Yaâkov bénit les fils de Yossèf

«Il arriva, après ces faits, qu’on dise à Yossèf : «Ton père est malade». Et il partit emmenant ses deux fils, Ménachè et Èfrayim. On l’annonça à Yaâqov en disant : «Voici que ton fils Yossèf vient te voir». Yisraèl recueillit ses forces et s’assit sur le lit. Et Yaâqov dit à Yossèf : «Le D’ieu Tout Puissant m’est apparu à Louz, au pays de Kénaâne, et m’a béni. Il m’a dit : «Je veux te faire croître et fructifier, et je te ferai devenir une multitude de peuples, et je donnerai ce pays à ta postérité ultérieure comme possession perpétuelle». Eh bien! tes deux fils, qui te sont nés au pays d’Égypte avant que je vinsse auprès de toi en Égypte, deviennent les miens; non moins que Réoubène et Chimône, Èfrayim et Ménachè seront à moi. Quant aux enfants que tu engendreras après eux, ils te seront attribués : ils s’appelleront du nom de leurs frères, à l’égard de leur héritage. Pour moi, quand je revins de Paddane, Rahèl mourut dans mes bras au pays de Kénaâne, pendant le voyage, lorsqu’une kibra (mesure de distance) de pays me séparait encore d’Èfrate; je l’inhumai là, sur le chemin d’Èfrate, qui est Bèt Lèhèm». Yisraèl remarqua les enfants de Yossèf et il dit : «Qui sont ceux-là?». Yossèf répondit à son père : «Ce sont mes fils que D’ieu m’a donnés dans ce pays». Yaâqov reprit : «Approche-les de moi, je te prie, que je les bénisse(1)

Installé à Gochène, Yaâqov organise sa vie et celle de toute sa famille. C’est avec beaucoup de réticence qu’il accepte de descendre en Égypte. D’ieu calme ses appréhensions et le rassure. Il l’assistera dans sa descente en Égypte et lors de sa sortie. Mais Yaâqov comprend que la vie en exil ne peut se passer de Tora qui, elle, est l’élément stabilisateur auquel le peuple d’Israël doit toujours avoir recours pour assurer sa survie et son existence.

Yéhouda est envoyé pour ouvrir un bèt ha-midrache,  lieu d’étude, à Yaâqov. C’est l’appui de la Tora plutôt que celui de Yossèf dont il a le plus besoin. Il est évident que Yaâqov, par le seul fait de revoir Yossèf vivant, ait repris goût à la vie. Les 17 années passées en Égypte sont les plus heureuses. Oubliées les années de souffrances passées chez Labane, oubliées également les poursuites de Êssaw. Entouré de tous ses enfants, ayant à son service Ménachè et Èfrayim, Yaâqov poursuit l’enseignement de la Tora à ses enfants.

Mais, que devient Yossèf? Il est impossible d’imaginer Yossèf se trouvant auprès de son père tous les jours. Il est auprès de Parô, roi exigeant, qui ne comprendrait pas que Yossèf néglige l’exercice de ses fonctions pour s’occuper de son père. Mais, aussitôt qu’il apprend que Yaâqov est malade, Yossèf lui rend visite accompagné de ses fils. C’est le moment de réclamer la bénédiction de son père, autant pour lui que pour ses enfants.

Yossèf accorde, de toute évidence, une importance particulière à la bénédiction de son père. Il n’est qu’à se rappeler des efforts de Rivqa pour que Yitshaq bénisse Yaâqov plutôt que Êssaw. La bénédiction accordée par le père signifie que le fils est digne de prendre la relève. Ainsi, Yitshaq, béni par Abraham, devint le dépositaire de l’enseignement et de la transmission qu’il laissera en héritage à celui de ses enfants le plus méritant. Ce fut donc Yaâqov le bénéficiaire. C’est à travers ses enfants que Yossèf voulait avoir la bénédiction de son père. Èfrayim et Ménachè sont ceux qui furent désignés au service de Yaâqov durant son séjour en Égypte. Ils méritent à ce titre d’être bénis. Mais comment réagiront ses frères? Est-ce encore une nouvelle source de disputes, de jalousie et de frictions avec ses frères? Comment Yaâqov se permet-il aussi de faire une telle chose, lui, qui avait maille à partir avec Êssaw pour la bénédiction qu’il lui avait soufflée? Nous venons à peine de voir par où sont passés les fils de Yaâqov pour réparer le mal fait à Yossèf, pour qu’il soit nécessaire de rouvrir à nouveau les blessures à peine cicatrisées!

