L’observance du Chabbat
Mochè convoqua toute la communauté des enfants d’Israël, et leur dit : Voici les choses que l’Ét’ernel a ordonné d’observer. Pendant six jours on travaillera, mais au septième vous aurez une solennité sainte, un chômage absolu en l’honneur de l’Ét’ernel quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort. Vous ne ferez point de feu dans aucune de vos demeures en ce jour de repos Chémot 35, 1, 3..
Les sidrot Térouma et Té-tsawè comportent toutes les recommandations concernant les travaux de construction du Michekane et ses objets, Wa-yaqhèl renferme surtout l’exécution de tous ces travaux.
Le midrache Avkir rapporte à propos du verset id. 35, 1. :
Mochè rassembla toute la communauté des enfants d’Israël, les maîtres de la aggada disent : Du début à la fin de la Tora, il n’y a aucune section qui commence par wa-yaqhèl, il rassembla, à l’exception de celle-ci.
C’est ce que dit le Saint béni soit-Il :
Tiens plusieurs assemblées et enseigne-leur en public les lois relatives au Chabbat. Les générations futures apprendront à tenir également des assemblées chaque Chabbat, à se réunir dans des académies pour qu’Israël étudie la Tora, et [distingue] l’interdit du permis, afin que Mon grand Nom soit glorifié par Mes enfants.
De là, disent-ils, Mochè établit qu’Israël enseigne les lois relatives à l’événement : Celles de Pèssah à Pèssah, celles de Chavouôt à Chavouôt et celles de la fête [de Soukkot] pendant la fête. Mochè dit à Israël : agissez ainsi, et le Saint béni soit-Il le considérera comme si vous L’avez fait régner dans Son monde tel qu’il est dit Yéchâya 43, 12. :
Vous êtes donc mes témoins dit l’Ét’ernel, comme je suis votre D’ieu.
David disait également Téhillim 40, 10. :
J’ai proclamé ton équité dans une nombreuse assemblée.
Mais quelle est donc cette annonce [de bonheur] qu’attendent les Bénè Yisraèl au temps de David? N’est-ce donc pas que le règne de David est à l’image de l’ère messianique? [David] prononce et enseigne des paroles de Tora qu’aucune oreille n’a de sa vie entendues.
Ce midrache enjoint aux Bénè Yisraèl de tenir des assemblées comme D’ieu le recommande à Mochè. Sur les instructions divines, il enseigne publiquement toutes les lois relatives au Chabbat. Bien entendu, ce qui est valable pour le Chabbat le serait pour les autres fêtes. Le midrache souligne combien D’ieu apprécie ce type de rassemblement où tous sont occupés à l’étude de la Tora et de la halakha, , des lois, qui élève la Chékhina. Déjà le Talmoud avait dit Bérakhot 8a. :
Depuis le jour où le Temple fut détruit, le Saint béni soit-Il ne possède dans Son monde que les quatre coudées où on étudie la halakha.
De toute évidence, l’étude de la Tora contribue à hâter l’arrivée du Messie, . Le midrache donne en preuve l’enseignement de David dont le règne rappelle justement l’ère messianique.
La Mékhilta rapporte :
Mochè rassembla toute la communauté d’Israël. Pourquoi? Parce qu’il a été dit Chémot 25, 8. :
Ils Me construiront un sanctuaire… J’aurais conclu [à la possibilité de procéder aux travaux] pendant Chabbat comme pour les six jours de semaine! À quoi s’applique alors Chémot 35, 2. :
Quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort? À tous les autres ouvrages à l’exception de la construction du Michekane [ou bien à l’ouvrage même du Michekane]? Que m’enseigne donc :
Ils Me construiront un sanctuaire, est-ce l’obligation d’exécuter les travaux pendant tous les jours à l’exception du Chabbat ou même pendant le Chabbat? Et la logique voudrait en effet : si le service [des sacrifices] ne pouvant se faire sans le concours des objets [de culte] abolit [l’interdit] du Chabbat, [la construction du Michekane] serait-elle incapable de l’abolir? Citons en exemple : l’arête de l’autel détruite ou le couteau ébréché, n’est-il point possible de les réparer Chabbat? Le texte m’apprend justement cf. Rachi: puisque l’interdit du chabbat est placé avant les travaux du Michekane. :
Mochè rassembla, pendant la semaine et non pendant Chabbat.
