La construction du Michekane

«Donc Bétsal’èl et Aholiab, et tous les hommes de talent à qui le Seigneur a dispensé industrie et intelligence pour concevoir et pour exécuter, exécuteront tout le travail de la sainte entreprise conformément à ce qu’a ordonné l’Ét’ernel. Mochè manda Bétsal’èl et Aholiab, ainsi que tous les hommes de talent à qui le Seigneur avait départi un génie industrieux. Quiconque se sentait digne d’entreprendre l’oeuvre, capable de l’exécuter. Ils emportèrent de devant Mochè, pour le mettre en oeuvre, toute l’offrande présentée par les Israélites pour l’exécution de la sainte oeuvre. Mais ceux-ci continuant de lui apporter, chaque matin, des dons volontaires, tous les artistes qui travaillaient aux diverses parties de la tâche sacrée, revinrent chacun du travail dont ils s’occupaient, et dirent à Mochè : «Le peuple fait surabondamment d’offrandes, au-delà de ce qu’exige l’ouvrage que l’Ét’ernel a ordonné de faire.» Sur l’ordre de Mochè, on fit circuler dans le camp cette proclamation : «Que ni homme ni femme ne préparent plus de matériaux pour la contribution des choses saintes!» Et le peuple s’abstint de faire des offrandes. Les matériaux suffirent, et par delà, pour l’exécution de tout ouvrage(1)

Waya-qhèl est la réplique fidèle de Térouma . Cependant, elle diffère parce qu’elle relate surtout l’exécution des travaux. Chaque étape, chaque phase, est décrite pour bien souligner que Bétsal’èl ainsi que tous les artisans chargés de l’ouvrage avaient exécuté fidèlement les ordonnances divines transmises par Mochè.

Le Midrache(2) abordant le texte(3) :

«Voyez, l’Ét’ernel a désigné nominativement Bétsal’èl…» affirme : c’est bien ce qui est écrit(4) :

«Certes, c’est moi qui ai créé le forgeron» il s’agit de Bétsal’èl; «lequel attise la braise ardente», il s’agit de la faute qu’Israël a commise à l’aide du feu ainsi qu’il est dit(5) :

«Je l’ai jeté au feu et ce veau en est sorti.» Bétsal’èl intervient et soigne la plaie. Ce qui fait penser à l’élève d’un médecin qui, ayant pansé et soigné une plaie, reçut les félicitations de tous. Le maître leur dit : Vos félicitations me reviennent puisque c’est moi qui l’ai formé. Ainsi tous déclaraient : Bétsal’èl a, grâce à sa sagesse et à son intelligence, fait le Michekane. Le Saint béni soit-Il dit :

«C’est Moi qui l’ai créé et formé ainsi qu’il est dit : «Certes, c’est Moi qui ai créé le forgeron», c’est pourquoi Mochè dit : «Voyez, l’Ét’ernel a désigné nominativement Bétsal’èl.»

Ce midrache est surprenant! Le Michekane est construit pour réparer la faute du Veau d’Or. Réparer signifie surtout rétablir la paix et l’unité entre D’ieu et Israël. Bétsal’èl fut le maître d’oeuvre et l’artisan de cette réparation. Mais n’est-il pas vrai, au contraire que, grâce aux prières et au sacrifice de Mochè, que D’ieu consent à pardonner aux Bénè Yisraèl? Pourquoi donc le midrache attribue-t-il tout le crédit à Bétsal’èl?

En vérité, Mochè lui-même, attire l’attention de tous sur le fait que l’initiative revient à D’ieu de désigner, Bétsal’èl! De toute évidence, cela, n’enlève pas à Bétsal’èl le mérite d’être l’artisan du rétablissement de la paix entre D’ieu et les Bénè Yisraèl. Mais ce mérite se limite au fait que D’ieu l’ait choisi entre tous. Sans l’inspiration divine qui l’anime, Bétsal’èl n’aurait pas pu ramener la Chékhina parmi Israël.

Cependant comment comprendre l’attitude de D’ieu qui, devant les félicitations adressées à Bétsal’èl, tient à préciser que tout émane de Lui? Est-ce nécessaire?

