Bilan du Michekane
Telle est la distribution du tabernacle, résidence du statut, comme elle fut établie par l’ordre de Mochè; tâche confiée au Léwiim, sous la direction d’Itamar, fils de Aharone le pontife. Bétsal’èl, fils de Ouri, fils de Hour, de la tribu de Yéhouda, exécuta tout ce que l’Ét’ernel avait ordonné à Mochè, secondé par Aholiab, fils d’Ahisamakh, de la tribu de Dan, artisan et artiste, brodeur en étoffes d’azur, de pourpre, d’écarlate et de lin fin Chémot 38, 21, 23..
Après avoir construit le Michekane, Mochè est conduit à l’ériger. Mais auparavant il donne le bilan de tout ce qui a été collecté pour les travaux du Michekane et le compte rendu de tout ce qui a été investi dans cette construction.
Le Midrache Tanhouma dira à ce propos Chémot 38, 21. :
Telle est la distribution du Michekane… c’est bien ce que dit le texte Michelè 28, 20. :
L’homme loyal est comblé de bénédictions… Tu trouves que le loyal entraîne des bénédictions alors que celui qui ne l’est point et a hâte de s’enrichir n’échappe pas au malheur.
Autre explication.
L’homme loyal, il s’agit de Mochè qui, parce qu’il est loyal et fidèle, toute chose qui lui fut confiée a été bénie.
Celui qui a hâte de s’enrichir, c’est Qorah qui, étant Léwi, avait prétendu à la grande prêtrise.
Autre explication.
L’homme loyal est comblé de bénédictions, il s’agit de Mochè qui, bien qu’étant seul trésorier cf. responsable vis-à-vis de lui-même., appelle les autres pour leur rendre compte ainsi qu’il est dit :
Sous la direction d’Itamar…
Ce midrache souligne l’honnêteté et la loyauté de Mochè qui, bien que ne relevant que de sa seule autorité tient, les travaux achevés, à rendre compte à tous les Bénè Yisraèl.
Les bénédictions dont il fut comblé consistent, pour Rabbi Yohanane, à réussir la collecte de toutes les offrandes entrant dans l’entreprise du Michekane en deux matinées. Il a fallu justement que Mochè fît proclamer dans le camp de ne plus apporter de dons parce que la collecte, abondante, dépassait largement les prévisions.
Le midrache, s’interrogeant sur le double emploi du terme Michekane, poursuit :
Pourquoi Michekane est-il mentionné deux fois? Rabbi Chimône dit parce qu’il a été deux fois garant [de la bonne conduite des Bénè Yisraèl].
L’enseignement de Rabbi Chimône nous rappelle que le temple, Bèt ha-Miqdache, fut détruit deux fois en raison de la mauvaise conduite morale des Bénè Yisraèl.
En revanche, Rabbi Yichemaêl affirme :
[Le Michekane] constitue une preuve pour tous qu’il n’existe de pardon que pour Israël comme il est dit Michekane, Michekane du témoignage. Autrement dit, un témoignage face à tous les peuples que le Saint béni soit-Il agrée Israël. Cela fait penser à ce roi qui, ayant épousé une femme qu’il aime particulièrement, s’était emporté contre elle. Délaissée, ses voisines lui disent : il ne te reviendra pas. Quelque temps après, le roi lui pardonne et, pénétrant dans sa demeure, mange et boit. Ses voisines ne peuvent croire que le roi se soit réconcilié avec sa femme. Mais comme elle exhale le parfum des aromates, toutes comprennent alors que le roi s’est réconcilié avec elle. Ainsi le Saint béni soit-Il aime Israël, Il le conduit au Mont Sinaï, lui donne la Tora et l’institue roi [des nations]. Au bout de 40 jours, il fabrique le veau. A ce moment les peuples se sont dit : le Saint béni soit-Il ne se réconcilierait jamais avec lui. Mais sur la prière de Mochè, le Saint béni soit-Il pardonne. Se rangeant aux paroles de Mochè, [Il dit] : En outre, Je ferai résider Ma Chékhina parmi eux et tous sauront que je leur ai pardonné ainsi qu’il est dit Chémot 25, 8. :
Ils me construiront un Sanctuaire...
Cet enseignement confirme que le Michekane est un gage d’amour, que D’ieu éprouve pour les Bénè Yisraèl. S’il y eut faute et une éclipse de la Chékhina, ce ne sera pas pour longtemps. La faute du veau d’or fit perdre, il est vrai, à Israël toute sa dignité. Les peuples païens ont sans doute raison de dire qu’Israël ne saurait prétendre à sa qualité de peuple élu et choisi. Mais grâce à Mochè, l’affection divine revient à Israël. L’érection du Michekane, à elle seule, prouve à tous qu’une réconciliation est intervenue entre Israël et D’ieu. Le Michekaneconstitue le témoignage de cette réconciliation.