Le Midrache(2) citant le texte(3) rapporte :

«Il bénit Yossèf puis il dit : que D’ieu dont mes pères, Abraham et Yitshaq, ont suivi les voies..»Il est écrit(4) :

«Révérez l’Ét’ernel, vous, Ses Saints, car rien ne fait défaut à ses adorateurs.

Rabbi Âzaria dit : «Lorsque Yaâqov eut béni Yossèf, ce dernier sortit le visage rayonnant et les chefs des tribus s’exclamèrent : Les gens se rangent du côté de celui à qui la chance sourit. C’est parce qu’il est roi [qu’il eut le privilège de la bénédiction de notre père]. Les gens recherchent la compagnie des gens chanceux. Alors Yaâqov, notre père, leur répondit [les rassurant] : «Révérez l’Ét’ernel, vous Ses Saints». Je prodiguerai mes bénédictions à tous».

Le souci du midrache est de souligner combien Yaâqov voulait éviter de heurter la sensibilité de ses fils. En accordant ses bénédictions à l’un de ses enfants, il exclut en fait les autres. Quand il s’agit de Yossèf, le problème prend des proportions plus grandes. C’est tout le passé qui revient. Dans leur critique, selon Rabbi Âzaria, tout se passe comme si la bénédiction accordée à Yossèf n’était point motivée par le mérite personnel mais par un autre critère, celui de la réussite et de la chance. Yossèf est roi, il connaît le succès dans sa vie matérielle, c’est lui qui le nourrit, il est donc naturel que la bénédiction lui revienne. Mais la critique est adressée à Yaâqov. Quelle était sa marge de manoeuvre? Fallait-il s’abstenir de bénir Yossèf et ses enfants pour ne point susciter de nouveau leur jalousie, ou accorder à Yossèf ce qui lui revient de droit?

Le midrache, pour justifier cette bénédiction, cite le verset de Téhillim : «Révérez l’Ét’ernel, vous, Ses Saints, car rien ne fait défaut à Ses adorateurs». Ainsi, Yossèf mérite-t-il la bénédiction parce qu’il vénère l’Ét’ernel et le craint. L’opinion de Rabbi Âzaria est d’établir une différence entre l’épreuve de Yossèf et celle de ses autres frères.

L’épreuve de Yossèf consistait à assumer les deux situations qu’un homme peut connaître dans sa vie. Il existe donc l’épreuve de la misère et celle de la richesse et de la prospérité. Pour Yaâqov, Yossèf mérite une considération particulière parce qu’il a pu surmonter les deux épreuves. Dans l’expérience de la misère, Yossèf a su garder toute sa foi et toute sa confiance en D’ieu. Ni les menaces, ni les tentations de sa maîtresse n’avaient eu raison de lui. Au moment où il atteint la gloire et la félicité, il demeure égal à lui-même : il est toujours Yossèf dans sa piété, Yossèf juste et parfait, comme il a toujours été auprès de son père.

Pour Yaâqov, les autres fils n’ont pas encore atteint la félicité et la gloire. Ils n’offraient pas à leur père, pour cette raison, la même garantie d’intégrité morale. Qui sait s’ils ne devaient pas, le moment venu, montrer de la faiblesse? Aussi, Yaâqov, en guise d’encouragement pour mériter la bénédiction leur recommande-t-il de «Vénérer D’ieu dans une sainte piété même lorsque l’abondance ne nous fera pas défaut»

Kétav Sofèr lit donc, à la fin de ce midrache, non pas «Je prodigueraiméssapéqa,, mais je doute parce que méssapéqa, dérive aussi de safèq, doute. Ainsi Yaâqov dit à ses enfants : je nourris des doutes au sujet de vous tous. Vous n’avez pas encore eu l’occasion de montrer votre force de caractère dans l’épreuve de la réussite et du bonheur.