Certes le midrache souligne les qualités exceptionnelles de Bétsal’èl. La sagesse et l’intelligence que les Bénè Yisraèl relèvent dans leurs félicitations sont plutôt deux qualités qui s’apparentent au Créateur. Elles ont d’ailleurs intervenu dans l’oeuvre de la Création. La sagesse et l’intelligence n’appartiennent à Bétsal’èl que dans la mesure où D’ieu l’a créé en vue de cette mission, celle de ramener la Providence divine qui s’est détachée d’Israël après la faute du Veau d’Or.

Aussi le midrache poursuit-il :

«Voyez, J’ai désigné nominativement Bétsal’èl..» c’est bien ce qui est écrit(6) :

«Alors Je les guérirai de leur égarement, Je les aimerai avec abandon» Qu’est-il cité plus haut? Les Bénè Yisraèl ont apporté une offrande à D’ieu, aussitôt après «Voyez j’ai désigné nominativement Bétsal’èl.» Mais comme ils avaient fait le veau, le Saint béni soit-Il dit à Mochè(7) :

«Cesse donc de Me solliciter..» Par la suite, Il lui dit : qu’ils procèdent à leur réparation en faisant le Michekane. Qu’est-il dit à propos de la faute(8)?

«Détachez les pendants d’or.» Quelle a été leur offrande? Des pendants! Et ils firent des offrandes pour le Michekane ainsi qu’il est écrit(9) :

«Tous les gens dévoués de coeur apportèrent boucles, pendants, anneaux, colliers, tout ornement d’or.» Par des pendants, ils ont fauté et par des pendants, ils furent pardonnés. Aussi l’esprit saint proclamait-il par l’entreprise de Hochéâ(10) :

«Au lieu de s’entendre dire : «Vous n’êtes point mon peuple»ils seront dénommés «les fils du D’ieu vivant.»

Pour le midrache, le mode de réparation de la faute du veau d’or est identique à celui qui avait provoqué la faute. Ainsi par l’offrande de leurs bijoux, ils avaient fabriqué le veau c’est par l’offrande des mêmes bijoux que le Michekane où résiderait la Providence divine sera construit.

Par ailleurs, il nous apparaît que plusieurs interventions furent nécessaires pour obtenir la réparation de cette faute. Celle de Mochè est primordiale car sans son intercession, il était difficile d’imaginer D’ieu acceptant leur repentir. Celle d’Israël est aussi indispensable. Pour la faute, leur participation généreuse et enthousiaste avait permis d’obtenir l’or nécessaire à la fabrication du veau. Pour le repentir, leur participation et leur générosité permettent aussi de ramener la paix et l’Unité entre Israël et D’ieu. Enfin, le rôle de Bétsal’èl est capital. Étant doué d’une intelligence exceptionnelle, il peut réaliser le Michekane destiné à servir de résidence à D’ieu!

Donc Bétsal’èl et Aholiab, et tous les hommes de talent à qui le seigneur a dispensé industrie et intelligence pour concevoir et pour exécuter, exécuteront tout le travail de la sainte entreprise, conformément à ce qu’à ordonné l’Ét’ernel.

Bétsal’èl et Aholiab, et tous les hommes de talent…exécuteront tout le travail.

Or ha-Hayim s’étonne du fait que le texte trouve nécessaire de préciser que Bétsal’èl et Aholiab exécutent l’ouvrage alors que la cueillette des offrandes n’avait pas encore commencé.

En vérité, dit-il, l’intention de Bétsal’èl, Aholiab et tous les artisans fut de procéder avant tout à la préparation des outils nécessaires à l’exécution de tous les ouvrages. Ces outils sont différents et nombreux car certains servent pour le travail des métaux, d’autres pour le bois, la pierre ou la tapisserie.

Le Talmoud souligne(11), à juste raison, que 39 travaux interdits pendant Chabbat le furent à partir des différents travaux du Michekane.

À qui le Seigneur a dispensé sagesse et intelligence pour concevoir.

