La naissance du Machiah

La Sidra relate des événements qui, à tout le moins, semblent irréels. En effet, Yossèf est poursuivi par ses frères que la Tora qualifie de justes et parfaits. Situation difficile à imaginer, à comprendre ! Il est vrai que la jalousie peut entraîner un être humain, fût-il très équilibré, à commettre des actes inconsidérés. Impossible que des frères soient à ce point insensibles aux appels, aux supplications de Yossèf. Il se jette aux pieds de chacun, affirme le Midrache, mais sans succès.

Réoubène est seul à vouloir tenter quelque chose pour le sauver. Essai timide. Mais la Providence s’arrange pour déjouer tous les plans. Yossèf ne sera pas tué. Il est vendu aux Yichemaêlim qui le vendent à leur tour aux Midyanim pour se retrouver enfin esclave en Égypte. Le plan de la Providence est mis en branle. Yossèf descend en Égypte afin d’y conduire Yaâqov et sa famille. L’arrêt divin de 400 ans d’esclavage doit avoir lieu.

Mais le Midrache réserve une toute autre approche. Citant le texte :

Il arriva, en ce temps-là, que Yéhouda s’éloigna d’avec ses frères…“, il dit en substance : “Rabbi Chémouèl, fils de Nahmane, introduit [son enseignement] par le texte :

Car je connais bien, moi, les desseins que j’ai conçus à votre égard, dit l’Ét’ernel…

Les fils [de Yaâqov] étaient pris avec la vente de Yossèf, Yossèf, lui, occupé à son cilice et son jeûne ; Réoubène, lui aussi, s’occupe de son cilice et son jeûne ; Yaâqov ne pense également qu’à son cilice et son jeûne ; Yéhouda, en revanche, pense à prendre une femme. Mais le Saint béni soit-Il était occupé à créer la lumière du Machiah. “Il arriva, en ce temps-là, que Yéhouda.”, c’est bien ce que le Prophète dit :

Avant d’être en travail, elle [Sion] a enfanté…

Avant que naisse le premier oppresseur, est né le dernier libérateur.”

Le souci du midrache est, de toute évidence, de montrer que rien n’est laissé au hasard. Tout est planifié par la Providence. Les événements se bousculent devant nous sans que nous puissions trouver entre eux un lien logique qui les relie. Pourtant il existe bien ce lien logique. Nous nous en rendons bien compte après coup.

Yaâqov sait que Yossèf n’est pas aimé de ses frères. Il l’envoie pourtant auprès d’eux. C’est une mission suicide. Yossèf l’accepte. Mais lorsque Yossèf est vendu, nul ne pense qu’en réalité un mécanisme important vient de se déclencher.

Rabbi Chémouèl, fils de Nahmane, choisit comme introduction à son enseignement un verset tiré de Yirmiya où D’ieu annonce que ses desseins visent le bonheur du peuple d’Israël et lui assurent un avenir plein d’espérances. Cette prophétie annonce en vérité la délivrance d’Israël et non son malheur. Ainsi la vente de Yossèf ne doit pas être assimilée à un malheur.

De toute évidence, tous, Yossèf, Réoubène et Yaâqov, voient en cette vente une catastrophe irréparable. Yossèf descend en Égypte. Il est séparé de son père, de ses frères, de tous ceux qu’il a de plus chers. Réoubène se repent de ses échecs. Son incursion dans la tente de Bilha et la disparition de Yossèf font de lui un homme meurtri. Yaâqov voit s’écrouler tous ses espoirs : il perd son fils chéri, un fils auquel il a transmis tout son savoir, tout ce qu’il a appris dans l’académie de Chèm et Êvèr. Yossèf est le fils de Rahèl, la bien-aimée, disparue elle aussi sur le chemin du retour vers la maison paternelle.

Que fait pendant ce temps-là Yéhouda, lui, qui conseille de vendre Yossèf et qui provoque tous ces malheurs ? Il ne pense nullement à se repentir ! Il voit le désarroi de tous et ne réagit pas. Il pense plutôt prendre une femme. Yéhouda a-t-il perdu la nature du drame qui se joue devant ses yeux ? Il en a tout l’air. Rien ne le touche ! Ses frères le dégradent, peu lui importe !

Cependant, l’indifférence de Yéhouda est génératrice de délivrance. Yéhouda, prenant une femme, donne l’occasion à D’ieu de penser à la naissance du Machiah, ____, Messie. Celui-ci descend de David, descendant également de Yéhouda. Sans l’intervention de Yéhouda, l’histoire d’Israël aurait perdu son sens. Tous les événements ont un sens, obéissent à une orientation : l’arrivée et la mission libératrice du Machiah.

D’ieu, en tant qu’auteur de la création et Maître de l’histoire, se doit d’avoir un fil conducteur du destin du monde, du destin du peuple d’Israël. Le sens de l’histoire est cet élément autour duquel s’organisent tous les événements.

Le midrache cite en preuve la prophétie de Yéchâya :

“Avant d’être en travail, elle a enfanté ; avant d’être assaillie par les douleurs, elle a donné le jour à des enfants mâles.”

C’est dire que D’ieu prévoit, avant l’événement malheureux, la solution.

D’ieu a prévu l’asservissement en Égypte. Tout concourt à favoriser un tel dessein. Les souffrances de Yossèf et de Yaâqov sont nécessaires. Car pour que le Machiah devienne une réalité, les conditions d’esclavage doivent, elles-mêmes, être au préalable satisfaites. Avant même que le premier oppresseur et persécuteur n’entre en scène, D’ieu avait pensé à la naissance du dernier libérateur, du Machiah appelé à mettre fin à l’exil d’Israël.

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