La résidence divine
Bétsal’èl et Aholiab dirigent avec compétence les travaux de construction du Michekane. Tous les artisans, animés par l’inspiration divine, achèvent les travaux en trois mois. Pendant trois autres mois, Israël attend l’érection avec impatience. Mais les moqueurs et les critiques lancent avec sarcasme leur doute de voir un jour le Michekane érigé et la présence divine de retour parmi Israël.
Lorsque le Michekane fut achevé, on amena toutes les pièces auprès de Mochè. La participation de Mochè fut de le monter. Ce ne fut point facile et simple. Mochè se demande à juste raison comment il allait pouvoir s’y prendre. D’ieu l’assure de Son assistance.
Ainsi s’exprime Rachi citant le Midrache(1) :
“Ils apportèrent le Michekane auprès de Mochè, parce qu’ils n’étaient pas capables de le monter. Et comme Mochè n’avait fait aucun travail dans le Michekane, le Saint béni soit-Il lui a réservé le privilège de le monter. Nul ne pouvait le monter en raison du grand poids des planches que personne n’avait la force de redresser. Et c’est Mochè qui l’a monté. Mochè dit, devant le Saint béni soit-Il : “Comment le montage de la tente pourrait-il se faire par la main de l’homme?”. Il lui répond : “Mets-toi à l’oeuvre toi-même, de ta propre main, et il semblera que c’est toi-même qui l’as monté”. En réalité, il s’est dressé et monté de lui-même tel qu’il est dit(2) :
“Le Michekane houqam, a été dressé” Il s’est dressé de lui-même(3)!” L’érection du Michekane tient en fait du miracle. Mais cela n’empêche pas les moqueurs et les persifleurs de mettre en doute l’intention de D’ieu de résider dans le Michekane, oeuvre de Mochè. Le Midrache(4) dit à ce propos :
“Qu’elles deviennent muettes, les lèvres menteuses qui parlent avec insolence contre le juste, par excès d’orgueil et de mépris(5)…” s’applique à propos de Mochè. Au moment où le Saint béni soit-Il lui demande de construire le Michekane, Mochè dit à Israël : “Qu’ils me prennent une offrande“. Pendant que Mochè était occupé à la construction du Michekane, les moqueurs parmi Israël disaient : “Est-il possible que la Chékhina, présence divine, réside [parmi Israël] grâce à Ben Âmram?
Rabbi Yohanane dit : “Six mois avait duré l’ouvrage du Michekane, trois pour le construire et trois pour le plier. Malgré cela, les moqueurs ne cessent de le critiquer : Voici le Michekane construit. Mochè n’avait-il pas dit que la Chékhina divine allait résider parmi nous! Toutefois, le Saint béni soit-Il projette de n’ériger le Michekane que pendant le mois où Yitshaq, notre père, naquit. Parvenu à ce mois, le Saint béni soit-Il dit à Mochè(6) :
“À l’époque du premier mois, le premier jour du mois tu érigeras le Michekane“. À ce moment, l’Esprit Saint dit : “Qu’elles deviennent muettes, les lèvres menteuses” qui se moquent de Mochè. Comme D’ieu dit à Mochè d’ériger le Michekane, ils commencèrent à apporter chacun son ouvrage tel qu’il est dit(7) :
“Alors on apporta à Mochè le Michekane…“. Midrache étonnant par son réalisme aigu. Mochè fait tout pour amener D’ieu à renoncer à Son projet d’exterminer Israël après la faute du veau d’or. Il est prêt à sacrifier sa propre vie pour Israël. Obtenant le pardon divin, il passe à la construction du Michekane qui accueillera la présence divine. C’est déjà en soi la preuve que D’ieu renonce à Sa décision. Pourtant il se trouve parmi Israël des moqueurs, des individus toujours prêts à jeter le doute dans l’esprit et à diviser le peuple. Tout se passe comme si l’échec de Mochè, était plus important que le bénéfice qu’ils pourraient tirer de ses interventions.
Affirmer que jamais la Chékhina ne résidera dans le Michekane, oeuvre de Mochè, revient à remettre en question toute la mission de Mochè. Or l’oeuvre de Mochè obéit toujours à la volonté divine et qu’à ce titre jamais D’ieu ne l’abandonnerait. En vérité D’ieu voulait, par le retard mis à placer Sa résidence parmi Israël, après que les travaux du Michekane furent achevés, administrer la preuve éclatante quant à la considération qu’Il accorde à l’oeuvre de Mochè. En effet, D’ieu retient sa Chékhina pour que Mochè monte le Michekane lui-même afin qu’il ait le mérite de mener la mitswa à son terme. La mitswa n’est valable qu’une fois accomplie dans son intégralité. Le Midrache(8) souligne bien l’attente et l’impatience des Bénè Yisraèl de voir la Chékhina couronner leur oeuvre. Tous souffraient de ce retard. Les sages n’ayant pas pu monter le Michekane se désolent. Ils demandent à Bétsal’èl et Aholiab, principaux artisans du Michekane, sans succès. Parmi Israël, des critiques circulent à l’égard de Mochè. Pourquoi les a-t-il embarqués dans cette construction qui engloutit tous leurs biens? Toute cette peine pour ne pas mériter finalement le retour de la Chékhina!
Mais l’intention de D’ieu est de faire coïncider l’érection du Michekane avec le jour anniversaire de la naissance de Yitshaq. Ce jour est béni. Abraham est assuré d’avoir une descendance et un peuple. Israël aura une histoire, une destinée.