Le texte fait appel, une fois de plus, aux trois vertus et qualités – sagesse, intelligence et science – qui avaient présidé à la création du monde pour exécuter les travaux du Michekane. Ces artisans, animés d’inspiration divine, peuvent ainsi viser l’intention divine pour chaque ouvrage et l’exécuter avec talent.

Conformément à ce qu’a ordonné l’Ét’ernel.

Le texte ne dit pas conformément à ce qu’a ordonné l’Ét’ernel à Mochè! En effet, tous ces artisans exécutent, grâce à l’inspiration divine, tous les travaux conformément à ce qu’aurait ordonné l’Ét’ernel à Mochè(12).

Hatam Sofèr s’interroge également sur l’ordre des versets. Comment peuvent Bétsal’èl, Aholiab et tous les artisans exécuter les travaux alors que ce n’est qu’après que le texte dit : Ils emportèrent de devant Mochè?

Il est évident que tous ces artisans jouissent de l’assistance divine qui leur dispense génie et intelligence. Chacun se présente à Mochè qui pour les travaux d’orfèvrerie, qui pour des travaux de sculpture, qui pour la tapisserie.

Mais avant de les engager ils durent s’essayer sur des travaux miniature pour s’assurer de leur capacité d’exécution. Passant avec succès ces essais, ils sont désignés pour la construction du Michekane. C’est pourquoi le texte poursuit :

Mochè manda Bétsal’èl et Aholiab ainsi que tous les hommes de talent à qui, le Seigneur avait départi un génie industrieux, quiconque se sentait digne d’entreprendre l’oeuvre, capable de l’exécuter.

À qui le Seigneur avait départi un génie industrieux.

Haâmèq Davar s’arrête sur l’affirmation du texte D’ieu avait départi la sagesse de coeur, autrement dit la crainte de D’ieu, surtout lorsqu’on sait que tout est entre les mains du ciel à l’exception de la crainte de D’ieu.

En effet, cette vertu morale aide-t-elle à avoir l’esprit industrieux. Mais le texte souligne que ces artisans, parce qu’ils se sentaient dignes d’entreprendre l’oeuvre, pouvaient prétendre à la sagesse du coeur, vertu qui leur garantirait le succès pour peu qu’ils veuillent entreprendre l’oeuvre même s’ils n’avaient jamais exécuté un tel travail.

Comme pour un ouvrage profane, le succès ne saurait être assuré que si une tendance à la sincérité s’exerce à l’endroit de cet ouvrage, autrement dit si l’individu exprime pleinement sa liberté. Ainsi pour cette sainte entreprise le succès n’intervient que si l’artiste fait preuve de bonne volonté qui lui ouvrirait la voie pour entreprendre, agir avec génie, et exécuter l’ouvrage même s’il ne s’était jamais exercé à ce travail.

Ils emportèrent de devant Mochè, pour, la mettre en oeuvre, toute l’offrande présentée par les Bénè Yisraèl pour l’exécution de la sainte oeuvre. Mais ceux-ci continuant de lui apporter, chaque matin des dons volontaires.

Mais ceux-ci continuant de lui apporter, chaque matin des dons volontaires.

Rav Alchèkh remarque que les artisans emportaient non seulement l’offrande des Bénè Yisraèl, mais aussi apportaient leurs dons volontaires.

Il arrive, dit-il, que les trésoriers chargés d’encaisser les donations ainsi que les artisans désignés pour l’exécution d’une oeuvre publique se considèrent exonérés de participer à la charité collective arguant le fait de donner de leur temps, plus précieux que l’argent. Ici, au contraire, ces artisans se présentent chaque matin pour recevoir l’offrande nécessaire à l’exécution du travail quotidien tout en ayant soin d’apporter leurs propres dons volontaires.

Or ha-Hayim explique, en revanche, que les artisans apportent chaque jour les articles prêts à entrer dans la construction du Michekane comme il est dit plus haut(13) : «Toutes les femmes industrieuses filèrent elles-mêmes, et elles apportèrent, tout filés, l’azur, la pourpre, l’écarlate et le lin.»

Mais l’offrande elle-même est collectée entièrement dès le premier jour si bien que les artistes affectés à l’exécution de la tâche sacrée sont contraints de dire à Mochè :

Le peuple fait surabondamment d’offrandes, au-delà de ce qu’exige l’ouvrage que l’Ét’ernel a ordonné de faire.

