Le Michekane réplique de la création
«Ainsi fut terminé tout le travail du tabernacle de la Tente d’Assignation; les Bénè Yisraèl l’avaient exécuté en agissant, de tout point, selon ce que l’Ét’ernel avait enjoint à Mochè. Alors on apporta à Mochè le tabernacle et le pavillon avec toutes leurs pièces : agrafes, solives, traverses, piliers et socles(1).»
Après que Bétsal’èl eut achevé de construire le Michekane, Mochè dut rendre compte à Israël de l’emploi et de l’attribution exacte des offrandes.
Cependant le Midrache compare l’oeuvre du Michekane à celle de la création.
Il s’exprime ainsi(2).
«Telle est la distribution du Tabernacle», c’est ce qu’exprime le texte(3) :
«Seigneur j’aime le séjour de ta maison», il s’agit du Sanctuaire qui est le lieu de résidence de Sa gloire.
Rabbi Chimône Ben Yohaï dit : cela signifie que le Sanctuaire terrestre correspond au Sanctuaire céleste. Il est dit(4) :
«La résidence que Tu T’es réservée, Seigneur! Sanctuaire, Ô Mon D’ieu! préparé par Tes mains.»
Rabbi Yaâqov fils de Rabbi Assi dit : Pourquoi le texte proclame :
Seigneur, j’aime le séjour de Ta maison, et le lieu où réside Ta gloire? Parce que le [Sanctuaire] rappelle la création du monde. Comment? Le premier jour il est écrit(5) :
«Au commencement D’ieu créa le ciel et la terre» et il est écrit(6) :
«Tu déploies les cieux comme une tenture». À propos du Sanctuaire, le texte dit(7) :
«Puis tu feras des tapis en poil de chèvre, servant de pavillon au tabernacle». Le deuxième jour(8) :
«Qu’un espace s’étende au milieu des eaux et qu’il opère une séparation entre les unes et les autres.». À propos du Michekane(9) :
«Et le voile séparera ainsi pour vous le sanctuaire d’avec le Saint des Saint.» Le troisième jour(10) :
«Que les eaux répandues sous le ciel se réunissent sur un même point». À propos du Michekane(11) :
«Tu feras une cuve de cuivre avec son support en cuivre, pour les ablutions; tu la placeras entre la Tente d’Assignation et l’autel, et tu y mettras de l’eau». Le quatrième jour les luminaires furent créés ainsi qu’il est dit(12) :
«Que des corps lumineux apparaissent dans l’espace des cieux». À propos du Michekane(13) :
«Tu feras aussi un candélabre d’or pur.» Le cinquième jour, les oiseaux furent créés ainsi qu’il est dit(14) :
«Que les eaux fourmillent d’une multitude animée, vivante; et que des oiseaux volent au-dessus de la terre». Dans le Michekane, les sacrifices seront des agneaux et des volailles. Selon une autre version : à propos du Michekane il est écrit(15) :
«Ces, chérubins, auront les ailes étendus, en avant et dominant le propitiatoire.» Le sixième jour l’homme fut créé comme il est dit(16) :
«D’ieu créa l’homme à son image», à la gloire de son Créateur. À propos du Michekane, est mentionné l’homme, le Kohène Gadol, le Grand-Prêtre, oint pour servir et se présenter devant l’Ét’ernel. Le septième jour il est dit(17) :
«Ainsi furent terminés les cieux et la terre». À propos du Michekane(18) :
«Ainsi fut terminé tout le travail du tabernacle de la Tente d’Assignation». A propos de la création du monde(19) :
«D’ieu bénit le septième jour». À propos du Michekane, il est aussi écrit(20) :
«Mochè les bénit». Pour la création(21) :
«D’ieu mit fin, le septième jour, à l’oeuvre qu’il avait faite». Et à propos du Michekane(22) :
«Or, le jour où Mochè eut achevé de dresser le Michekane». Pour la création(23) :
«Il le proclama saint». Pour le Michekane(24) :
«De l’oindre et de le consacrer avec toutes ses pièces»
Pour quelle raison le Michekane équivaut aux cieux et à la terre? Certes, de même que les cieux et la terre sont cités à témoins contre Israël, ainsi qu’il est écrit(25) :
«J’en atteste sur vous, en ce jour, le ciel et la terre», le Michekane est aussi un témoignage pour Israël tel qu’il est dit(26) :
«Telle est la distribution du Michekane, Michekane du témoignage» C’est pourquoi il est dit : «Seigneur j’aime le séjour de Ta maison, et le lieu où réside Ta gloire.»
De toute évidence, le midrache tente d’établir un parallèle entre la Création et la construction du Michekane. L’objectif de la création consiste, avant tout, à maintenir la présence de la Chékhina dans le monde. Et le monde ne tire, en fait, son existence que de cette présence.
