Yossèf devant Parô
«Ce discours plut à Parô et à tous ses serviteurs. Et Parô dit à ses serviteurs : «Pourrions-nous trouver un homme tel que celui-ci, plein de l’esprit de D’ieu?» Et Parô dit à Yossèf : «Puisque D’ieu t’a révélé tout cela, nul n’est sage et entendu comme toi. C’est toi qui seras le chef de ma maison. Tout mon peuple sera gouverné par ta parole, et je n’aurai sur toi que la prééminence du trône». Parô dit à Yossèf : «Vois! je te mets à la tête de tout le pays d’Égypte». Et Parô ôta son anneau de sa main et le passa à celle de Yossèf; il le fit habiller de byssus et suspendit le collier d’or à son cou. Il le fit monter sur son second char. On cria devant lui : Abrèkh, , à genoux!, et il fut installé chef de tout le pays d’Égypte. Parô dit à Yossèf : «Je suis Parô; mais sans ton ordre, nul ne remuera la main ni le pied dans tout le pays d’Égypte». Parô surnomma Yossèf Tsafnat Paânèah, , et il lui donna pour femme Asnat, fille de Poutifèra, prêtre d’One. Yossèf fit une excursion dans le pays d’Égypte. Or Yossèf avait trente ans lorsqu’il parut devant Parô, roi d’Égypte. Yossèf, étant sorti de devant Parô, parcourut tout le pays d’Égypte(1).»
Ayant eu deux songes troublants et étranges, Parô ne put trouver la tranquillité de l’esprit. Tous les devins et savants égyptiens consultés furent incapables d’interpréter de manière satisfaisante ces songes. Parô se souvient bien des songes au réveil mais non de l’explication entrevue dans son rêve. Les devins proposaient des explications : naissance de sept filles et mort de sept filles; conquête de sept provinces et révolte de sept provinces. Aucune n’eut l’heur de satisfaire Parô. Toutes ces interprétations s’adressent à Parô en tant qu’individu. Aucun effort ne fut entrepris de voir en Parô un roi dont dépendent les destinées de tout un peuple. Le Grand Échanson intervient. Il se souvient qu’en prison Yossèf avait interprété son rêve et celui du Grand Panetier. L’interprétation est confirmée par l’évolution des événements. Il suggère donc à Parô de le consulter.
Cependant, le Grand Échanson a une conduite inqualifiable. Au lieu de se souvenir du bienfait de Yossèf, il cherche au contraire à le discréditer aux yeux de Parô, utilise des termes méprisants pour le nommer. Un jeune, un garçon simple n’ayant aucune qualité pour une grande charge, Hébreu, ne connaissant même pas notre langue, esclave, pour rappeler les lois égyptiennes stipulant qu’un esclave ne peut régner ni revêtir des vêtements de prince.
Malgré sa haine, l’Échanson pouvait tout aussi bien rendre visite à Yossèf, exposer les rêves sans révéler l’identité de l’auteur du songe et s’informer de leur interprétation. Ce faisant, l’Échanson aurait mérité, seul, l’insigne honneur d’avoir apaisé l’angoisse du roi. S’il n’agit pas ainsi, c’est bien parce qu’il est conscient que, se substituant à la personne du roi, l’interprétation aurait pris une autre direction. En effet, le songe d’un roi est différent du songe d’un simple sujet. Aussi est-il obligé, malgré sa jalousie et son ingratitude, de recommander Yossèf à Parô.
Parô envoie quérir aussitôt Yossèf. On le fit, sur le champ, sortir de la geôle. Hafèts Hayim attire notre attention sur la forme du terme wayi-ritsouhou, on le fit courir qui, écrit sans le deuxième yod, peut se lire wayi-rtséhou, on le contraint à vouloir, on le décide à accepter. Selon le midrache, à la dernière minute, Yossèf refuse de se rendre chez Parô. Mais un ange intervint, l’obligeant à quitter la geôle. Quand l’heure de la délivrance approche, elle s’impose et ne souffre aucun retard. À l’heure de la délivrance de Yossèf, «on le fit sortir en toute hâte». Ceci prélude également la délivrance des Hébreux d’Égypte : «Avec précipitation ils sont sortis d’Égypte.» Ainsi se réalisera la délivrance future, au temps du Machiah. Elle se manifestera au moment où on l’attend le moins.