La bénédiction est affaire sérieuse pour qu’il soit nécessaire de s’entourer de toutes les garanties avant de la confier à l’un de ses enfants. C’est Yaâqov qui, par expérience, sachant l’usage que Êssaw aurait fait de la bénédiction de son père Yitshaq, décide de ne l’accorder qu’à Yossèf au risque de déplaire à ses autres enfants.

Il arriva, après ces faits, qu’on dise à Yossèf : «Ton père est malade». Et il partit emmenant ses deux fils, Ménachè et Èfrayim.

Il arriva après ces faits.

Nos Maîtres établissent une différence entre Ahar, et AharèAhar désigne une contiguïté dans le temps. Cela se traduit par aussitôt après. Mais Aharè indique plutôt longtemps après. Cependant, quelle relation existe-t-il entre les deux textes : celui qui traite du serment de Yossèf pour enterrer son père à Hèbrone, et celui traitant de la maladie de Yaâqov?

Il est possible, dit Rav Alchikh, que l’on voie, dans le fait d’accorder une double part à Èfrayim et Ménachè dans l’héritage, une récompense consentie à Yossèf pour s’être engagé à transporter sa dépouille à Méârate ha-makhpèla, pour y être enseveli avec ses pères. Mais la Tora précise justement que les deux récits ne se suivent pas dans le temps. La récompense donnée à Yossèf n’est pas reliée à la promesse de Yossèf.

On dit à Yossèf : «Ton père est malade».

Qui l’annonce à Yossèf?

Nos maîtres disent qu’Èfrayim, attaché au service de Yaâqov, est parti de Gochène pour aviser son père. Cependant, une difficulté apparaît : comment peut-il rendre compte de la maladie de Yaâqov si le concept de la maladie n’avait pas existé auparavant?

Hinnè, voici, indique un fait nouveau. En disant way-omèr, signifiant rendre compte sans toutefois rentrer dans les détails, Yossèf comprend que son père connaît un état nouveau puisqu’avant Yaâqov, la maladie était inconnue. Les gens mourraient après avoir seulement éternué. Mais Yaâqov avait prié pour que toute personne, avant de mourir, tombât malade afin d’avoir le temps de faire ses dernières recommandations(5).

Pour Rav Alchikh, c’est la chékhina, qui était au chevet de Yaâqov, qui l’apprit à Yossèf.

On l’annonça à Yaâqov en disant : «Voici que ton fils Yossèf vient te voir». Yisraèl recueillit ses forces et s’assit sur le lit.

On l’annonça à Yaâqov.

Haguèd, signifie annoncer en donnant des précisions, des détails alors que amor, c’est dire et rapporter en général.

Yossèf envoie dire à son père qu’il vient en compagnie de ses deux enfants, Èfrayim et Ménachè, pour lui rendre visite et, partant, recevoir sa bénédiction pour ses deux enfants. Il prie donc Yaâqov de s’efforcer à avoir l’inspiration divine afin de les bénir. Il est vrai, selon le Haêmèq Davar, que Yaâqov en Égypte n’était pas toujours habité par l’inspiration divine. Il lui fallait désormais une préparation. C’est ce que Yossèf demande expressément à son père, surtout maintenant qu’il est malade. C’est le moment le mieux indiqué puisqu’à l’exemple de la flamme qui, avant de s’éteindre, atteint une lumière intense, Yaâqov aurait une inspiration divine très claire et active.

Yisraèl recueillit ses forces et s’assit sur le lit.

Yaâqov s’efforce donc, par respect pour son fils, d’atteindre l’inspiration divine. Il apprit que la bénédiction destinée à Yossèf est celle-là même que Yaâqov reçut dans la vision de Louz(6).

