Bétsal’èl artisan du Michekane

Mochè, heureux de pouvoir retenir la présence divine parmi Israël, se met donc en devoir de construire le Michekane. Avec ferveur et enthousiasme, les Bénè Yisraèl participent par leur donation à recueillir tous les articles et tous les matériaux entrant dans la confection du Michekane. Même les artisans se sont dévoués pour remplir avec joie cette mission. Ce dévouement trouve sa récompense car D’ieu accorde à tous ceux qui prennent part à cette construction, intelligence, sagesse et connaissance. Déjà pour la Création du monde, D’ieu avait usé d’intelligence, sagesse et connaissance. Ainsi dit Chélomo(1) :

“L’Ét’ernel, par la sagesse, a fondé la terre; par l’intelligence, Il a affermi les cieux; par la science, les abîmes s’entrouvrent et les nuées ruissellent de rosée.” C’est également avec ces trois formes de connaissance que le Bèt ha-Miqdache fut construit. Mais l’artisan principal du Michekane, Bétsal’èl, fut doté de ces aptitudes. Ainsi dit le texte(2) : “Il l’a, à lui seul, rempli du souffledivind’habilité, de jugement, de science, d’aptitude pour tous les arts”. Pourquoi Bétsal’èl plus que tout autre, surtout lorsqu’on sait qu’il était à peine âgé de 12 ans? Le Midrache(3), citant le texte(4) :

Voyez, l’Ét’ernel a désigné nominativement Bétsal’èl, fils de Ouri, fils de Hour, de la tribu de Juda“, rapporte : Pourquoi [le texte] mentionne-t-il Hour? Au moment où Israël voulut s’adonner à l’idolâtrie, [Hour] s’interpose faisant don de sa vie au Saint béni soit-Il. Alors s’en prenant à lui, ils le tuent. Le Saint béni soit-Il lui dit : “Par ta vie, Je te dois cela!”. Cela fait penser à ce roi dont les légions se sont soulevées contre lui. Son général en chef, les combattant, les avertit : vous vous révoltez en fait contre le roi. Alors elles le tuent. Le roi dit : s’il m’avait fait don de son argent, je n’aurais nul besoin de le lui rendre, à plus forte raison s’agissant de sa vie qu’il sacrifie pour moi. Que ferai-je? Tous ses enfants, j’en ferai des ducs et des gouverneurs. Ainsi également au moment où Israël fit le veau d’or, Hour s’interpose et sacrifie sa vie au Saint béni soit-Il. Celui-ci lui affirme : “Tous tes descendants, Je les élèverai et leur donnerai une bonne renommée dans le monde, tel qu’il est dit : “Voyez, l’Ét’ernel a désigné nominativement Bétsal’èl.”L’enseignement de ce midrache tente à tout le moins de montrer combien D’ieu répercute la récompense aux générations futures. Un acte ne demeure jamais isolé. Il continue à avoir des prolongements dans l’histoire. C’est le cas de Hour. La Tora le mentionne à deux reprises. Cela intrigue l’auteur du Midrache. La première mention se justifie car il est possible qu’existe un autre Bétsal’èl, fils de Ouri. Mais en le mentionnant une seconde fois, le texte tend à rappeler l’acte d’héroïsme de Hour.

Contre tout le peuple déchaîné, il est seul à s’opposer à l’idolâtrie. Il essaie de raisonner, de calmer l’ardeur des jeunes, mais sans succès. Bien au contraire, il paie de sa vie. Le midrache sait que l’on ne manquerait pas de s’objecter. En effet, D’ieu n’assiste-t-Il pas indifférent au sacrifice de Hour? Puisqu’il tente de venger l’honneur de l’Ét’ernel contre tous ces idolâtres, nous nous serions attendus à Le voir réaliser un miracle pour le sauver! Mais, en fait, Hour est bien sacrifié. Sans doute, Hour s’était-il mis dans cette situation sachant à l’avance que les Bénè Yisraèl réagiraient avec violence. L’homme ne doit pas s’attendre au miracle quand le danger est évident.

