La lèpre des maisons
«L’Ét’ernel parla à Mochè et à Aharone en ces termes : «Quand vous serez arrivés au pays de Kénaâne, dont je vous donne la possession, et que je ferai naître une altération lépreuse dans une maison du pays que vous posséderez, celui à qui sera la maison ira le déclarer au pontife, en disant : «j’ai observé quelque altération à ma maison(1).»
Après les principes de purification du lépreux permettant sa réinsertion dans la société, la Tora traite de la lèpre des maisons.
En fait, D’ieu agit avec patience et clémence à l’égard de l’homme. L’ordre suivi est la lèpre des maisons en premier. Si l’homme ne s’amende pas, la lèpre atteint ses vêtements. S’il persiste dans sa mauvaise voie, l’homme sera touché dans son corps. Les différentes formes de lèpre sont, en vérité, des manifestations consécutives aux différentes atteintes à la conduite morale.
Ainsi dit le Midrache(2) :
«A cause de dix fautes, les plaies [de lèpre] affectent l’homme : l’idolâtrie, les impudicités, le meurtre, la profanation du Nom [divin], la malédiction du Nom [divin], l’accaparement des biens du public, l’accaparement des biens d’autrui, l’orgueil, la calomnie et le mauvais oeil.»
Cependant, pour la lèpre des maisons, le Midrache nous réserve une réponse surprenante. Ainsi, s’interrogeant sur le sens du texte(3) :
«Quand vous serez arrivés au pays de Kénaâne dont je vous donne la possession, et que je ferai naître une altération lépreuse dans une maison…,
Rabbi Hiya dit : est-ce une bonne nouvelle de leur annoncer qu’ils seront affectés par les altérations lépreuses?
Rabbi Chimône Bèn Yohaï enseigne : les Kénaânim, ayant entendu qu’Israël s’apprête à conquérir [leur terre], cachèrent leurs biens dans les maisons et les champs.
Le Saint béni soit-Il dit : J’ai promis aux pères de donner aux fils une terre pleine de biens ainsi qu’il est dit(4) :
«Avec des maisons abondantes en biens, que tu n’y as pas répandus.
Que fait le Saint béni soit-Il? Il frappe de plaies lépreuses la maison pour que [l’lsraélite] la détruise et y trouve un trésor…»
Faut-il comprendre que la lèpre des maisons est en fait une récompense et non un châtiment? Le Zohar(5), reprenant à son compte ce midrache, dit que les Kénaânim avaient certes caché des trésors. Mais les maisons sont imprégnées de leur impureté, toum’a, qui exerce une influence néfaste sur les occupants, les Bénè Yisraèl. Pour les purifier de cette toum’a, D’ieu frappe ces maisons de lèpre afin de les détruire et les reconstruire à nouveau.
Le Zohar affirme, à juste titre, que la seule raison de découvrir les trésors cachés ne justifie pas cette lèpre. Les briques, les pierres et tout ce qui compose les murs, à cause de leur impureté, sont destinés à être jetés. L’apparition d’une telle lèpre ne se produit que parce que l’occupant lui-même est coupable de fautes graves, la calomnie, l’orgueil ou la cupidité.
Réparant sa faute, il reconstruit la maison sur des bases morales, sur les principes de la Tora.
L’Ét’ernel parla à Mochè et à Aharone en ces termes : «Quand vous serez arrivés au pays de Kénaâne, dont je vous donne la possession, et que je ferai naître une altération lépreuse dans une maison du pays que vous posséderez.
Quand vous serez arrivés au pays de Kénaâne, dont je vous donne la possession.
Or ha-Hayim remarque à juste raison l’emploi surprenant de «quand vous serez arrivés au pays de Kénaâne» à propos de la lèpre des maisons.
Rapportant l’opinion de Rabbi Léwi(6), il souligne la miséricorde de D’ieu qui «ne s’attaque point à l’être de la personne en premier.»