Yisraèl recueillit ses forces.

Le Talmoud(7) affirme : «Quiconque rend visite à un malade le soulage de 1/60 de sa maladie». Yossèf rend visite à son père. On l’annonce ainsi à son père : hinnè, voici que ton fils Yossèf vient te voirHinnè, a pour valeur numérique 60. Par ailleurs, le texte souligne : Il s’assit sur le litHa-mittalit, a pour valeur numérique 59. Ce qui fait dire à Chaâr Bat Rabbim qu’en le soulageant du 1/60 de sa maladie, Yisraèl recueillit des forces pour pouvoir s’asseoir sur le lit et le bénir.

Et Yaâqov dit à Yossèf : «Le D’ieu Tout Puissant m’est apparu à Louz, au pays de Kénaâne, et m’a béni. Il m’a dit : «Je veux te faire croître et fructifier, et je te ferai devenir une multitude de peuples, et je donnerai ce pays à ta postérité ultérieure comme possession perpétuelle».

D’ieu Tout Puissant m’est apparu à Louz et m’a béni.

Pour quelle raison Yaâqov rappelle cette apparition? Ici le texte cite Yaâqov et non Yisraèl comme pour le verset précédent. Pourquoi?

Yaâqov n’a pas eu une prophétie nouvelle. Il voudrait bénir Yossèf à partir de la prophétie qu’il avait eue à Louz. Cette prophétie, rappelle Haêmèq Davar, sert de support à la bénédiction de Yossèf. Yaâqov affirme en effet que la bénédiction reçue ne s’applique pas à lui mais à l’un de ses fils.

Il dit en substance :

Il m’a dit : «Je veux te faire croître et fructifier, et je te ferai devenir une multitude de peuples».

Pour Rachi, D’ieu avait annoncé à Yaâqov qu’il allait sortir de lui une assemblée de peuples. Bien qu’en fait Il ait dit(8) : «Un peuple et une assemblée de peuples»le peuple, Binyamine, n’étant pas encore né et l’assemblée de peuples, deux peuples en plus de Binyamine. Or, depuis la naissance de Binyamine, Yaâqov n’a plus eu de fils. D’ieu annonce ainsi à Yaâqov qu’une des tribus sera partagée en deux. Ce privilège, Yaâqov le donne à Yossèf.

Cependant, il est étonnant que Yaâqov ne reproduise pas fidèlement les paroles de D’ieu. En effet, dans la prophétie à Louz, D’ieu dit à Yaâqov(9) : «Crois et multiplie-toi», alors qu’ici il dit :

«Je veux te faire croître et te fructifier».

Kéli Yaqar commente : Yaâqov transforme à dessein les paroles divines. Ce ne sont point en effet des recommandations qui s’adressent à lui. Étant son dernier fils, goy, un peuple, n’est autre que Binyamine appelé à naître. Mais l’ensemble des peuples, qéhal goyim, annonce le partage d’une tribu en deux. Par conséquent, ces deux peuples, en l’occurrence Èfrayim et Ménachè, se rattachent à Yaâqov et non à leur père.

Aussi, pour cette raison le texte poursuit :

Eh bien! tes deux fils, qui te sont nés au pays d’Égypte avant que je vinsse auprès de toi en Égypte, deviennent les miens; non moins que Réoubène et Chimône, Èfrayim et Ménachè seront à moi. Quant aux enfants que tu engendreras après eux, ils te seront attribués : ils s’appelleront du nom de leurs frères, à l’égard de leur héritage.

Tes deux fils, qui te sont nés en Égypte avant que je vinsse auprès de toi, deviennent les miens.

Or ha-Hayim explique :

«Puisque j’ai constaté que je n’ai point eu d’autres enfants qui justifieraient cette bénédiction, je sais de manière rétroactive, que les enfants qui sont nés en Égypte sont à moi. Ces deux enfants seront donc considérés comme Réoubène et Chimône.»

Quant aux enfants que tu engendrerais après eux, ils te seront attribués.