Toujours est-il que, pour le midrache, D’ieu considère le sacrifice de Hour comme un acte naturel. L’homme se doit de témoigner son amour et son attachement à D’ieu, non seulement au moyen de ses biens mais également par ce qu’il a de plus précieux, la vie. Le sacrifice de la vie, comme celui des biens matériels, n’exige aucune réparation. Néanmoins, D’ieu s’engage à attribuer une récompense à la descendance de Hour.

Toutefois, si Hour parvenait à convaincre les Bénè Yisraèl à demeurer fidèles à D’ieu, qu’adviendrait-il de l’enseignement de Rabbi Yéhochouâ, fils de Léwi(5), affirmant que les Bénè Yisraèl n’ont fauté que pour servir d’exemple aux repentants? En effet, Israël aurait manqué l’occasion d’enseigner le repentir à tout un peuple qui faute.

Peut-être est-ce l’intention du midrache qui, dans sa parabole, parle du soulèvement des légions d’un roi. On s’attend à des marques de fidélité et d’attachement de la part des légions, non d’un soulèvement. Mais c’est l’occasion pour le général en chef de prouver son indéfectible attachement à son souverain. Il le fait au risque de sa vie. Pour tous, ce général mérite la reconnaissance du roi. Ce sont ses enfants qui vont bénéficier car pour qu’un acte soit jugé à sa juste valeur, il faut qu’il parvienne à son ultime expression. Tel fut le cas de Hour. Il s’oppose à l’idolâtrie. Il est tué. Mais son petit-fils est celui qui oeuvre pour construire le lieu de résidence de D’ieu. Hour combat l’idolâtrie qui chasse et éloigne la Chékhina, son petit-fils fera tout pour la capter et la ramener dans le sanctuaire qu’il construit.

En signe de reconnaissance, c’est D’ieu Lui-même qui proclame et désigne Bétsal’èl. Cette reconnaissance ne va pas sans l’octroi à Bétsal’èl d’attributs divins : sagesseintelligence et connaissance.

Le Michekane est une réplique du monde. Comme pour la création, le Michekane nécessite ces aptitudes. Bétsal’èl les possède car il met son génie à ériger le Michekane, lieu de résidence de D’ieu. Bétsal’èl fait preuve de perspicacité(6) :

“Même pour des choses que son maître Mochè ne lui avait pas dites, sa propre pensée s’est trouvée en accord avec ce qui avait été dit à Mochè au Sinaï”. C’est dire que le souffle divin l’habitait pour s’acquitter de sa tâche, conformément à la volonté de D’ieu. Mochè devait reconnaître ce don privilégié puisque Bétsal’èl se décompose en Bé-tsèl Èl, -, à l’ombre de D’ieu.

Il est rare, en effet, d’atteindre parfaitement la volonté de D’ieu. Mais il est encore plus difficile de faire coïncider sa propre volonté avec celle de D’ieu. Voilà, Bétsal’èl était l’homme qui, pour créer chaque élément du Michekane, devait concentrer tout son esprit pour atteindre le but voulu par D’ieu. Derrière cet homme, l’esprit de Hour se tient. Aussi, au moment de passer à l’oeuvre, D’ieu rend hommage à Hour pour bien préciser que son geste ne fut, en aucun cas, inutile. Pour tous les éléments du Michekane, Bétsal’èl dirige, donne des instructions, conseille les artisans. Mais il a réservé toute son attention à l’arche de la Tora. Bétsal’èl comprend que l’objectif de D’ieu était de faire résider Sa Chékhina, Sa présence, par l’entremise de l’Arche Sainte. Aussi Bétsal’èl concentre-t-il tous ses efforts sur la construction du Arone, Arche, si bien que le texte souligne qu’il en fut l’artisan exclusif, principal. Ainsi dit le Midrache(7) citant(8) :

Bétsal’èl exécuta l’arche en bois de Chittim” : De tous les articles du Michekane, tu ne trouves le nom de Bétsal’èl attribué qu’à l’exécution de l’arche sainte. Tous les autres travaux et articles furent exécutés suivant ses ordres et son conseil. Mais pourquoi [le texte] désigne exclusivement [Bétsal’èl] à propos de la confection de l’Arche? Parce qu’il l’a exécutée de ses propres mains car c’est là que l’ombre du Saint béni soit-Il se concentre avec Sa Chékhina. Aussi pour cette raison il se nomme Bétsal’èl ayant réalisé l’ombre du Saint béni Soit-il se situant entre les deux Kéroubim, Chérubins, tel qu’il est dit(9) :