Il leur dit : Èllè, , Voici les paroles. Rabbi dit : Mochè leur a enseigné les trente neuf travaux [interdits] cf. Èllè a pou valeur numérique 36, dévarim (paroles) un minimum de 2, ha-dévarim, 1 en plus ce qui donne 36+2+1=39 travaux interdits Chabbat..
L’enseignement de la Mékhilta est centré sur l’interdiction d’exécuter les travaux de construction du Michekane pendant Chabbat. En effet, la logique n’aurait-elle pas incité les Bénè Yisraèl à vouloir achever les travaux du Michekane pour voir la Chékhina s’y installer rapidement? Mais ce n’est pas là la volonté divine. Le Chabbat est plus important et son respect dépasse de loin la construction du Michekane. La sainteté du temps, le chabbat, dépasse celle du lieu, le Michekane.
De plus, ce texte sert de base pour identifier les travaux interdits Chabbat. Ce sont les 39 travaux qui interviennent dans la construction du Michekane.
Mochè convoqua toute la communauté des enfants d’Israël, et leur dit : Voici les choses que l’Ét’ernel a ordonné d’observer.
Mochè convoqua toute la communauté des enfants d’Israël.
Le texte trouve nécessaire d’indiquer que Mochè convoque toute la communauté des enfants d’Israël. Pourtant il va sans dire que Mochè doit convoquer tout Israël s’il veut lui transmettre les paroles divines.
Or ha-Hayim relie ce verset au texte de la fin de la sidra Ki Tissa. Il est dit notamment Chémot 34, 30. : Aharone et tous les enfants d’Israël regardèrent Mochè, et voyant rayonner la peau de son visage, ils n’osèrent s’approcher.
Aussi Mochè, remarquant leur appréhension, les rassemble. Il les rapproche de lui, car les Bénè Yisraèl, inhibés par la peur qu’inspire le rayonnement de son visage, se tiennent à l’écart.
Toute la communauté des Bénè Yisraèl.
Pour Rambane, les hommes et les femmes furent rassemblés, étant tous appelés à participer, par leur offrande, à la construction du Michekane.
Mais le Zohar Chémot 192 b. précise :
Après les avoir rassemblés, Mochè sépare les hommes des femmes pour que Satane, se trouvant là, ne puisse leur causer un dommage moral.
Il est évident que, pour le rassemblement de l’assemblée des enfants d’Israël, les hommes soient séparés des femmes. Pour Or ha-Hayim, l’emploi de Bénè Yisraèl dans le texte le justifie amplement car il aurait pu se contenter de dire Mochè avait convoqué toute la communauté d’Israël et non la communauté des enfants d’Israël. C’est dire que l’introduction de Bénè signale le souci d’interdire la mixité pour le rassemblement d’Israël.
Rav Alchèkh, dans Torat Mochè, affirme que ce rassemblement vise essentiellement la réparation de la faute du veau d’or. Pour le midrache Chémot Rabba paragr. 49., la construction du Michekane constitue en soi la réparation de cette faute. Toutefois la réparation doit correspondre en tous points à la faute. Pour la faute il a été dit Chémot 32, 1. :
Le peuple, voyant que Mochè tardait à descendre de la montagne, s’attroupa autour de Aharone et lui dit : Allons! fais-nous un dieu qui marche à notre tête…
Pour la réparation, Mochè convoque un autre rassemblement. Wa-yaqhèl, il rassemblarapporté à propos de la réparation correspond au Wayi-qahèl, . il s’attroupa cité à propos de la faute.