Sforno et Rachebam appliquent ce verset aux petits enfants de Yossèf. Nous n’avons pas vu que Yossèf ait eu d’autres enfants!

Or ha-Hayim s’interroge sur le fait que Yaâqov ait privé Yossèf d’avoir une part parmi ses frères. Pour quelle raison le prive-t-il de ce privilège? Même si Èfrayim et Ménachè prennent sa place, il n’en demeure pas moins que Yossèf n’apparaît ni dans le partage du pays de Kénaâne ni parmi les tribus. On ne parle que d’Èfrayim et Ménachè. De plus, pourquoi la tribu qui devait être partagée en deux serait celle de Yossèf et non celle de Yéhouda?

Néanmoins, à lire le texte(10), force est de reconnaître qu’il parle en réalité de Yaâqov qui devait donner naissance à une assemblée de peuples.

Cependant, le Zohar(11) précise que Yossèf s’apparente à Yaâqov. C’est là le sens du verset(12) «Voici l’histoire de la descendance de Yaâqov, Yossèf», et de celui(13) «Les fils de Yaâqov et de Yossèf». Ainsi il est possible, partant de ces deux prémisses, d’affirmer que Yaâqov et Yossèf s’apparentent. Yossèf devient de ce fait un père pour les tribus. Il ne convient donc pas de figurer parmi les tribus et ce sont ses fils qui devaient former l’ensemble de peuples prédit par D’ieu à Yaâqov.

Rav Alchikh livre une explication autant originale qu’importante. Pour lui, Èfrayim et Ménachè sont considérés comme les véritables fils de Yaâqov. Aussi, pour cette raison, Yaâqov dit : ils sont comme Réoubène et Chimône. Comment? Il rappelle un midrache(14) qui souligne que Yossèf s’était presque laissé séduire par sa maîtresse. Sur le point de succomber, le portrait de son père lui apparut et lui dit que son nom sera gravé sur les pierres précieuses du Èfod(15) mais ne brillera pas comme celui de ses frères. Cette vision fit reculer Yossèf qui perdit de ses doigts 10 gouttes de semence. Ainsi Yossèf perdit l’occasion de donner naissance à dix autres fils puisqu’il devait engendrer 12 comme Yaâqov. Selon ce midrache, les deux fils de Yossèf sont attribués à Yaâqov puisque c’est grâce à lui que Yossèf a pu les avoir.

Par ailleurs, en désignant Réoubène et Chimône, Yaâqov tente de justifier le retrait du droit d’aînesse à Réoubène au profit de Yossèf. En effet, Yaâqov pensait en réalité à Rahèl. L’enfant conçu par Lèa était en réalité destiné à être celui de Rahèl. De plus, Yossèf est né après dix enfants. Les fils de Yossèf sont ceux qui restent après avoir perdu l’occasion d’avoir dix enfants. Il est donc naturel que les fils de Yossèf prennent la part qui revient à Réoubène.

Pour moi, quand je revins de Paddane, Rahèl mourut dans mes bras au pays de Kénaâne, pendant le voyage, lorsqu’une kibra (mesure de distance) de pays me séparait encore d’Èfrate; je l’inhumai là, sur le chemin d’Èfrate, qui est Bèt Lèhèm».

Quand je revins de Paddane, Rahèl mourut.

Quel est le lien logique entre ce verset et les précédents? Si, comme dit Rachi, pour justifier sa conduite envers sa mère Rahèl qu’il n’a pas transportée jusqu’à Hèbrone pour l’y ensevelir, Yaâqov dit qu’il a agi sur l’ordre de D’ieu en l’inhumant à Bèt Lèhèm, ce n’est point là qu’il fallait le mentionner.

