Noah

Le Midrache rapporte :

“Rabbi Yohanane a dit : le Saint béni soit-Il ayant créé le premier homme, le fit régner sur tout. La vache obéissait au laboureur, le sillon se laissait tracer par le laboureur. Mais après la faute de l’homme, ils se sont insurgés contre lui. Dès lors, la vache n’obtempérait pas et le sillon ne se laissait pas creuser. Avec la naissance de Noah, tout reprit son cours.

Rabbi Chimône Ben Laqiche dit : Avant la naissance de Noah, les eaux montaient deux fois, au matin et au soir et inondaient [les morts] dans leur tombe. Mais, après la naissance de Noah, elles se calmèrent”.

Le Midrache rend compte de la dépravation des mœurs de l’humanité. A partir de la génération d’Ènoche les hommes s’adonnent à l’idolâtrie.

Le monde, tel que créé par D’ieu, a pour objectif de faire régner l’homme sur toute la Création. S’il fut créé en dernier, c’est bien pour que toute la création lui soit soumise. Mais dès qu’il introduit le principe de l’idolâtrie, contestant l’autorité du Créateur, il est normal que tout se révolte contre l’homme et remette également en cause son autorité. Il reçoit en réalité le contrecoup du principe que lui-même introduit dans le monde.

Mais avec Noah dont la mission fut de ramener l’humanité dans le droit chemin et de lui rappeler ses devoirs envers D’ieu, on est en droit de s’attendre que l’équilibre du monde dont le principe essentiel est de voir l’inférieur obéir au supérieur soit rétabli. Noah, signifie calme, repos et sérénité. Ce sont, par ailleurs, les qualités essentielles de Noah.

Pour Rabbi Chimône Ben Laqiche, les eaux inondant les tombes de ceux qui se sont révoltés contre la divinité de D’ieu constituent le présage du déluge qui anéantira le monde. Celui-ci connut un répit avec la naissance de Noah dont la mission serait justement de le sauver de la destruction totale.

L’opinion de Rèche Laqiche a pour but de montrer que la génération du déluge n’a pas été prise par surprise. D’ieu avait clairement indiqué qu’une telle dépravation de mœurs ne saurait échapper au châtiment comme le fut la génération d’Ènoche. D’ieu avait détruit, en effet, le tiers de la terre submergée par les eaux de l’océan. Le rôle de Noah consiste à empêcher une telle destruction.

Le Talmoud citant le texte :

D’ieu effaça toutes les créatures qui étaient sur la face de la terre, depuis l’homme jusqu’à la brute, jusqu’au reptile, jusqu’à l’oiseau du ciel, et ils furent effacés de la terre…”, rapporte :

“Si l’homme a péché, quelle fut la faute de la bête ? On a enseigné au nom de Rabbi Yéhochouâ, fils de Qorha : cela fait penser à cet homme qui, devant marier son fils, lui prépare un repas fait de toutes sortes [de mets]. Quelque temps après, le fils vint à mourir. Ayant détruit le dais nuptial [le père] dit : N’ai-je point tout préparé pour mon fils, maintenant qu’il est mort, à quoi me sert le dais ? Ainsi dit le Saint béni soit-Il : N’ai-je point créé la bête domestique et la bête des champs que pour l’homme ; maintenant que l’homme a fauté, à quoi me servent-elles ?”

Le texte de Bérèchit porte l’accent sur la conduite dépravée de l’homme. Étant un être libre, il s’expose au châtiment que lui attire sa conduite. Ainsi s’exprime le texte :

“L’Ét’ernel vit que les méfaits de l’homme se multipliaient sur la terre, et que le produit des pensées de son coeur était uniquement constamment mauvais ; et l’Ét’ernel regretta d’avoir créé l’homme sur la terre, et il s’affligea en lui-même.”

L’Ét’ernel devait s’en prendre à l’homme uniquement. Pourquoi détruire la bête et tout être vivant sur terre ?

Pour Rabbi Yéhochouâ Ben Qorha, la bête n’a d’existence qu’en fonction de l’homme. L’homme est la créature principale autour de laquelle gravite toute la Création. Par sa mauvaise conduite morale, il remet en cause la Création dans son ensemble. L’illustration du dais nuptial ne servant plus à rien après la mort du fils, pourrait à la limite surprendre. En effet, la comparaison n’est pas tout à fait exacte. Avant le déluge, l’homme était en mesure de se racheter et sauver ainsi les bêtes. Mais dans l’optique du Midrache, la décision d’effacer l’homme équivaut à l’acte lui-même car l’espoir de tout repentir était nul. La fin de l’homme étant décidée, la destruction de toute créature vivante le fut aussi.

Cependant, le texte semble contredire le Talmoud lorsqu’il affirme :

D’ieu considéra que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre.” Rachi explique : “Même les bêtes domestiques, les animaux sauvages et les oiseaux s’étaient unis en dehors de leur propre espèce.”

Il est donc clairement établi que les bêtes furent détruites parce qu’elles avaient péché.

En vérité, le Midrache accuse l’homme de la perversion des bêtes et animaux sauvages. Si l’homme n’avait pas perverti sa voie, elles n’auraient jamais eu l’audace de pécher. Tant il est vrai que le pouvoir et l’autorité de l’homme sur les bêtes n’opèrent que si celui-ci se garde de fauter. Dès qu’il entame sa déchéance morale, la bête prend aussitôt le dessus et s’expose également au dérèglement de sa propre nature.

C’est à cette conclusion que parvient le Midrache. Le texte rapporte :

Et je vais les détruire avec la terre.

On a dit au nom de Rav Kahana, fils de Malkhèya : “Même trois palmes de profondeur que la charrue creuse dans le sol furent détruits. Cela fait penser à ce prince qui avait une nourrice. Chaque fois qu’il désobéissait, sa nourrice était châtiée. Ainsi dit le Saint béni soit-Il : “Je vais les détruire avec la terre“, autrement dit, je vais les détruire en même temps que la terre “.

L’idolâtrie avait entraîné la débauche qui, elle, avait débouché sur la violence. Mais c’est la violence qui avait scellé le verdict de destruction de la Génération du Déluge.

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