La haine de Bil’âm
«D’ieu aborda Bil’âm en disant : «Qui sont ces hommes-là chez toi?» Bil’âm répondit à D’ieu : «C’est Balaq, fils de Tsippor, roi de Moab, qui m’envoie dire : Déjà ce peuple, sorti de l’Égypte, a couvert la face du pays. Viens donc, maudis-le moi; peut-être pourrai-je l’attaquer et l’expulserai-je.» D’ieu dit à Bil’âm : «Tu n’iras point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple car il est béni!(1)»
Au terme des quarante années de la traversée du désert, Israël se dirige vers Kénaâne. Mochè livre bataille à Sihone, roi de Hèchebone et à Ôg, roi de Bachane, tous deux puissants et forts. Il conquiert leur pays.
Balaq, roi de Moab, voyant le traitement réservé à ces deux rois, se dit : «Ces deux rois, en lesquels nous avions mis toute notre confiance, n’ont pas pu leur résister, nous le pourrons d’autant moins.»
Pris de panique et de frayeur, Balaq fait appel à Bil’âm. Il lui demande de maudire Israël! Il sait, par expérience personnelle, que le pouvoir de Bil’âm est de maudire l’adversaire; il ne saurait bénir l’allié. Balaq lui doit d’ailleurs son règne.
Cependant, Balaq voit son initiative se retourner contre lui. En vérité, il eut suffi d’attendre et de voir quelles sont les intentions d’Israël. Moab n’avait, de toute manière, rien à craindre d’Israël. Son territoire n’intéresse Israël qu’à la venue du Machiah, Messie. Pourquoi donc cette panique?
Certes, est-il inadmissible que Balaq agisse de la sorte. Depuis, Mochè se rapproche d’Èrèts Yisraèl. Âmmone et Moab sont deux peuples, descendants de Lote, neveu d’Abraham, assurés de n’être point inquiétés par Israël dans sa marche vers la conquête de Kénaâne. Balaq donne ainsi l’occasion à Israël de lui livrer bataille.
Il recourt à l’intervention de Bil’âm. Mais sait-il que D’ieu veille à la sécurité d’Israël? Sans doute, Balaq s’attend que Bil’âm fasse preuve de zèle et adresse des malédictions précises à Israël tant il est sûr des sentiments hostiles et haineux que ce dernier nourrit à l’égard d’Israël.
Le Midrache(2), citant le texte(3) :
«D’ieu aborda Bil’âm en disant : «Qui sont ces hommes-là chez toi?», rapporte : l’Écriture applique ces propos à Bil’âm(4) :
«Qui entraîne des gens de bien dans une mauvaise voie tombe dans son propre piège…»
Au début, les individus étaient chastes. Mais, à la suite de ses conseils, ils adoptèrent la débauche. Pour les précédentes générations, le texte précise(5) :
«Et voici Rahèl, sa fille, qui vient avec son troupeau.» Aussi est-il dit(6) :
«Le prêtre de Midyane avait sept filles…» Les femmes s’occupaient du troupeau [sans craindre les bergers]. Bil’âm surgit entraînant l’humanité à la débauche. Mais, comme il pervertit les autres, ainsi fut-il égaré. Par le conseil qu’il donne, il succombe lui-même. Ainsi est-il écrit :
«Il tombe dans son propre piège.» Le Saint béni soit-Il l’induit en erreur conformément au texte(7) :
«Il égare les nations, puis Il les perd, Il détourne les nations, puis Il les déporte.» Au moment où Il lui dit :
«Qui sont ces hommes chez toi?», ce scélérat se dit : «Il ne les connaît donc pas. Il y a des moments, me semble-t-il, où Il n’a pas tous ses esprits. Aussi pourrai-je donc agir à l’encontre de Ses enfants à ma guise!»
Ainsi Il lui demande «Qui sont ces hommes?» afin de le laisser glisser dans l’erreur.
Autre explication :
«Qui sont ces hommes chez toi?», et Bil’âm répondit à D’ieu : «Balaq, fils de Tsippor, roi de Moab, m’envoie dire». Se vantant [devant D’ieu], Bil’âm dit : Bien que Tu ne veuilles pas m’honorer en ne rendant pas mon nom célèbre de par le monde, des rois me consultent.
«[Balaq me mande](8) : «Déjà ce peuple, sorti de l’Égypte, a couvert la face du pays… Viens maintenant, maudis-le moi.»
