La délivrance d’Israël

Après les prescriptions relatives au repos de la terre à la septième année, année de Chémitta, et celles relatives au Yovèl, la cinquantième année, la Tora livre les dispositions de vente de propriété et de maison d’habitation en Israël et celles concernant leur rachat.

Le Midrache(1), citant le texte(2) :

Si ton frère, se trouvant dans la gêne, a vendu une partie de sa propriété, son plus proche parent aura la faculté de racheter ce qu’a vendu son frère“, rapporte : Ton frère, il s’agit d’Israël, tel qu’il est dit(3) :

Et ils tombaient en décadence par leurs fautes“.

Il a vendu une partie de sa propriété, [Israël] fut vendu aux Mèdes, au temps de Hamane, l’impie, qui les achète à Ahachewéroche.

Son plus proche parent aura la faculté de racheter, il s’agit de Mordékhaï qui rachète la vente de son frère [autrement dit, les Bénè Yisraèl]. Il obtient le pardon pour leurs fautes car tous méritent la mort pour avoir consommé des mets offerts par le roi. Ainsi qu’il est écrit(4) :

Lorsque ces jours furent révolus, le roi donna à toute la population présente à Chouchane, la capitale, aux grands comme aux petits, un festin de sept jours dans les dépendances du parc du palais royal“. Hamane s’attaque à eux tel qu’il est dit(5) :

On consulta le pour, c’est-à-dire le sort, devant Hamane“. Mais grâce au mérite de Mordékhaï, ils furent délivrés [selon le texte](6) :

Ce fut le contraire qui eut lieu, les Juifs allant, eux, prendre le dessus sur ceux qui les haïssaient.” C’est bien ce qu’exprime le texte :

Il rachète ce qu’a vendu son frère.”

Autre explication :

Son proche parent aura la faculté de racheter“. Il s’agit du Saint béni soit-Il tel qu’il est dit(7) :

Mais leur Sauveur est puissant, l’Ét’ernel-Tsébaote est Son Nom.”

Son proche parent, il s’agit du Saint béni soit-Il car il est écrit à son propos(8) :

Il a grandi la force de Son peuple; aussi est-il l’objet des louanges de tous Ses pieux adorateurs, des enfants d’Israël, du peuple qu’il a rapproché de Lui.”

Ce midrache a pour objet de justifier la juxtaposition existant entre les lois concernant le repos de la terre et les dispositions relatives à la vente de propriété.

Le chômage de la terre pendant la septième année vise essentiellement à enseigner à Israël de ne point se considérer comme le propriétaire de la terre d’Israël. Le repos signifie que l’homme renonce au travail de la terre afin de reconnaître que le Créateur demeure toujours le propriétaire. S’Il la confie à Israël, c’est bien dans l’unique but d’appliquer les lois de la Tora. C’est à cette seule condition qu’Israël puisse conserver le pays de Kénaâne.

La Tora spécifie d’ailleurs que ce repos auquel la terre est soumise est “en l’honneur de l’Ét’ernel” et non en vue d’un rendement plus fort et plus important auquel l’homme s’attend après avoir laissé son champ en jachère. Pour combattre une telle croyance, la Tora va jusqu’à promettre ce qui, logiquement, semble impossible, un rendement prodigieux, la sixième année, qui nourrirait le peuple d’Israël pour les trois années et parfois pour les quatre années suivantes. Ainsi assure la Tora(9) : “Je vous octroierai ma bénédiction dans la sixième année, tellement qu’elle produira la récolte de trois années.”

Le respect de ces prescriptions assure nécessairement la présence d’Israël sur sa terre. La Tora stipule, en effet(10)“Exécutez mes édits, observez et pratiquez mes lois, et vous demeurerez dans le pays en sécurité.”

Mais le non-respect de ces lois entraîne peu à peu la décadence d’Israël qui, de la vente d’une partie de la propriété, aboutirait à son exil et à son asservissement par des peuples étrangers. Ainsi précise la Tora(11) :

“Cette terre restera abandonnée par eux afin que, laissée par eux déserte, elle répare ses chômages, et qu’eux-mêmes réparent leur iniquité..”

Ainsi donc, l’homme ressent la gêne dès lors qu’il abandonne les lois relatives au repos de la terre.

Mais le midrache va plus loin. Ne se cantonnant pas au niveau individuel, il traite du destin d’Israël. Le non-respect du repos de la terre est assimilé à la désobéissance des Juifs du royaume d’Ahachewéroche. Israël, ayant pris part au festin d’Ahachewéroche, fut livré aux mains de Hamane qui tente de procéder à son anéantissement.

Mais le courage d’un seul homme, face à tout son peuple qui se prête au jeu de l’assimilation, force l’histoire à prendre une autre direction. Mordékhaï se soulève contre son peuple, lui reproche de vouloir tourner le dos aux lois juives et à l’amour de D’ieu pour se plier à la volonté d’un roi et à celle de son ministre impie.

Israël est différent des autres peuples. S’il respecte la Tora, affirme Hamane, il n’a pas de place dans le royaume de Perse. Mais en réalité, il frappe parce que le peuple juif a secoué le joug de la Tora. Ironie du sort! Car Hamane agit en tant qu’instrument entre les mains de D’ieu pour punir Israël de son éloignement du Créateur.

Israël se comporte comme au temps où, sur sa terre, il remettait en question sa relation privilégiée avec D’ieu. Le contestant en tant que Souverain du monde et de la terre, en ne respectant pas les lois de la chémitta et du yovèl, Israël est condamné à l’exil. Mais en Perse, Israël, rompant ses liens avec D’ieu, est menacé par l’anéantissement.

Le rôle de Mordékhaï consiste à reprendre en main le peuple et lui enseigner les moyens de revenir à D’ieu. L’unité et le rassemblement des Juifs, le jeûne, la prière, sont autant de moyens capables de les amener à une véritable téchouvaréparation morale.

Mordékhaï agit en libérateur. Il sauve Israël de l’anéantissement en plus de lui donner la possibilité de poursuivre ses ennemis. Le miracle ne se contente pas du sauvetage d’Israël. Il lui permet de débusquer ses détracteurs et de les exterminer.

Toutefois le miracle véritable consiste à retrouver ses valeurs, à s’identifier à la Tora. Car le libérateur en fait est l’amour qu’Israël voue à la Tora. En définitive, Israël accepte d’assumer de plein gré la Tora qu’il avait auparavant reçue sous la contrainte.

Le deuxième enseignement précise que, en l’absence de possibilité de rachat, D’ieu exercera finalement le rôle de libérateur d’Israël. Le midrache envisage donc la situation extrême où le peuple d’Israël, n’ayant pas de chefs capables de le ramener à la Tora, sera pris en charge par D’ieu Lui-même.

Les relations entre D’ieu et Israël sont des relations permanentes. D’ieu ne dénonce jamais Son Alliance avec Israël qui, lui, oublie souvent ses devoirs vis-à-vis de son Créateur.

Cette Alliance envisage l’éventualité d’une prise en main par D’ieu qui n’a d’autre choix que de contraindre Israël à revenir à Lui. L’intervention d’un Hamane constitue, dans cette perspective, un recours pour qu’Israël, retrouvant enfin D’ieu, soit délivré.

1. Tanhouma, Bé-har paragr. 4.

2. Wayi-qra 25, 25.

3. Téhillim 106, 43.

4. Esther 1, 5.

5. Esther 30, 7.

6. id. 9, 1.

7. Yirmiya 50, 34.

8. Téhillim 148, 14.

9. Wayi-qra 25, 21.

10. id. 25, 18.

11. ibid. 26, 43.

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