Le Midrache dit à propos de la récompense de Yossèf(2) :
«Parô dit à Yossèf : Vois! Je t’ai placé à la tête de tout le pays d’Égypte(3)…:
Rabbi Chimône, fils de Gamlièl, dit : La récompense de Yossèf correspond en tout point à ses mérites. Ainsi la bouche qui se refuse à donner des baisers coupables mérite que l’on dise d’elle : «C’est par ta bouche que sera gouverné tout mon peuple», le corps qui ne fut pas tenté par le péché sera «habillé de byssus», le cou qui ne plie point sous le vice mérite qu’on y «place un collier d’or». Pour les mains qui ne touchent pas à l’interdit, il est dit : «Parô ôta son anneau de sa main et il le passa à celle de Yossèf». Les pieds qui n’avancent pas vers le mal monteront sur le char royal ainsi qu’il est dit : «On le fit monter sur le second char [de Parô]». L’esprit qui ne se laisse point souiller par le péché sera qualifié de sage tel qu’il est dit : «On cria devant lui «Abrèkh», autrement dit Ab, père rakh, tendre, père en sagesse bien que tendre en âge. Par contre, Néboukhad’nétsar est tifsar, c’est-à-dire tippèche, sot d’esprit et sar, chef d’âge».
Après que Yossèf eut interprété les songes, Parô le nomma gouverneur d’Égypte. Mais le texte donne d’amples détails sur les honneurs accordés à Yossèf. Pour le midrache, ces récompenses répondent en tous points à ses mérites. Bien plus, il y a comme un leitmotiv qui revient : tout ce que reçoit Yossèf se justifie en fait par son action morale. Le fait d’avoir surmonté les tentations de la femme de Potifar, résisté à tant d’appels à la faute, au péché, rend possible l’accès à tant de gloire.
Le comportement moral de Yossèf, luttant contre ses passions, est un gage d’honnêteté et de probité recherchées par Parô pour organiser et diriger les plans économiques qui allaient sauver l’Égypte et le monde de la famine.
Un homme enclin à se laisser déborder par ses passions peut aussi se montrer négligent ou faible dans l’accomplissement de sa mission. La débauche mène à la ruine, à la pauvreté. En revanche, la maîtrise de ses passions mène l’homme à la réussite et à la gloire.
Tout ce qui affecte la vie de Yossèf est en quelque sorte une avant-première de ce qui affectera plus tard tout Israël. Yossèf vient en Égypte, connaît la déchéance totale : esclave, poursuivi par les avances de sa maîtresse, jeté en prison, oublié de tous. Mais à la fin, la Providence le ramène à la vie et l’élève aux cimes du pouvoir.
Israël connaîtra également un destin semblable. Contraint par la famine à descendre en Égypte, il sera asservi, avili et privé de tous les droits. Mais le moment venu, D’ieu libère Israël, force Parô à lui reconnaître ce qu’il n’a jamais consenti à tout esclave : le droit à la liberté. D’Égypte, Israël sort emportant des richesses considérables. Nos maîtres reconnaissent en Yossèf l’artisan de cette délivrance. Tout ce qu’il entreprend durant son règne le fut en fonction de l’établissement de ses frères en Égypte et de leur sortie.
De toute évidence la face de l’histoire aurait changé si Yossèf s’était comporté autrement à l’égard de sa maîtresse. Succombant à ses attraits, Yossèf n’aurait connu aucune marque de gloire et mis en danger tout l’avenir d’Israël.
L’indication du midrache est claire. Yossèf est père en sagesse bien que tendre en âge. Abrèkh indique que Yossèf a su résister pour ne pas succomber à ses sens. La satisfaction des sens l’aurait, pour le plaisir d’un moment, privé de la gloire future. La sagesse est de vouloir gérer l’avenir. Non seulement le sien mais celui de tout son peuple. Mieux, l’Égypte entière reconnaît le mérite de Yossèf.
Néboukhad’nétsar, parce qu’il a détruit le temple et exilé Israël, est Tifsar. Sot en sagesse et prince en âge. Son âge ne l’a pas instruit de ce qui peut l’affecter en exilant le peuple d’Israël. L’histoire ne l’a pas suffisamment inspiré parce que trop sot. En mettant en exergue l’action de Yossèf et celle de Néboukhad’nétsar, le midrache livre les deux pôles entre lesquels se joue le destin du peuple d’Israël.
Ce discours plut à Parô et à tous ses serviteurs,
Après que Yossèf eut interprété les songes, il donne ce conseil à Parô : «Que Parô choisisse un homme avisé et sage, et qu’il le prépose au pays d’Égypte…» Tous les commentateurs s’interrogent sur l’opportunité d’un tel conseil. Parô demande seulement l’explication de ses rêves et non un conseil sur ce qu’il doit entreprendre.