Qaba li, maudis-le moi, révèle que Bil’âm haïssait [Israël] plus que Balaq. En effet, ce dernier ne dit pas qaba, malédiction précise, mais seulement ara, malédiction légère et imprécise. En revanche, celui-là emploie qaba, malédiction explicite et imprécation par l’évocation du Nom Ineffable. En outre, alors que Balaq dit(9) :
«Je veux le repousser du pays», Bil’âm dit :
«Je vais l’expulser» de ce monde et du monde futur.»
Ce midrache est déconcertant. De toute évidence, D’ieu connaît l’identité des hommes qui rendent visite à Bil’âm. Il connaît leurs intentions et l’objet de leur démarche. Pourquoi le demander à Bil’âm?
Rachi pense qu’il s’agit d’une introduction pour aborder Bil’âm, de nouer une conversation avec lui. C’est vrai! Mais n’eût-il pas été préférable d’attendre que Bil’âm exposât lui-même sa requête? Après tout, Bil’âm devait recourir à l’autorisation de D’ieu! Aussi, dit-il aux messagers de Balaq : «Restez ici cette nuit et je vous rendrai réponse selon ce que l’Ét’ernel m’aura dit.»
Mais D’ieu l’interpelle. La question va plus loin. Il voudrait que Bil’âm réalise la gravité de la situation. En tant qu’ancien conseiller de Parô, il devait savoir combien il en coûte à ceux qui projettent de faire du mal au peuple d’Israël. Parô et les Égyptiens furent bien châtiés pour avoir persécuté les Bénè Yisraèl. Le but des messagers de Balaq est de lui demander son intervention. La malédiction de Bil’âm serait tant appréciée!
Toutefois, D’ieu laisse une liberté totale à l’homme. Bil’âm a toute sa liberté d’action. Bil’âm ne renonce pas à son objectif de nuire à Israël, d’attirer sur lui la colère divine. Il espère que l’objectif, une fois atteint, lui procure un bénéfice quelconque. Son plan est arrêté : s’il n’arrive pas à le maudire, parce que D’ieu y est opposé, il lui reste toujours le conseil d’entraîner les Bénè Yisraèl à la débauche et à l’idolâtrie. C’est le conseil qu’il se prépare à donner à Balaq. Mais ce conseil provoque également sa chute.
Bil’âm tombe dans son propre piège. L’humanité s’est toujours comportée avec chasteté. Une jeune fille seule, Rahèl, avec son troupeau n’a pas peur de frayer avec les bergers. Nul n’ose s’attaquer à sa vertu. Les sept filles de Yitro mènent paître le troupeau de leur père. Si les bergers les empêchent d’abreuver leur troupeau, ce n’est qu’en représailles contre le père qui abandonne leurs divinités.
Mais Bil’âm conseille la luxure, prône la débauche. En voulant pervertir les autres, il s’est perverti lui-même. Il tombe par la faute qu’il conseille aux autres.
Lorsque D’ieu demande à Bil’âm «Qui sont ces hommes?», Son intention est de l’induire en erreur, comme lui-même entraîne dans l’égarement toute sa génération.
L’erreur est de conclure à la non-connaissance de D’ieu. Pour lui, D’ieu n’exerce pas de manière permanente Sa Providence. Si la connaissance divine dépend du temps, il serait donc possible de viser l’instant propice pour maudire Israël.
Cependant, dans quel but D’ieu veut-Il induire en erreur Bil’âm? N’est-il pas mieux de le conforter dans sa foi en D’ieu omniscient et omniprésent?
En vérité, l’attitude de D’ieu vis-à-vis de l’homme est fonction du comportement de l’homme vis-à-vis de D’ieu. C’est la volonté profonde de Bil’âm de trouver le moment propice pour exprimer sa malédiction qui fait que D’ieu lui donne à croire que Sa connaissance est imparfaite. Le Talmoud(10) dit, à juste titre, que D’ieu fait suivre à l’homme la voie qu’il choisit. Cela donne ainsi l’occasion à D’ieu de châtier Bil’âm.
La deuxième interprétation du verset met en évidence la vanité et l’orgueil de Bil’âm. Comment peut-il se permettre une telle attitude devant D’ieu si ce n’est à cause de son orgueil insatiable. Il souhaiterait être renommé et respecté, connu et célèbre dans le monde.
Mais une telle fatuité est surprenante! Car ne lui suffit-il pas d’être consulté par des rois! Il cherche surtout la reconnaissance divine. Bil’âm fait le constat du peu de considération que lui témoigne D’ieu. Cela le dérange. Peu lui importe que les rois le consultent si D’ieu ne lui accorde pas l’importance et la valeur qu’il mérite à ses yeux!