Mochè érige le Michekane et la Chékhina s’installe au grand déplaisir de tous ceux qui, à cause de leur courte vue, ne cessent de critiquer et diviser. Le Michekane érigé ramène l’harmonie et l’unité entre D’ieu et Israël. Cette tendance à vouloir dénigrer l’oeuvre de Mochè et la soumettre aux critiques les plus acerbes n’est pas sans rappeler la situation de David face à ses détracteurs. Ses ennemis n’ont jamais voulu lâcher prise. Toutes les occasions pour lui rappeler l’épisode de Bat Chévâ sont toujours bienvenues. Pourtant, David était là à servir D’ieu avec toute l’ardeur et l’amour qu’il pouvait avoir.
Bien souvent, il pensait à la construction d’un Bèt ha-Miqdache destiné à D’ieu. Il n’admet point le fait qu’il puisse, lui, résider dans un palais pendant que l’arche sainte se trouve dans une tente. Natane, le prophète, consulté l’encourage. Mais D’ieu préfère laisser ce privilège à Chélomo.
Le Talmoud(9) rapporte :
“Lorsque Chélomo eut achevé la construction du Bèt ha-Miqdache, il voulut introduire l’arche au Saint des Saints. Les portes se ferment hermétiquement. Alors Chélomo entonna vingt-quatre louanges sans être exaucé. Il dit alors(10) :
“Exhaussez ô portes vos frontons, relevez-vous, portails antiques, pour qu’il entre le roi de gloire!” Elles [les portes] coururent après lui pour l’engloutir. Elles demandent(11) :
“Qui donc est ce roi de gloire?” Il répond : “L’Ét’ernel fort et puissant“. Il s’exclame de nouveau :
“Exhaussez, Ô portes, vos frontons, relevez-vous portails antiques, pour qu’il entre, le roi de gloire! “Qui donc est ce roi de gloire?” – L’Ét’ernel – Tsébaot, c’est Lui qui est roi de gloire! Sèla!” Pourtant il ne fut point exaucé. Mais aussitôt qu’il dit(12) :
“Seigneur D’ieu, ne repousse pas la personne de Ton oint, souviens-toi des grâces promises à David ton serviteur“, il fut exaucé. À ce moment les visages de tous les ennemis de David furent [aussi noirs] que les fonds de marmites et tout le peuple, tout Israël, sut que le Saint béni soit-Il lui a accordé Son pardon.” Ce Midrache met l’accent sur la similitude existant entre la construction du Michekane et celle du Bèt ha-Miqdache. La difficulté ne réside pas dans la construction elle-même. Entreprendre des travaux n’est certes pas simples mais les artisans arrivent toujours à surmonter tous les problèmes techniques qui surgissent. La ménora, le chandelier, était d’exécution laborieuse mais l’aide providentielle était là pour pallier au manque de compétence.
Le Michekane comme le Bèt ha-Miqdache ne posent de problème qu’une fois les travaux de construction achevés. La Chékhina divine allait-elle résider dans ces lieux voulus à la fois par D’ieu et par Israël?
Déjà le Michekane, oeuvre de Mochè lui-même, n’avait pas épargné des soucis et des préoccupations à tout Israël. Aharone craint que son investiture ne soit pas couronnée par l’apparition de la majesté divine. Tous les ennemis de Mochè n’avaient pas manqué de mettre en doute la possibilité de voir la Chékhina s’installer dans le Michekane. Pour Chélomo, la situation est plus critique, ce sont les portes elles-mêmes du sanctuaire qui se ferment pour ne point livrer passage à l’arche sainte. Pourquoi? Est-ce comme le laisse entendre le midrache à cause de leur méprise sur la signification accordée à “D’ieu de gloire”. Peut-être pensent-elles que Chélomo s’arrogeait ce titre, auquel cas il mérite une désobéissance. Mieux, bien que Chélomo précise que “D’ieu de gloire” est attribué à D’ieu, les portes persistent dans leur refus.
Sans doute, une telle situation fait-elle l’affaire de tous les ennemis de David. Nombreux sont ceux qui pensent, bien après sa mort, que David ne mérite point de jouir de la considération divine, ni pour lui ni pour sa descendance. La faute de Bat Chèvâ demeure une faute aux traces indélébiles. D’ieu ne pouvait se réconcilier avec lui tant sa faute était d’une gravité inouïe. Lui-même n’affirme-t-il pas que sa faute demeure présente devant ses yeux(13)?
Quelle ne fut leur déception de voir les portes s’ouvrir à la seule invocation du nom de David! Le roi Chélomo ne saurait lui-même s’attribuer le mérite d’avoir construit le Bèt ha-Miqdache. Il ne sera en fonction que grâce aux promesses faites par D’ieu à David. C’est la preuve éclatante du pardon divin à David.
Ainsi donc la mise en fonction du Michekane requiert l’approbation de D’ieu dont la présence, à elle seule, témoigne de la considération de Mochè et de la perfection morale d’Israël.
1. Tanhouma sur la Sidra paragr. 11.
2. Chémot 40, 17.
3. Voir également Rachi sur Chémot 39, 33.
4. Chémot Rabba chap.52, paragr. 2.
5. Téhillim 31, 19.
6. Chémot 40, 2.
7. id. 39, 33.
8. Tanhouma sur la sidra paragr. 11.
9. T.B. Chabbat 30a.
10. Téhillim 24, 7.
11. id, 8.
12. Divrè ha-Yamim 2, 6, 42.
13. Téhillim 51, 5.