Chaâr Bat Rabbim remarque en effet que là où les devins et les mages égyptiens échouent parce que s’appuyant sur les forces de l’idolâtrie et, de l’impureté, Yossèf, lui, réussit car il fait appel à l’inspiration divine.
«Ce n’est pas moi, dit-il, c’est D’ieu qui saura tranquilliser Parô».
L’interprétation de Yossèf, les corrections qu’il introduit dans la relation du songe, sont autant de preuves pour convaincre Parô ainsi que les mages d’Égypte à se rendre à l’évidence. Aussi, profitant de cet avantage, Yossèf propose-t-il à Parô sa suggestion. Yossèf fut libéré le jour de Roche ha-Chana(4). C’est le jour où on décide du destin de l’homme, alors que la récolte est jugée à Pèssah. C’est en pensant à l’anachronisme du rêve qui, normalement, aurait dû avoir lieu à Pèssah qu’il conclut à l’influence directe du rêve de Parô sur son destin personnel.
Mais le discours plut à Parô et à tous ses serviteurs. La sagesse de Yossèf est de s’être rallié tous les avis des conseillers du roi. En effet, chacun déjà se voyait à la tête d’une telle mission. Mais Parô décide en effet de reconnaître la sagesse de Yossèf et lui confie un tel projet, puisqu’il fait l’unanimité autour de lui.
Pour Rav Alchikh, tout le récit des songes de Parô est surprenant par la place importante qu’il occupe dans la Tora. Il aurait pu, en effet, se résumer en quelques lignes. Pour quelle raison donc les relater in-extenso?
En vérité, tout dans le récit a un rapport avec l’exil égyptien et la sortie d’Égypte. Certains détails du texte sont ainsi évidents et clairs. En effet, Yossèf envoie dire plus tard à son père(5) :
«Là, je te fournirai vivres car cinq années encore il y aura famine afin que tu ne souffres point toi, ta famille et tout ce qui est à toi.»
Quelle différence y aurait-il à le fournir en vivres en Égypte ou ailleurs? En outre, Yossèf, selon le midrache(6), refuse de donner des vivres aux Egyptiens tant qu’ils ne se sont pas fait circoncire. Enfin, pendant la famine, Yossèf déplace les Egyptiens d’un lieu à un autre. Pourquoi poser de tels gestes?
Selon le Zohar(7), la chékhina avait devancé l’exil d’Israël en Égypte. D’ieu envoie Yossèf en éclaireur afin qu’il serve à la chékhina de mèrkava, de monture. Pour quelle raison n’est-elle pas descendue en même temps que les Bénè Yisraèl?
Le rôle de Yossèf en Égypte était précisément d’éviter à toute sa famille, lors de l’exil d’Égypte, de se nourrir à même la récolte dépendant de l’intervention de l’ange gardien d’Égypte. Car ce faisant, les Bénè Yisraèl s’impurifieraient à un point tel que leur délivrance deviendrait problématique voire impossible. Aussi, pour cette raison, Parô voit dans le premier songe qu’il se tient au-dessus du fleuve et non comme il relate à Yossèf au bord du fleuve, et, par ailleurs, les sept épis s’élevant en une seule tige. De ces deux détails, Yossèf déduit que le songe l’intéresse personnellement. Le fleuve, Yéor, fait allusion à Yossèf qui, lui-même, a pour symbole le taureau, et tige, qanè, a pour valeur numérique 155 augmenté de 1 représentant le mot donne 156, même valeur que Yossèf. Yossèf voit son rôle se préciser car les sept années d’abondance n’ont de sens dans le rêve que si quelqu’un prend l’initiative de les utiliser pour sauver l’Égypte de la famine. C’est donc Yossèf qui sauve l’Égypte et non le mal’akh, chargé de la protéger. Ainsi, ses frères s’établissant en Égypte garderaient-ils l’espoir de sortir le moment venu pour leur délivrance.
Et Parô dit à ses serviteurs : «Pourrions-nous trouver un homme tel que celui-ci, plein de l’esprit de D’ieu?» Et Parô dit à Yossèf : «Puisque D’ieu t’a révélé tout cela, nul n’est sage et entendu comme toi.
Pourrions-nous trouver un homme tel que celui-ci, plein de l’esprit de D’ieu,
Parô se rend compte qu’il a affaire à un homme hors du commun. En effet, Yossèf demande à Parô de chercher un homme navone, intelligent, doué de raison déductive, de discernement, et hakham, sage, qui assimile toute la matière que ses maîtres lui enseignent. Le texte devait, pour garder un ordre logique, placer hakham avant navone.