Cette frustration l’incite à haïr davantage Israël. En tant que peuple de D’ieu, jouissant de l’affection divine, Israël ne saurait compter sur l’amitié de Bil’âm. Il est l’ennemi juré d’Israël. Si Balaq se contente d’une simple malédiction, Bil’âm, lui, réclame une malédiction explicite et précise. Balaq ne demande qu’à éloigner le danger, expulser Israël, alors que Bil’âm veut, par la conduite immorale qu’il entend lui faire prendre, exterminer Israël dans ce monde comme dans le monde futur.
L’interpellation divine «Qui sont ces hommes?» est une indication claire et nette que Bil’âm aurait besoin de bien évaluer la situation avant de se lancer dans une aventure qui pourrait lui coûter personnellement cher. Mais ce ne peut être possible que s’il renonce à son défaut majeur, l’orgueil. Ainsi dit le Prophète(11) : «Droites sont les voies de l’Ét’ernel, les justes y marchent ferme, les pécheurs y trébuchent».
D’ieu aborda Bil’âm en disant : «Qui sont ces hommes-là chez toi?»
Qui sont ces hommes-là chez toi?
Les commentateurs s’interrogent tous sur le sens de cette question. Est-il possible que D’ieu ne sache pas «Qui sont ces hommes»?
Pour Chaâr Bat Rabbim, D’ieu fait le procès de Bil’âm. Il lui reproche le fait même de s’être permis de retenir ces hommes chez lui même si son intention est de demander l’autorisation d’aller maudire Israël. Comment peut-il oublier tous les efforts déployés par D’ieu pour les élever, tous les prodiges et miracles réalisés à leur sortie d’Égypte et lors de la traversée de la Mer Rouge?
Bil’âm se devait de renvoyer aussitôt les messagers de Balaq car jamais D’ieu ne consentirait à le laisser maudire son peuple. Mais Bil’âm, bien loin de reconnaître son erreur, regrette de ne pouvoir faire cet affront aux messagers d’un roi. Ce faisant, il manquerait de respect et humilié le roi lui-même.
Sforno explique ainsi l’interpellation divine «Qui sont ces hommes?» :
«Qui sont-ils pour toi pour te préparer si promptement à la prophétie et tenter de savoir comment te comporter à leur égard? Ainsi, viennent-ils te consulter pour connaître l’avenir? Mais si c’est pour te demander de poursuivre un objectif précis par ta malédiction, quelle réponse réserveras-tu à leur requête?»
Pour Sforno, D’ieu veut entendre préciser par la bouche de Bil’âm la qualité des messagers ainsi que le but de leur mission.
Or ha-Hayim s’interroge, quant à lui, sur le sens de îmakh, avec toi ou chez toi, contenue dans la question divine à Bil’âm.
De plus, l’interpellation divine ne vise point de savoir qui envoie les messagers pour que Bil’âm réponde : «Balaq, fils de Tsippor, roi de Moab, m’envoie dire.»
En répondant ainsi, Bil’âm laisse entendre ne rien savoir de ces messagers si ce n’est le fait qu’ils sont les envoyés de Balaq.
Fallait-il enfin donner cette précision, roi de Moab, alors que Balaq, fils de Tsippor, aurait suffi?
Pour comprendre donc l’interrogation divine, Or ha-Hayim rappelle son explication à propos du verset précédent : «Restez ici cette nuit.» Bil’âm héberge ces envoyés dans sa propre chambre. D’ieu le lui reproche car, eu égard à sa position de prophète des Nations, il ne doit pas se comporter avec autant de désinvolture.
«Qui sont ces hommes?» indique, en effet, l’insignifiance de ces hommes. Mochè, se jugeant inapte, justifie ainsi son refus d’accomplir la mission divine(12) : «Qui suis-je?»
En fait, D’ieu exprime Son mécontentement de les voir introduits dans la chambre particulière de Bil’âm, lieu où l’ange divin allait s’adresser à lui. Bil’âm doit se soucier davantage de sa position. D’ieu, Lui-même, fait mourir l’ânesse de Bil’âm après qu’elle eut parlé dans le seul but de ménager l’honneur de ce dernier.
Néanmoins, Bil’âm leur réserve un accueil très chaleureux parce qu’ils sont les envoyés du roi. Pour Bil’âm, Balaq, fils de Tsippor, qui, de prince de Midyane, devint roi de Moab mérite toute sa considération. Aussi est-il tenu de les recevoir dignement, dûs avec tous les égards au roi.