C’est là que Je te donnerai rendez-vous; c’est de dessus le propitiatoire, entre les deux chérubins placés sur l’Arche du Statut que Je te communiquerai tous Mes ordres pour les enfants d’Israël.” Mais n’est-il pas dit par ailleurs(10) :

Est-ce que Je ne remplis pas le ciel et la terre?” Rabbi Yéhochouâ de Deskhénine au nom de Rabbi Léwi dit : cela fait penser à la caverne au bord de la mer. Dès qu’elle est houleuse, la caverne se remplit sans que la mer ne soit diminuée. Ainsi bien qu’à propos du Saint béni Soit-Il, soit béni son souvenir, le texte(11) précise :

La gloire du Seigneur remplit le Michekane.” Sa Majesté demeure sur la terre et le ciel. Ainsi, le Saint béni soit-Il ne concentre pas seulement Sa Chékhina dans le Michekane, Il est présent encore dans l’Arche que fit Bétsal’èl, tel qu’il est dit(12) :

Voyez l’Arche d’Alliance du Maître de toute la terre…“, il s’agit du Saint béni soit-Il qui est à l’intérieur. Et qui l’a exécuté? Bétsal’èl en a été l’auteur.” Ce midrache jette un nouvel éclairage sur le rôle de Bétsal’èl dans l’exécution des travaux du Michekane. Certes il fut le principal artisan, coordonnant tous les travaux et tous les plans. Mais le texte accorde une mention spéciale à l’exécution des travaux de l’Arche à propos de laquelle Bétsal’èl est désigné comme le principal auteur. Pourquoi? Il lui a consacré une attention particulière mettant tout son coeur et sa volonté à l’exécution de cet ouvrage, c’est bien parce que Bétsal’èl savait que le rôle essentiel du Michekane était de retenir la présence divine.

Pour ce faire, la présence de l’Arche Sainte est importante. Le midrache souligne l’identité existant entre le nom de Bétsal’èl et le rôle de l’Arche Sainte où se concentre la Chékhina. C’est d’entre les deux Kéroubim qui surmontent l’Arche que D’ieu communique avec Mochè.

Néanmoins le midrache s’interroge sur la concentration Chékhina. Est-il possible d’envisager la présence de D’ieu limitée à un seul lieu alors que le monde entier renferme à peine la gloire divine puisque D’ieu est le lieu, qui contient le monde et non le contraire? En réalité, D’ieu concentre sa présence dans le Michekane sans pour autant être absent du reste du monde. Il continue de remplir de Sa présence le monde. Mais une attention particulière est accordée au Michekane et au peuple d’Israël. Cependant la leçon du midrache faisant de Bétsal’èl l’auteur exclusif de l’arche contredit un autre enseignement voulant que pour l’arche le texte emploie le pluriel(13) : “Ils feront une arche en bois de chittim…” au lieu du singulier utilisé à propos de tous les articles “Tu feras.” pour recommander, selon Zéqènim mi-Baâlè ha-Tosséfot que le peuple dans sa totalité participe à l’exécution de l’Arche Sainte, soulignant bien que la Tora appartient à tous. Mais au moment de l’exécution des travaux, Bétsal’èl a donné son âme, précise Rachi, à l’oeuvre plus que tous les autres artistes. Aussi est-elle nommée par son nom. Quel privilège de voir ainsi la Tora reconnaître le grand mérite de Bétsal’èl d’avoir mis tout son coeur à la construction de l’Arche Sainte. A lui seul, ce témoignage constitue une récompense inestimable pour Bétsal’èl et son oeuvre.

1. Michelè 3, 19-20.

2. Chémot 35, 31.

3. Chémot Rabba chap.48, paragr. 4.

4. Chémot 35, 30.

5. cf. Âvoda Zara 4b.

6. cf. Rachi sur Chémot 38, 22.

7. Tanhouma, sur la sidra paragr. 7.

8. Chémot 37, 1.

9. Chémot 25, 22.

10. Yirmiya 23, 24.

11. Chémot 40, 34.

12. Yéhochouâ 3, 11.

13. Chémot 25, 10.

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