Cependant, cet ordre se justifie car l’intelligence de Yossèf, consistant à entendre un rêve pour l’expliquer aussitôt, est un don du ciel, un message prophétique. Pour Yossèf, la Bina, discernement, lui vient du ciel comme la hokhma, est enseignée par un maître. C’est d’ailleurs cette sagesse qu’il utilise pour obliger les Égyptiens à se circoncire et à se déplacer afin d’affaiblir leur toum’a, impureté, pour permettre à ses frères de ne point s’engouffrer en Égypte.
Selon Tséror ha-Mor, le conseil de Yossèf est que Parô nomme un seul responsable sur tout le pays d’Égypte. Car le fait de nommer plusieurs responsables ne peut que nuire. La situation exceptionnelle que l’Égypte s’apprête à vivre nécessite plus de rigueur. Le désordre est souvent causé par le grand nombre de chefs. Ainsi, dit le Talmoud(8) : «Un seul dirigeant pour la génération et non deux dirigeants.»
Puisque D’ieu t’a révélé tout cela, nul n’est sage et entendu comme toi.
Hatam Sofèr voit dans la suggestion de Yossèf le moyen d’éviter à l’Égypte que la récolte ne pourrisse et ne se détériore. Pour Parô, les épis de son songe étaient maigres, flétris par le vent. Yossèf lui conseille de nommer un chef étranger, sage et intelligent, car n’étant pas Égyptien, le décret divin de flétrir la récolte pourrait être déjoué. Ce conseil avait l’heur de plaire aux conseillers de Parô parce qu’il leur évitait une jalousie et une concurrence inutiles. Parô, voyant que Yossèf a pu capter les intentions divines dépassant largement l’interprétation du rêve, lui demande d’être cet homme.
Rabbènou Béhayè remarque dans le silence des conseillers une véritable approbation. L’explication et le conseil rallient le suffrage de tous. Dans la bouche de Parô «puisque D’ieu t’a révélé», l’emploi du temps passé indique en fait qu’il considère les choses comme étant déjà réalisées. Cela signifie que tout est programmé par D’ieu.
De plus, nul n’est sage comme toi car si D’ieu te révèle ses intentions, c’est qu’à la base tu ne peux être que sage et avisé. Danièl dit(9) : «D’ieu donne la sagesse aux sages».
C’est toi qui seras le chef de ma maison. Tout mon peuple sera gouverné par ta parole, et je n’aurai sur toi que la prééminence du trône».
Tu seras le chef de ma maison.
Parô décide de nommer Yossèf à la tête d’Égypte. Mais la constitution égyptienne ne permet pas à un esclave de régner. Parô dit à ses conseillers qu’il voit en Yossèf les traits d’un homme digne d’être roi. Cependant, il devait pour cela connaître soixante dix langues. Le midrache raconte qu’en une nuit l’archange Gabrièl lui enseigna toutes les langues. Et Parô, ignorant l’Hébreu, fit jurer Yossèf de ne pas révéler ce détail afin de ne pas être détrôné au profit de Yossèf. Aussi, pour cette raison, Parô au début le nomme-t-il d’abord gouverneur de sa maison pour que, plus tard, il puisse le faire admettre comme gouverneur de toute l’Égypte. Tous n’auront d’autre choix que de suivre l’exemple de Parô.
Cependant, je n’aurai sur toi que la prééminence du trône,
Tout se passe comme si Parô demande à Yossèf de lui concéder les prérogatives du trône. Mimmèka, de toi, pour Rav Alchikh, revient à dire que Parô reconnaît qu’il détient le trône grâce au silence de Yossèf.
Parô dit à Yossèf : «Vois! je te mets à la tête de tout le pays d’Égypte». Et Parô ôta son anneau de sa main et le passa à celle de Yossèf; il le fit habiller de byssus et suspendit le collier d’or à son cou.
Vois! Je te mets à la tête de tout le pays d’Égypte.
Comment peut-on justifier l’emploi du terme vois?
Parô investit Yossèf chef sur l’Égypte et lui accorde son anneau, symbole du pouvoir. Pour Rambane, l’anneau de Parô, passé à la main de Yossèf, est l’acte d’investiture de Yossèf comme second de Parô.
Yossèf suggère : «Qu’il avise!», et Parô lui répond : «Vois!». C’est dire que Parô comprend le message de Yossèf. Il répond sur le même registre avec le même terme.