En outre ce rassemblement, Mochè le voulut sans la présence du êrèv rav, qui avait incité le peuple à la faute. C’est pourquoi le texte précise toute la communauté des enfants d’Israël excluant le êrèv rav. Enfin cette réparation nécessite également l’observance du Chabbat.
Voici les choses que l’Ét’ernel a ordonné d’observer.
L’intention est de montrer que la sainteté du Chabbat, se rattachant par essence au Chabbat, nécessite une observance rigoureuse à telle enseigne qu’il est absolument interdit de transgresser le Chabbat fût-il même pour hâter la construction du Michekane.
Toutefois qu’il nous soit permis d’avancer l’explication suivante : Le Michekane et sa construction sont destinés à réparer la faute du veau d’or. La faute consiste essentiellement dans le fait qu’Israël ait adoré une divinité autre que D’ieu. Or le Talmoud rapporte Chabbat 118b. :
Rabbi Yohanane dit : quiconque observe le Chabbat tel qu’il se doit, quand bien même aurait-il adoré les idoles comme [à l’époque] d’Ènoche cf. au temps d’Ènoche avait commencé l’idolâtrie, mérite le pardon [divin].
Aussi, pour cette raison, les recommandations relatives au respect et à l’observance du Chabbat sont-elles édictées juste au moment où il s’agira de réparer la faute du veau d’or. C’est également la raison qui fait que le respect du Chabbat Voir Or ha-Hayim. dépasse en importance la construction du Michekane.
Kéli Yaqar, partant du commentaire de Rachi précisant que ce rassemblement eut lieu le lendemain du jour de Kippour, souligne que Mochè, dans le but de faire contribuer Israël à la construction du Michekane par des offrandes provenant des biens personnels de chacun conformément au texte Chémot 35, 5. : Prélevez sur vos biens une offrande…, se mit en devoir de juger afin d’en déterminer, en cas de contestation, le propriétaire véritable des biens. Ainsi la paix, basée sur l’équité, sera établie. Deux conditions favorisent cette paix sociale : le pardon apporté par le jour de Kippour et l’action de la justice. Pour maintenir cette paix, nécessaire pour capter la présence de la Chékhina, Mochè tient à les rassembler, créant ainsi les bases de l’unité d’Israël.
Aussi passe-t-il aux recommandations du Chabbat où le seul interdit cité est de ne point faire de feu qui, selon l’auteur de la Âqèda, Rabbi Yitshaq Ârama, consiste à maintenir la paix et l’unité le jour du Chabbat, jour où chômant de tout travail, l’homme pourrait être porté à des querelles et à des disputes. Ne pas allumer de feu, pris au sens figuré, signifie ne point alimenter le feu de la dispute.
La-âssote.
Baâl ha-Tourim y trouve une preuve supplémentaire aux 39 travaux interdits Chabbat. Le lamèd, , a pour valeur numérique 30 et âssote, se lirait par permutation de lettres tèchâ, neuf. Cela donne un total de 39.
De plus, dira-t-il, de waya-qhèl , jusqu’à ha-Chabbat dernier mot du troisième verset., ce terme non-inclus, on compte trente neuf mots, allusion faite aux 39 travaux interdits pendant Chabbat.
Pendant six jours on travaillera, mais au septième vous aurez une solennité sainte, un chômage absolu en l’honneur de l’Ét’ernel quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort.
Pendant six jours le travail sera fait.
De l’emploi du passif sera fait un travail, Or ha-Hayim déduit l’interdiction de dire à un gentil, de faire l’ouvrage du Juif. Ainsi pendant les six jours le travail pourrait être réalisé par un Juif ou par un gentil. Mais le Chabbat, l’ouvrage ne se fera point, autrement dit même par un gentil.