L’homme, étant partie prenante, contribue au maintien de la présence divine et, par conséquent, participe au maintien du monde, par l’étude et la mise en pratique des mitswot de la Tora. D’ieu assigne cette mission à âm Yisraèl.
Mais la faute du veau d’or, mettant fin aux relations harmonieuses entre D’ieu et Israël, provoque l’exil de la Chékhina. Il fallait donc procéder à la réparation. La construction du Michekane et son érection ramènent finalement la présence divine parmi Israël, réactualisant ainsi le but de la Création.
Ainsi fut terminé tout le travail du tabernacle de la Tente d’Assignation; les Bénè Yisraèl l’avaient exécuté en agissant, de tout point, selon ce que l’Ét’ernel avait enjoint à Mochè.
Ainsi fut terminé tout le travail du tabernacle de la Tente d’Assignation.
Or ha-Hayim souligne que les artisans n’achèvent pas l’ouvrage. Bien que disposés à exécuter tout ouvrage qu’aurait recommandé D’ieu, ils n’eurent nullement besoin d’intervenir. L’ouvrage fut, de lui-même, achevé.
En outre, la forme passive employée pour le verbe, fut terminée, atteste que certains articles du Michekane, telle la ménora, le chandelier, furent réalisés de manière miraculeuse. Ils se sont faits d’eux-mêmes.
Par ailleurs, , fut achevé, dérive du verbe, aspirer, désirer, pour signaler que l’ouvrage fut de toute beauté parce que fait avec amour. Les artisans y avaient investi toutes leurs aspirations.
Les Bénè Yisraèl l’avaient exécuté en agissant, de tout point, selon ce que l’Ét’ernel avait enjoint à Mochè.
Les artisans n’ont-ils point exécuté, eux et non les Bénè Yisraèl, tous les travaux sous la conduite de Bétsal’èl?
Mais les artisans furent mandatés par les Bénè Yisraèl. Le mérite revient donc à tout Israël.
Pour Sforno, le texte souligne la perfection de l’oeuvre puisque tout le monde avait participé à la construction du Michekane, qui par les donations et qui par l’exécution des travaux.
Ainsi firent-ils.
Cette répétition précise bien que les artisans n’ont ni retranché ni ajouté sur ce que D’ieu avait recommandé à Mochè(27).
Pour Liqoutè Mégadim, la perfection de l’ouvrage tient au fait que Mochè est là pour transmettre les recommandations divines car, sans lui, les Bénè Yisraèl ne parviendraient pas à exécuter la volonté divine.
Alors on apporta à Mochè le tabernacle et le pavillon avec toutes leurs pièces : agrafes, solives, traverses, piliers et socles.
Alors on apporta à Mochè le tabernacle.
Rachi, citant le Midrache Tanhouma, rapporte qu’ayant achevé le Michekane, les artisans ne purent l’ériger. Mochè, n’ayant cependant pas participé à l’exécution des travaux, eut le mérite de voir D’ieu lui réserver l’érection. Aucun homme ne put, en effet, le lever à cause du poids excessif des planches. Mochè arrive, en revanche, à l’ériger.
«Mochè dit au Saint béni soit-Il : comment est-il possible à un être humain de le monter? Il lui répond : agis personnellement, fais comme si tu voulais l’ériger et il s’érigera de lui même. C’est ainsi qu’il est dit(28) :
«fut érigé le Michekane», [autrement dit] de lui-même.»
Ainsi donc tout concourt à montrer que le Michekane, lieu de résidence divine, était destiné à constituer la réplique de l’oeuvre de la création. C’est à ce titre que l’intervention du miracle fut nécessaire. Il n’est l’oeuvre des hommes que dans la mesure où leur volonté visait le retour de la Providence divine parmi eux. Le reste appartient à D’ieu. C’est à Lui de définir le cadre capable de recevoir Sa présence.
1. Chémot 39, 3233.
2. Tanhouma, Péqoudè paragr. 2.
3. Téhillim 26, 8.
4. Chémot 15, 17.
5. Bérèchit 1, 1.
6. Téhillim 104, 2.
7. Chémot 26, 7.
8. Bérèchit 1, 6.
9. Chémot 26, 33.
10. Bérèchit 1, 9.
11. Chémot 30, 17.
12. Bérèchit 1, 14.
13. Chémot 25, 31.
14. Bérèchit 1, 20.
15. Chémot 25, 20.
16. Bérèchit 1, 27.
17. Bérèchit 2, 1.
18. Chémot 39, 32.
19. Bérèchit 2, 3.
20. Chémot 39, 43.
21. Bérèchit 2, 2.
22. Bémidbar 7, 1.
23. Bérèchit 2, 3.
24. Bémidbar 7, 1.
25. Dévarim 30, 19.
26. Chémot 38, 21.
27. cf. Sforno sur le texte.
28. Chémot 40, 17.