Le peuple fait surabondamment d’offrandes.

Or ha-Hayim s’étonne que l’on veuille limiter les donations d’or et d’argent destinées à la construction du Michekane. Ces donations auraient pu contribuer à glorifier davantage D’ieu!

En réalité, il ne s’agit nullement de donations. Ce sont leurs offrandes de matériaux qui dépassent largement le nécessaire à l’exécution des travaux.

Haâmèq Davar souligne que les artisans ne se plaignent point de ce que le collègue ait une surabondance d’offrandes, au delà de ce qu’il avait à faire et à exécuter. Ils viennent simplement faire remarquer à Mochè que chacun détient au delà de ce qu’exige son ouvrage.

Sur l’ordre de Mochè on fit circuler dans le camp cette proclamation : «Que ni homme ni femme ne préparent plus de matériaux pour contribution des choses saintes!» Et le peuple s’abstint de faire des offrandes.

Et le peuple s’abstint de faire des offrandes.

Rav Alchèkh constate le glissement qui s’opère entre la proclamation de ne plus préparer les matériaux et l’annonce le peuple s’abstint de faire des offrandes.

Pour lui, Mochè se trouvait devant un dilemme : si la proclamation devait interdire les offrandes, ceux qui avaient prévu d’en apporter se verraient empêchés de le faire commettant ainsi une transgression. Et s’ils avaient l’intention de les offrir pour servir aux besoins en sacrifices, cette proclamation les découragerait. Aussi cette proclamation fut-elle faite de telle sorte qu’en disant de ne plus préparer des matériaux pour la contribution du Michekane, autrement dit les femmes ne filant plus la laine et les hommes ne teignant plus les peaux, les Bénè Yisraèl comprennent que les offrandes reçues sont suffisantes.

Mochè ne peut non plus proclamer que l’ouvrage du Michekane fut achevé pour ne point altérer l’intervention miraculeuse dans la construction.

Que ni homme ni femme ne préparent plus de matériaux pour contribution des choses saintes!

Rambane explique , ouvrage, par biens. Pour lui, la proclamation visait l’arrêt des offrandes.

Rabbènou Béhayè rapporte que la surabondance d’offrandes montre combien le peuple avait à coeur d’apporter sans cesse leur contribution et ce, dès le premier jour. Mais ayant offert l’essentiel, ceux qui n’avaient point encore contribué tenaient à le faire chaque matin.

Les artisans signalent, cependant, cette surabondance à Mochè, qui, n’ayant aucun attrait pour l’or et l’argent, avait proclamé de cesser toute contribution.

Ce texte souligne donc l’enthousiasme du peuple comme la fidélité et la probité des artisans.

Les matériaux suffirent, et par delà, pour l’exécution de tout l’ouvrage.

Les matériaux suffirent.

Or ha-Hayim relève la contradiction entre , suffisant et , par delà. Par ailleurs tout ce texte semble en trop puisque plus haut il dit : «Le peuple fait surabondamment d’offrandes.»

Pour lui, D’ieu, voyant le zèle et l’enthousiasme du peuple à présenter des offrandes dépassant ainsi tout ce qu’exige l’ouvrage, emploie, malgré leur surabondance, la totalité des offrandes pour l’ouvrage du Michekane et ce, afin de lui éviter une amère déception.

En outre, toute la contribution est suffisante : le miracle fut qu’il n’y avait ni en trop ni en moins. En définitive, tout dans la construction tenait du miracle. Les offrandes furent amplement suffisantes. Les artisans inspirés et assistés par D’ieu. La construction souvent réalisée par l’intervention divine.

1. Chémot 36, 1-7.

2. Chémot Rabba 48, 7.

3. Chémot 35, 30.

4. Yéchâya 54, 16.

5. Chémot 32, 24.

6. Hochéâ 14, 5.

7. Chémot 32, 10.

8. id. 32, 2.

9. ibid. 35, 22.

10. chap, 2, 1.

11. Chabbat 49b.

12. Haâmèq Davar.

13. Chémot 35, 25.

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