Kéli Yaqar rejoint Or ha-Hayim à propos de l’explication de mi ha-anachim, , qui sont ces hommes?
Nabal, refusant d’aider David malgré la protection qu’il lui avait procurée, dit(13) : «Qui est David et qui est le fils de Yichaï?», autrement dit à ses yeux, David ne vaut rien. Ainsi D’ieu dit à Bil’âm dont l’orgueil atteint des sommets très hauts :
«Que font ces hommes peu importants chez toi? Comment peux-tu frayer avec eux?» Bil’âm répond : si eux ne sont pas importants, leur mandataire l’est. Le serviteur d’un roi est comme le roi.»
En revanche, Rav Alchèkh voit dans cette interpellation le procès de Bil’âm en tant qu’ennemi juré des Bénè Yisraèl. D’ieu lui demande «Que font ces hommes-là chez lui?» sans doute pour lui signifier qu’en les recevant il montre la haine implacable qu’il ressent à l’égard d’Israël, une haine qui est l’égale de celle des messagers sinon plus forte.
Bil’âm répondit à D’ieu : «C’est Balaq, fils de Tsippor, roi de Moab, qui m’envoie dire.»
C’est Balaq, fils de Tsippor, roi de Moab, qui m’envoie dire.
En mentionnant roi de Moab, Bil’âm entend préciser qu’en fait Israël est dans son tort de vouloir s’attaquer à Moab alors que D’ieu avait prescrit(14) : «Ne moleste pas Moab et n’engage pas de combat avec lui : je ne te laisserai rien conquérir de son territoire». Israël mérite donc pour cela d’être maudit. D’ieu ne saurait donc lui refuser d’aller avec les envoyés de Balaq(15).
Zéqènim mi-Baâlè ha-Tosséfot ainsi que le supplément au commentaire de Rachi disent que :
«Bil’âm fut un des trois que le Saint béni soit-Il a éprouvés. Mais ils se sont révélés comme un pot d’eau trouble. Plutôt que de dire comme Yéhèzqèl(16) :
«Seigneur D’ieu, Tu le sais», il lui répond avec orgueil :
«Balaq, fils de Tsippor, roi de Moab, m’envoie dire.» Nombreux sont ceux qui me demandent, et si, à Tes yeux, je mérite le mépris, je suis, par contre, important aux yeux des rois de la terre.»
La réponse de Bil’âm se situe à deux niveaux. Le premier est qu’Israël mérite d’être chassé. Sa malédiction se justifie. Le deuxième, les rois le consultent, reconnaissent sa valeur. Il voudrait que la permission divine aille dans le sens de ce que Balaq veut et non supporter encore le mépris de D’ieu.
Déjà ce peuple, sorti de l’Égypte, a couvert la face du pays. Viens donc, maudis-le moi. Peut-être pourrai-je l’attaquer et l’expulserai-je. Bil’âm ne rapporte pas fidèlement les propos de Balaq.
La lecture de ce verset rend compte de la haine implacable de Bil’âm. C’est à dessein qu’il altère les propos de Balaq.
Balaq dit :
Un peuple est sorti d’Égypte ;
Bil’âm rapporte :
Ce peuple sorti de l’Égypte,
Balaq dit :
Déjà il couvre la face du pays,
Bil’âm rapporte :
[Il] a couvert la face du pays,
Balaq dit :
Viens donc, je te prie, et maudis-moi ce peuple,
ara li, est une malédiction imprécise,
Bil’âm rapporte :
Viens donc, maudis-le moi,
qaba li, est une malédiction précise;
Balaq dit :
Peut-être parviendrai-je à le vaincre, nakkè, le frapper, et le repousserai-je, wa-agaréchènou, du pays,
Bil’âm rapporte :
Peut-être pourrai-je l’attaquer, lé-hillahèm bo, et l’expulserai-je, wé-guèrachtiw, .
Pourquoi tous ces changements?
Or ha-Hayim et Rav Alchèkh sont tous deux d’accord à dire que Bil’âm, malgré ses sentiments contre Israël, transforme les paroles de Balaq pour ne pas afficher trop sa haine. Là où Balaq parle avec mépris d’Israël, un peuple sorti d’Égypte, Bil’âm, au contraire, reconnaît qu’Israël est ce peuple jouissant de l’affection divine puisque, pour le tirer d’Égypte, D’ieu déploie plusieurs miracles.
