sur elle l’assistance divine.

La bénédiction de Mochè est parfaite car elle vient à point nommé après les malheurs qu’il laisse entrevoir à Israël pour mieux les inciter à l’obéissance et mériter ainsi toutes les bénédictions qu’il lui adresse.

Analysant la bénédiction de Mochè, le Midrache(2), en souligne la singularité par rapport à toutes les autres bénédictions. Citant le texte(3) :

Or, voici la bénédiction dont Mochè, l’homme de D’ieu, bénit les enfants d’Israël avant de mourir“, rapporte notamment : c’est bien ce qu’exprime le texte(4) :

“Bien des femmes se sont montrées vaillantes, tu leur es supérieure à toutes.” Il s’agit de la bénédiction de Mochè car les premiers Ancêtres formulèrent des bénédictions chacun à leur génération et nulle n’égalait celle de Mochè(5).”

D’emblée le midrache qualifie la bénédiction de Mochè d’importante. Elle dépasse toutes les précédentes y compris celles des Ancêtres.

L’importance est avant tout dans la nature de la bénédiction. Par définition, la bénédiction vient combler un besoin. Le manque ressenti se trouve satisfait grâce à l’appoint de la bénédiction.

Mais, présentant un inconvénient, comme celle de Noah à Chèm et à Yèfèt qui se transforme en malédiction pour Ham, la bénédiction n’atteint pas tout à fait son objectif. La bénédiction est, par définition, sélective. Elle agit toujours au détriment de celui qui en est exclu.

Mais quand la bénédiction se fait plus précise et vise à écarter ou à éliminer, elle cesse d’être ce surcroît de bonheur et de bien-être qu’elle est censée apporter.

En outre la bénédiction de Yitshaq, tout comme celle de Yaâqov, provoque la division et la querelle. La bénédiction attirant l’animosité ou la jalousie de ceux qui n’en ont point bénéficié engendre plutôt des ennuis qu’elle voulait éviter.

La bénédiction de Yitshaq déclenche la haine de Êssaw pour Yaâqov. La division est consommée. Elle ne prendra fin, pas avant que Êssaw ne reconnaisse, lors de l’avènement de l’ère messianique, la dignité de Yaâqov.

La bénédiction de Yaâqov comporte des reproches acerbes à ses trois premiers fils : Réoubène, Chimône et Léwi. Certes méritaient-ils de tels reproches! Mais il aurait pu les épargner au moment où il gratifie les autres frères de bénédictions dont le support moral guidera leur destin. Ce surplus de bonheur, ils en sont privés.

Ils n’ont droit qu’à une bénédiction négative. Ce reproche agira toujours sur leur conscience afin de ne jamais retomber dans le travers qui l’a justifié.

Mais la bénédiction est nécessaire. L’existence de l’homme ne saurait s’en passer. D’ieu constatant le ravage provoqué par le déluge, inaugure le nouveau départ de l’humanité par la bénédiction.

Il bénit Noah et ses fils. L’accroissement de la population se produit grâce à la bénédiction divine. Bien vite, D’ieu décide de faire d’Abraham le dépositaire des bénédictions afin de ne pas être toujours au service des hommes.

Cependant Abraham hésite à user de ce pouvoir. Aussitôt qu’il constate que sa bénédiction irait à l’encontre de la perfection morale si jamais Êssaw, l’impie, venait à en bénéficier, Abraham remet le dépôt à D’ieu.

En effet, bénir Yitshaq comporte le danger de voir Êssaw béni. Cela correspond à la possibilité de faire croître un poison mortel. L’angoisse d’Abraham paralyse sa bénédiction. Vienne D’ieu et bénisse qui mérite d’être béni.

La bénédiction de Mochè dépasse également toutes les autres bénédictions par le nombre.

Yitshaq bénit Yaâqov. S’il marque quelque peu son hésitation, s’accusant d’avoir béni le cadet au lieu de l’aîné, il se ravise aussitôt que Êssaw lui apprend que Yaâqov s’était approprié le droit d’aînesse. Il confirme la bénédiction de Yaâqov.

Sans doute faut-il voir dans les cinq bénédictions attribuées à Yaâqov une référence aux cinq livres de la Tora que ses descendants recevront sur le Mont Sinaï.

Yaâqov ajoute une bénédiction à ses fils. C’est viser les six traités de la Michena qui composent la Loi Orale. La bénédiction consiste donc en cette quête de perfection morale que procure la Tora.

Que signifie donc la septième bénédiction de Mochè? La Tora agit certes, sur le peuple en affinant son âme au point de la prédisposer à l’élévation morale. Mais rien ne saurait mieux garantir l’action bénéfique de la Tora que l’unité et l’amour qui doivent régir les relations de tout Israël.

Mochè adresse à Israël une bénédiction épurée de tout reproche ou de tout propos incitant à la division ou à la querelle. Mochè veut un peuple d’Israël uni autour de D’ieu, autour de la Tora.

Il aspire donc à voir Israël accéder à l’absolu, à l’amour véritable de D’ieu et de la perfection. N’est-ce pas là le symbole de la septième bénédiction? Car le chiffre sept représente l’absolu et la sainteté.

Elle agit à l’exemple du Chabbat, septième jour de la semaine, apportant la dimension de sainteté et de dépassement de la matière et du temps.

Voici la bénédiction, voici entend exclure toute autre bénédiction. Elle est supérieure à toutes. Car elle vise le bonheur final et total de l’homme, l’obéissance à D’ieu et à la Tora.

Aussi est-ce la raison qui justifie, avant de procéder à la bénédiction d’Israël, de chanter les louanges de D’ieu qui dans sa toute bonté accorde à Israël, Son élu, la Tora.

Sans doute est-ce là l’intention des propos de Rachi(6) : “Il commence par célébrer les louanges de D’ieu et, ensuite seulement, il énonce les besoins d’Israël.”

Mais la Tora, étant la raison d’être d’Israël, constitue le moyen le plus sûr de combler tous les besoins, surtout le besoin d’absolu, d’Israël.

1. Bérèchit 49, 28.

2. Tanhouma sur la sidra paragr. 1.

3. Dévarim 33, 1.

4. Michelè 31, 29.

5. Voir le premier chapitre de cette sidra pour ce midrache dans sa version intégrale.

6. Dévarim 33.2.

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