De là, nos maîtres déduisent qu’il est interdit de dire, pendant Chabbat, à un goy, de faire un travail. Donc la parole relative à un travail est interdite. En effet, D’ieu Lui-même n’avait créé le monde que par la parole. Et s’il s’est reposé, ce repos ne consiste, en fait, qu’en s’abstenant de parler. C’est pourquoi des paroles du hol, jour de semaine, sont interdites pendant le Chabbat.
Chaâr bat Rabbim affirme :
Quiconque observe le Chabbat et utilise ce repos pour l’étude de la Tora, D’ieu lui permet de réaliser de bonnes affaires pendant la semaine.
Il cite comme preuve le verset lui-même : Pendant six jours se fera tout travail, de lui-même, sans trop de peine et de fatigue et ce, grâce à l’aide de D’ieu, grâce au mérite du respect du Chabbat.
Mais au septième vous aurez une solennité sainte, un chômage absolu en l’honneur de l’Ét’ernel.
Le septième jour sera un jour saint, un chômage absolu, dédié au repos pour le corps, en ne faisant aucun travail, et au repos de l’âme, en cessant de penser aux travaux.
Quiconque travaillera en ce jour sera puni de mort.
Bien que le châtiment ne frappe que l’individu qui enfreint à l’interdiction de travailler pendant le Chabbat, D’ieu impose également le repos au niveau de la pensée. Le repos n’est parfait que si l’homme s’abstient de penser à son ouvrage.
Vous ne ferez point de feu dans aucune de vos demeures en ce jour de repos.
Vous ne ferez point de feu dans aucune de vos demeures.
Rabbènou Béhayè s’interroge sur le fait que de tous les travaux interdits, la Tora ne mentionne que l’interdiction de faire le feu.
Il dit, en substance, que la grande majorité des travaux interdits dépendent du feu. À la base de plusieurs interdits il y a le feu que l’on considère comme un travail facile et anodin. Mais en réalité il met en mouvement toute puissance et toute dynamique. Ainsi retrouvons-nous le principe même de l’interdiction des travaux pendant Chabbat : c’est l’intention du travail et son idée que la Tora interdit même si le travail en soi n’est ni difficile, ni fatigant. Ce n’est point l’effort physique qui compte. L’interdit existe dès lors que l’intention se réalise, et l’objectif atteint.
En outre le Talmoud dit Chabbat 119b. :
L’incendie ne se déclare que là où il y a profanation du Chabbat comme il est dit Yirmiya 17, 27. : Mais si vous ne m’obéissez pas en sanctifiant le jour du Chabbat et en vous abstenant de transporter des fardeaux et de franchir les portes de Yérouchalayim le jour du Chabbat, je mettrai le feu à vos portes, il dévorera les palais de Jérusalem et ne s’éteindra pas.
Et le Maharcha de commenter, vous ne ferez point de feu, autrement dit il n’y aurait pas d’incendie, si vous observez le jour du Chabbat.
Rav Hida Rav Hida, Rabbi Hayim Yossèf David Azoulay, auteur de nombreux ouvrages, commentaire sur la Tora, sur le Talmoud et des Responsa. rapporte un enseignement semblable dans Homat Annakh au nom de Rabbènou Èfrayim.
Le Talmoud Sanhèdrine 65b. rapporte :
Tornosrufus avait demandé à Rabbi Âqiba : Pourquoi Chabbat est-il différent des autres jours?
Rabbi Âqiba le questionna en retour : pourquoi un homme comme toi devra-t-il être prince et important plus que d’autres?
Tornosrufus répondit : L’empereur César a bien voulu m’élever [à cette dignité]. Rabbi Âqiba reprit : Le Saint béni soit-Il choisit le Chabbat et demande de le respecter.
Le Chabbat tire sa sainteté du Créateur Lui-même. Le respecter revient à respecter le Créateur. Aussi le Zohar affirme-t-il que Chabbat est le Nom de D’ieu Lui-même.