Cependant ces dispositions divines sont applicables tant qu’Israël réside dans son pays. Hors du pays, la lèpre peut affecter l’être de la personne en premier.
Et que je ferai naître une altération lépreuse dans une maison du pays que vous posséderez.
Le châtiment de la lèpre se justifie car le souci de D’ieu consiste, avant tout, à ramener à Lui, grâce aux souffrances, les hommes dont la conduite morale est mauvaise.
Cependant les yissourim, souffrances, atteignent leur objectif dès lors que l’homme sait que, pour mériter Ôlam ha-ba, le monde futur, elles ne visent, en fait, que son bien.
Aussi le Midrache ainsi que les commentateurs soulignent l’emploi de wé-nattati, Je donnerai une altération lépreuse. Wé-nattati fait penser à une donation importante car ces souffrances dissuadent l’homme de suivre la mauvaise voie.
Pour Chaâr Bat Rabbim, D’ieu aime Israël. Il veut en faire un peuple saint. Mais comme les maisons renferment des éléments impurs que les Kénaânim y avaient introduits, D’ieu les frappe de lèpre pour empêcher Israël d’y demeurer. C’est pourquoi, il est dit : «Je donnerai une altération lépreuse». Il s’agit bien d’une donation précieuse de D’ieu. D’ieu, n’ayant pas pitié de bâtisses et édifices importants, demande de les détruire pour souligner la gravité de l’impureté qui met en danger l’équilibre moral de l’homme. Quant aux biens d’Israël, D’ieu est au contraire prêt à les épargner. Aussi le propriétaire de la maison, quand bien même serait-il en mesure de définir le statut de l’altération, se contente-t-il, afin d’éviter la détérioration de ses biens, de déclarer quelque altération et non une altération impure. À cet effet, le texte prescrit :
Celui à qui sera la maison ira le déclarer au pontife, en disant : «j’ai observé quelque altération à ma maison.»
Aussi est-ce pour cette raison que la Tora précise plus loin : «Le Kohène ordonnera qu’on vide la maison avant qu’il y entre pour examiner l’altération, de peur que tout ce qui est dans la maison ne se trouve impur.»
Et Rachi d’expliquer à ce propos :
«La Tora n’a donc voulu épargner – parce que tout le reste peut être purifié – que les récipients en argile qui n’ont pas de purification par immersion.»
Celui à qui sera la maison ira le déclarer au Kohène
Rabbènou Béhayè citant le Talmoud(7) dit :
«Le propriétaire, ayant réservé la maison à ses propres besoins, ne prêtant point ses objets au prochain, n’y recevant point des invités, provoque par son manque de collaboration, par son égoïsme et par son avarice la lèpre de sa demeure.»
Le texte souligne donc : Celui qui réserve pour son unique besoin la maison,
ira déclarer au Kohène : J’ai observé quelque altération à ma maison.
Rachi explique :
«Même s’il est un savant et qu’il sache que c’est une plaie certaine, il ne décidera pas du fait certain, disant : «j’ai observé une plaie» mais plutôt «j’ai observé comme une plaie.»
Et, devant l’ignorance du Kohène, un sage, examinant la plaie, dictera au pontife de la déclarer impure. Tant que le Kohène ne décide pas du statut de la plaie, elle est présumée pure.
Ainsi, comme le souligne si bien Rambam, tout indique que les affections lépreuses de l’homme, des vêtements et des maisons sont le fait de la Providence qui, avertissant et châtiant, rappelle à l’ordre l’homme qui dévie du chemin divin. Point n’est besoin de rendre la nature responsable. Le châtiment révèle déjà la faute.
- Wayi-qra 14, 33-35.
- Wayi-qra Rabba 17, 3.
- Wayi-qra 14, 34.
- Dévarim 6, 11.
- Tazriâ 50a.
- cf. Wayi-qra Rabba, Chap. 17, paragr. 4.
- Yoma.