Selon Rachi, elle a été inhumée en chemin pour qu’elle puisse porter secours à ses enfants lorsque Nébouzaradane les conduira en exil et qu’ils passeront par là. Rahèl, sortant alors sur sa tombe, pleurera et implorera pour eux la Miséricorde divine ainsi qu’il est dit(16) :

«Une voix retentit dans Rama, une voix plaintive, d’amers sanglots. C’est Rahèl qui pleure ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler de ses fils perdus! Or dit le Seigneur, que ta voix cesse de gémir, et tes yeux de pleurer, car il y aura une compensation à tes efforts, ils reviendront du pays de l’ennemi.»

Pour Or ha-Hayim, si Yossèf voit ses fils prendre une double part, c’est bien parce que Rahèl est morte en chemin, privant ainsi Yaâqov d’engendrer lui-même l’assemblée de peuples. Et ce, parce que lui en est bien la cause. Deux raisons justifient une telle explication : Yaâqov a tardé à payer son voeu qu’il avait fait au départ de Béer Chèvâ. Il a maudit en quelque sorte Rahèl ainsi qu’il est dit(17) : «Quant à celui que tu trouverais en possession de tes dieux, qu’il cesse de vivre!». Rahèl est morte à la suite de cette malédiction.

Yisraèl remarqua les enfants de Yossèf et il dit : «Qui sont ceux-là?». Yossèf répondit à son père : «Ce sont mes fils que D’ieu m’a donnés dans ce pays». Yaâqov reprit : «Approche-les de moi, je te prie, que je les bénisse.»

Yisraèl remarqua les enfants de Yossèf et il dit «qui sont ceux-là»,

Surprenant qu’après 17 ans de service Yaâqov n’ait point reconnus les enfants de Yossèf!

Rachi, rapportant le midrache Tanhouma, dit que Yaâqov voulait les bénir, mais la Chékhina s’est retirée de lui parce que d’Èfrayim devait sortir Yarob’âm et Ah’ab et de Ménachè Yèhou et ses fils. Il lui dit : «Qui sont ceux-ci qui ne sont pas dignes de recevoir de bénédiction?»

Mais Or ha-Hayim et, plus tard, Haêmèq Davar, disent que Yaâqov les avait bien reconnus. Pour les bénir, il demande à Yossèf de susciter des sentiments d’amour afin que sa bénédiction puisse fuser par un excès d’amour et de joie.

Aussi pour cette raison Yossèf répond :

«Ce sont mes fils que D’ieu m’a donnés dans ce pays».

Comme Yossèf avait mentionné mes fils, aimés et chéris et qui ne furent accordés par D’ieu, alors Yaâqov lui dit :

«Approche-les de moi…que je les bénisse».

Combien Yossèf a imploré la miséricorde divine afin que l’inspiration sainte s’empare de Yaâqov pour les bénir. En pensant à l’avenir, Yaâqov aurait évité de leur prodiguer ses bénédictions. Mais l’amour de Yossèf pour ses enfants et ses prières ont fait que Yaâqov ne considère que le présent pour ne point se tourner vers un avenir accablant. Aussi lui dit-il «approche-les moi»na,  maintenant, que je les bénisse. Il ne prend que le présent en considération(18). Mais l’avenir n’est pas aussi accablant puisque d’Èfrayim sortira Yéhochouâ, successeur de Mochè, et de Ménachè Guidône, dont la piété et les actions pour le peuple d’Israël seront remarquables.

1. Bérèchit 48, 1-9.

2. Bérèchit Rabba paragr. 97, 1.

3. Bérèchit 48, 15.

4. Téhillim 34, 10.

5. cf. Mèâm Loêz.

6. cf. Hâmèq Davar.

7. T.B. Nédarim 39b.

8. Bérèchit 35, 11.

9. id.

10. ibid.

11. Zohar 1, 182b.

12. Bérèchit 37, 2.

13. Téhillim 77, 16.

14. cf. Bérèchit rabba paragr. 87, T.B. Sota 36b.

15. Èfod est l’un des huit habits du Kohène Gadol, Grand Prêtre, sur lequel étaient fixées des pierres précieuses représentant les douze tribus.

16. Yirmiya 31, 15.

17. Bérèchit 31, 32.

18. cf. Kéli Yaqar.

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