Telle est la distribution du tabernacle, résidence du statut, comme elle fut établie par l’ordre de Mochè; tâche confiée au Léwiim, sous la direction d’Itamar, fils de Aharone le pontife.
Voici les comptes du Michekane...
Or ha-Hayim s’interroge sur l’emploi de Èllè, voici, qui, le savons-nous, annule tout ce qui précède.
Tous les bilans, dit-il, tous les comptes qu’un homme peut faire de ses biens ou de ses propriétés ne sont rien face à ce que l’homme donne pour des oeuvres charitables. Tout ce que l’homme investit dans la tsédaqa, bonnes oeuvres, a une existence éternelle tandis que les biens matériels sont destinés à disparaître.
S’agissant du Michekane où résidera la présence divine ce bilan a toute son importance. Aussi Èllè annule tout autre compte ne consistant pas en donation destinée à D’ieu.
Mais il y a lieu aussi de s’étonner de voir Mochè faire un compte qui, selon le Talmoud Baba Métsiâ 42a., ne manquerait pas d’entraîner une absence de bénédiction car dit-il :
La bénédiction Ici c’est l’abondance. ne réside ni dans ce qui est compté ni dans ce qui est désigné. Elle réside seulement dans tout ce qui échappe à la vue.
Pour Or ha-Hayim, le compte, dans ce cas, ne saurait que susciter abondance et bénédiction car le compte révèle bien les mérites des Bénè Yisraèl.
L’emploi de Èllè se justifierait également pour Or ha-Hayim par le fait que la réparation de la faute du veau d’or nécessite l’adhésion et la réalisation de toutes les mitswot de la Tora. En effet le Talmoud affirme Houline 5a. que la âvoda zara, l’idolâtrie, est d’une gravité telle que : Quiconque renie l’idolâtrie adhère à toute la Tora.
Èllè péqoudè,
Péqoudè signifie mitswot car Onqélos traduit mitswot par péqoudaya cf. Wayi-qra 27, 34. La réparation du veau d’or est d’accepter et réaliser les mitswot.
Peut-être les termes péqoudè ha-Michekane, dont la valeur numérique est de 615, constituent-ils la preuve que le Michekane est la réparation du veau d’or. En effet, ce nombre équivaut aux 613 mitswot augmenté de 2 représentant les tables de la Tora.
De plus, l’emploi de Èllè justifie l’enseignement du midrache Wayi-qra Rabba 21, 5. :
S’il t’est arrivé de commettre des âvèrot, transgressions, en nombre, réalise en contrepartie des mitswot, prescriptions religieuses, en nombre.
L’homme se doit de réparer la faute de la même manière qu’il s’est pris pour la commettre. Ainsi pour la faute du veau d’or le texte dit Chémot 32, 4. : Èllè, Voilà tes dieux, Ô Israël!, pour la réparation et l’expiation, le texte emploie à nouveau Èllè.
Aussi le Michekane est-il un témoignage de l’expiation de la faute. Israël avait, en effet, désiré de nombreuses divinités pour le diriger, le Michekane est érigé pour recevoir la présence de D’ieu Un.
Les Bénè Yisraèl ont sacrifié à ce dieu, le veau d’or. Désormais, ils ont la possibilité d’offrir des sacrifices à D’ieu.
Ils ont offert leur or, leurs bijoux pour la confection de ce dieu. Leurs offrandes serviront à la construction du Michekane.
Ce compte établi par l’ordre de Mochè.
Mochè reçut toutes les offrandes cf. Chémot 36, 3.. Il demande qu’un bilan soit établi, car les Bénè Yisraèlpeuvent douter de son intégrité et, lui-même, n’a pas pris de précautions pour éviter de tels doutes. La Tora lui donne raison. En effet, qui peut témoigner que le bilan donné est exact? C’est le Michekane! C’est pourquoi il est dit : Voici le compte du Michekane, Michekane du témoignage.
Pour Or ha-Hayim, le Michekane lui-même atteste l’intégrité et l’honnêteté de Mochè. Ainsi une fois achevé, nul ne put l’ériger. Seul Mochè, aidé par la Chékhina, réalise son érection. Toutefois, imaginons, un seul instant, Mochè coupable et son intégrité quelque peu entachée, D’ieu ne consentirait jamais à faire un miracle par son intermédiaire.
Peut-être y a-t-il lieu de contester un tel miracle en affirmant que Mochè était fort et sa puissance avait concouru à son érection? C’est pourquoi le texte précise :
Tâche confiée aux Léwiim sous la direction d’Itamar..
Mochè réalise, à lui seul, ce que les Léwiim devaient faire, plus tard, durant tous les déplacements dans le désert. Ils sont appelés à démonter et remonter le Michekane cf. Bémidbar 1, 51..