Il le fit habiller de byssus.
Rachi explique : les habits de lin étaient un signe de distinction en Égypte. C’était un tissu d’importance et de valeur.
Mais Hèssèd lé-Abraham dit avoir trouvé dans un manuscrit que le byssus avait le don de protéger celui qui le portait contre le mauvais oeil, les magies et pratiques de sorcellerie. Parô ayant découvert cela, portait de tels habits pour échapper aux pratiques malveillantes de ses mages. Yossèf lui aussi savait ce secret. Il les portait pour se protéger(10). Mais Parô, pour neutraliser cet effet suspendit un collier d’or au cou de Yossèf afin de mieux le contrôler.
Il le fit monter sur son second char. On cria devant lui : Abrèkh, à genoux!, et il fut installé chef de tout le pays d’Égypte. Parô dit à Yossèf : «Je suis Parô; mais sans ton ordre, nul ne remuera la main ni le pied dans tout le pays d’Égypte». Parô surnomma Yossèf Tsafnat Paânèah, et il lui donna pour femme Asnat, fille de Poutifèra, prêtre d’One.
Parô agit vis-à-vis de Yossèf de manière surprenante. Comment ne craint-il pas un soulèvement du peuple contre lui en faisant monter Yossèf sur son second char, faire crier partout Abrèkh, à genoux, alors qu’il est un esclave jeté en prison pour avoir attenté à la pudeur de sa maîtresse? Pourquoi lui rappelle-t-il : Je suis Parô? Et surtout pour quelle raison ne l’a-t-il pas appelé Tsafnat Paânèah, celui qui dévoile les mystères, aussitôt après l’explication des rêves?
Pour Rav Alchikh, Parô ne craignait nullement le soulèvement de son peuple car il prit deux dispositions qui permettent au peuple d’accepter Yossèf comme gouverneur.
Il le nomme, en premier, Tsafnat Paânèah pour bien préciser que Yossèf est un être hors du commun. Il échappe au pouvoir de l’astre d’Égypte. Il est au-dessus puisqu’il arrive à maîtriser les mystères et les secrets divins.
Hatam Sofèr affirme par ailleurs que Parô fut bien inspiré de donner à Yossèf un nom égyptien, ses frères auront ainsi de la difficulté à le reconnaître.
Parô donne ensuite à Yossèf pour épouse Asnat, la fille de Potifar. Ainsi est-il hors de question d’invoquer l’attentat à la pudeur. Car si jamais ce n’était pas un mensonge, Potifar n’aurait jamais accepté de lui donner sa fille pour femme.
Aussi, ce faisant, Parô pouvait-il affirmer que :
…sans l’ordre de Yossèf, nul ne peut remuer la main ni le pied.
Cependant, il y a une réserve : Yossèf doit consentir au sacrifice de ne jamais dévoiler qu’il dépasse Parô dans la connaissance des langues. C’est pourquoi il lui rappelle «Je suis Parô».
Yossèf fit une excursion dans le pays d’Égypte. Or Yossèf avait trente ans lorsqu’il parut devant Parô, roi d’Égypte. Yossèf, étant sorti de devant Parô, parcourut tout le pays d’Égypte(11).»
Yossèf parcourut tout le pays d’Égypte.
Or ha-Hayim souligne qu’aussitôt investi de ses fonctions, Yossèf parcourt l’Égypte pour examiner les champs, préparer les entrepôts pour y déposer et garder les récoltes.
Yossèf, libéré de prison, comparaît devant Parô pour, aussitôt, être nommé gouverneur d’Égypte. D’ieu élève un homme à tout moment. Tel est aussi le destin d’Israël : de l’exil, des persécutions et de la dispersion, il connaîtra la délivrance. Des ténèbres, il sortira à la lumière. C’est aussi le message de Hanoukka. Comme Yossèf persécuté et jeté dans les geôles, pour connaître enfin la liberté et régner, Israël secouera également le joug des nations et reprendra sa place de choix dans le concert des peuples.
1. Bérèchit 41, 37-46.
2. Bérèchit Rabba paragr. 90, 3.
3. Bérèchit 41, 41-43.
4. T.B. Roche ha-Chana 11a.
5. Bérèchit 44, 11.
6. cf. Bérèchit Rabba paragr. 90.
7. cf. Wayè-chèv 184.
8. T.B. Sanhèdrine 8a.
9. Danièl 2, 21.
10. cf. Voir Mèâm Loêz sur le texte.
11. Bérèchit 41, 37-46.