C’est intentionnellement que Bil’âm dit : «Il a couvert la face du pays» pour souligner la grande frayeur de Balaq devant le grand nombre d’Israël.
Viens donc, maudis-le moi. Bil’âm épouse le point de vue de Balaq. D’ieu destine à Israël les territoires de Âmmone et Moab. Mais le temps d’en prendre possession n’est pas encore arrivé. Balaq est en droit de demander cette malédiction pour parvenir à le combattre, pour l’expulser et l’éloigner de lui.
Si la malédiction se veut précise, c’est uniquement par rapport à Moab. Elle vise sinon l’éloignement du peuple du moins la soumission d’Israël à Moab.
Si Balaq désire repousser Israël du pays, autrement dit le frapper au point de l’éloigner de la conquête du pays, Bil’âm, par contre, pour atténuer la virulence de Balaq, se contente de dire je l’expulserai, non du pays, mais l’éloigner, pour ne pas avoir à supporter sa pression.
D’ieu dit à Bil’âm : «Tu n’iras point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple car il est béni!»
Tu n’iras point avec eux ,
Dans sa réponse, D’ieu tient à préciser à Bil’âm : «Tu n’iras point avec eux» car Balaq n’a pas assez honoré Bil’âm en envoyant des messagers qui, aux yeux de D’ieu, ne sont pas assez importants et dignes d’accomplir cette mission auprès de Bil’âm. D’ieu entend, selon Or ha-Hayim, récompenser Bil’âm pour avoir déclaré aux messagers de Balaq : «Restez ici cette nuit et je vous rendrai réponse selon ce que l’Ét’ernel m’aura dit.» Le Saint béni soit-Il, selon le Talmoud(17), ne prive nulle créature de la récompense qu’elle mérite.
Ainsi donc se lit le verset. D’ieu adresse à Bil’âm des propos visant son intérêt et son honneur : «Tu n’iras point avec eux», puisqu’ils ne sont pas assez dignes pour toi.
Tu ne maudiras point ce peuple.
Bien que faisant allusion à la formule employée par Balaq Ara li, et non Qaba li, puisqu’il lui dit lo taor, ne maudis pas, D’ieu lui demande de bien réfléchir avant de s’embarquer dans une aventure où son honneur sera entamé car le peuple est béni.
En outre, le texte souligne bien Tu n’iras point avec eux, au lieu de dire tout simplement Tu n’iras point, car, sachant le désir ardent de Bil’âm d’aller maudire, D’ieu n’a pas tout à fait coupé les arrières.
En effet, Bil’âm est autorisé par la suite à partir mais D’ieu lui restreint sa marge de manoeuvre : il se doit d’obéir en toutes circonstances à la volonté divine.
Rachi voit dans toutes les précisions du verset une entrave à la liberté d’action de Bil’âm :
«Tu n’iras point avec eux», Bil’âm répond : «S’il en est ainsi, je veux les maudire d’ici.» D’ieu réplique : «Tu ne maudiras pas ce peuple», alors Bil’âm dit : «S’il en est ainsi, je veux le bénir». D’ieu lui répond : «Ils n’ont pas besoin de ta bénédiction, car il est béni, comme le proverbe : On dit à la guêpe : je ne veux ni de ton miel ni de ton dard!»
Combien de fois Bil’âm s’ingénie pour trouver une occasion de maudire les Bénè Yisraèl. Ses bénédictions, elles-mêmes sont redoutées car elles ne sont, en fait, que des malédictions déguisées. Seule la protection divine a pu sauver Israël. Le prophète affirme(18) :
«Ô mon peuple! Rappelle-toi seulement ce que méditait Balaq, roi de Moab, et ce que lui répondit Bil’âm, fils de Béôr, de Chittine à Guilgal, tu as pu connaître les bontés de l’Ét’ernel!»
1. Bé-midbar 22, 9 12.
2. Tanhouma sur la sidra Balaq paragr. 5.
3. Bé-midbar 22, 9.
4. Michelè 28, 10.
5. Bérèchit 29, 6.
6. Chémot 2, 16.
7. Iyob 12, 23.
8. Bé-midbar 22, 11.
9. id. 22, 6.
10. Makkote 10a.
11. Hochèâ 14, 10.
12. Chémot 3, 11.
13. Chémouèl 1 25, 10.
14. Dévarim 2, 9.
15. cf. Or ha-Hayim et Rav Alchèkh.
16. Chap. 37, 3.
17. Baba Qama 38b.
18. Mikha 6, 5.