Sans doute l’intention est-elle d’attribuer cet acte non pas à un miracle mais à la sagesse de Mochè qui l’assiste dans son érection! C’est pourquoi le texte souligne :
Bétsal’èl… exécuta tout ce que l’Ét’ernel avait ordonné à Mochè.
Bétsal’èl est sage puisque l’exécution des travaux se fait selon ce que l’Ét’ernel avait ordonné à Mochè et non selon ce que Mochè avait ordonné à Bétsal’èl.
De là nos Maîtres déduisent que même les détails ou des ordres que Mochè ne lui avait pas transmis, Bétsal’èl, de sa propre initiative les avait exécutés.
Tâche confiée aux Léwiim.
Cette précision enlève toute possibilité aux aînés, békhorot, de reprendre le service du Michekane malgré la réparation de la faute du veau d’or dont le châtiment fut de les disqualifier pour ce service cf. Zébahim 115b.. Leur remplacement par les Léwiim est définitif.
Rabbènou Béhayè dit que la valeur numérique 420 de ha-Michekane, augmentée du nombre 5 correspondant aux 5 lettres qui le composent, représente la durée du 2ème temple.
Michekane, a par contre pour valeur numérique 410 représentant 410 ans d’existence du 1er temple.
Ha-êdout, sans le waw ayant pour valeur numérique 479, représente le nombre d’années où le Michekane a servi jusqu’à la mise en service du premier Bèt ha-Miqdache.
Mais Hatam Sofèr s’interroge sur la nécessité d’ajouter le nombre 5 à ha-Michekane pour obtenir 420. Il y trouve cependant allusion aux cinq objets qui manquèrent au Bèt ha-Miqdache cf. Yoma 52b.. Peut-être, pour cette raison, le texte dit-il : Voici le compte du Michekane, michekane du témoignage pour souligner la durée des deux Temples et du Michekane.
Bétsal’èl, fils d’Ouri, fils de Hour, de la tribu de Yéhouda exécuta tout ce que l’Ét’ernel avait ordonné à Mochè.
Bétsal’èl fils d’Ouri, fils de our de la tribu de Yéhouda.
Bétsal’èl fut le responsable et le maître d’oeuvre de toute la construction. La Tora précise qu’il est le petit fils de our, lui-même fils de Myriam, de la tribu de Yéhouda. Tous ces titres de noblesse ne l’ont pas empêché de s’associer Aholiav qui appartient à la tribu de Dane, tribu la plus modeste qui ne jouit pas d’autant de gloire et de prestige. Mais pour la construction du Michekane les deux artisans furent considérés égaux ainsi qu’il est dit Iyob 34, 19. : Eh bien! Lui ne prend pas parti pour les grands, et ne favorise pas le riche contre le pauvre cf. Tanhouma 13..
Le Midrache Tanhouma Sidra Wayè-ra 1. rapporte :
Chaque jour l’homme récite dans sa prière dix-huit bénédictions. Pourquoi dix-huit?
Rabbi Chémouèl bar Nahmane dit : Elles correspondent aux dix-huit mentions des ancêtres dans la Tora.
Pour Rabbi Yohanane, elles sont en rapport avec les dix-huit prescriptions citées à propos de la construction du Michekane. Ce sont les dix-huit, comme l’Ét’ernel a ordonné à Mochè.
Rabbi Simone dit : elles correspondent aux dix-huit vertèbres de la colonne vertébrale car lorsque l’homme prie, il doit s’incliner jusqu’au craquement des vertèbres de sa colonne tel qu’il est dit Téhillim 35, 10. :
Tous mes os diront : Seigneur qui est comme Toi?
Ailleurs Wayi-qra Rabba section 1, 8., il est précisé que les dix-huit bénédictions ont été instituées en rapport avec les dix-huit fois où le Nom de D’ieu apparaît dans le chémâ Texte de grande importance puisqu’il renferme la profession de foi de tout Juif. Il se compose de trois parties tirées de la Tora : Dévarim 6, 49; Dévarim 11, 1321; Bémidbar 15, 3741..
Ainsi Péqoudè, parce qu’elle renferme dix huit-fois la mention la téfilla, la prière, comporte dix-huit bénédictions. C’est déjà affirmer que les prières ont été instituées en remplacement des sacrifices. Ainsi la sagesse divine avait-elle prévu le remède avant le mal, autrement dit la prière, qui remplace plus tard les sacrifices, après la destruction du temple.
Allusion est faite à la destruction du temple et par suite à la nécessité de pallier aux sacrifices par le terme dont la signification est manque et absence.
Il est donc bien évident que la prière est une institution qui prend son origine dans le rôle du Bèt ha-Miqdache dont la mission essentielle consiste à préserver l’unité du peuple d’Israël. La prière eut sans conteste ce privilège de garder intacte l’unité de âm Yisraèl.