La purification du lépreux

Étrange maladie que cette affection de la peau qui, frappant le Bèn Yisraèl, l’oblige à se tenir à l’écart de la société. La lèpre frappe chaque fois que le comportement de l’homme dévie à un point tel qu’il contredit les valeurs morales de la Tora. Elle affecte l’homme se rendant coupable de trois principaux défauts : la médisance, l’orgueil et la cupidité. Le lépreux déclaré impur ne réintègre la société qu’après une réparation morale. De toute évidence, l’isolement agit davantage sur la guérison et la purification du lépreux. Par ailleurs cette maladie ne nécessite nullement l’intervention d’un médecin mais celle du Kohène qui, lui seul, est en mesure de lui faire prendre conscience de l’origine de l’affection. C’est donc la Téchouvala réparation morale, qui en définitive amène la guérison.

Le Midrache(1) citant(2) :

Voici quelle sera la règle imposée au lépreux lorsqu’il redeviendra pur : il sera présenté au pontife.” De quoi [se compose le sacrifice de purification]? “De deux oiseaux vivants purs.” Pourquoi le sacrifice [du lépreux] diffère-t-il des autres sacrifices? Parce qu’il rapporte des propos médisants, le texte prescrit que son sacrifice se compose de deux oiseaux dont la voix porte au loin.

Du bois de cèdre, il n’existe pas d’arbre plus haut que le cèdre. Par son attitude hautaine et inflexible comme le cèdre, il s’attire la lèpre.

Autre explication : Rabbi Chimône, fils d’Èl’âzar dit, la lèpre est consécutive à l’orgueil, car ainsi est-il écrit à propos de Ôuziyahou(3) :

Mais dans la puissance, son coeur s’enorgueillit jusqu’au crime“. Il est écrit par ailleurs(4) :

Et alors qu’il s’emportait contre les prêtres, la lèpre brilla sur son front.

Il n’y a point de plus bas, parmi les plantes, que l’hysope. S’étant abaissé, il se soigne par l’hysope.

Le pontife ordonnera qu’on égorge l’un des oiseaux…”. Pourquoi égorge-t-il un oiseau et lâche-t-il l’oiseau vivant? C’est que, se repentant, la lèpre ne l’affecte plus de nouveau.

Il sera présenté au pontife“. Que signifie “Il sera présenté au pontife“? Pourquoi le fait-il venir? Tous s’éloignent et se retirent de lui tel que l’exprime David(5) :

Mes amis, mes compagnons se tiennent à l’écart de mon mal, mes proches demeurent à distance.” Il est dit également(6) :

Il demeurera isolé, sa résidence sera hors du camp“, hors du camp d’Israël. Aussi, pour cette raison, est-il dit “Il sera présenté au pontife.” Il se présentera [devant le pontife] wé-houba, se décompose en wé-hou ba, il se présentera.”

Le Midrache examine, à travers les prescriptions relatives à la purification du lépreux, les causes réelles de cette affection. Tout d’abord, la médisance constitue la cause principale. Le médisant, pour colporter ses propos malveillants, a toujours besoin d’être entouré, écouté.

L’isolement est là pour rappeler au lépreux que sa réparation exige une retenue dans ses propos, dans sa manière de traiter et de critiquer son entourage.

Son sacrifice se compose de deux oiseaux. Le premier est égorgé pour signifier au médisant qu’ayant fauté par sa langue, parlant sans cesse comme l’oiseau gazouille, il se doit de mettre un terme à ses critiques et à ses propos diffamants. Le deuxième est lâché pour attirer l’attention du médisant sur le fait que son repentir, n’est définitive que s’il renonce à ses médisances qui entraînent la division, la haine et parfois le crime.

L’orgueil constitue la deuxième cause. Le lépreux pèche effectivement par excès d’orgueil. Son port est altier, hautain et raide comme le cèdre. L’orgueil, étant un défaut majeur, engendre, en fait, tous les autres défauts. L’orgueilleux serait enclin à la colère, à l’envie et à la jalousie. Il a toujours besoin, pour se faire valoir et imposer ses points de vue ou ses jugements, de maintenir un train de vie au-dessus de ses moyens. Il va sans dire que dans une telle perspective, tous les moyens pour y parvenir sont bons.

Le lépreux aura tout le loisir de méditer dans son isolement sur les conséquences de son comportement. Guéri, son sacrifice comporte à la fois du bois de cèdre et de l’hysope. Ayant été orgueilleux comme le cèdre, il se doit désormais de se tenir aussi bas et humble que l’hysope qui pousse aux pans des murs.

La recherche de la puissance, de la gloire, et la cupidité en découlant, constitue la troisième cause de la lèpre. Il est vrai que toutes ces causes se tiennent. L’homme, poussé par son orgueil, tente de se mettre en valeur en critiquant les autres, en les ridiculisant, ou tout au moins en justifiant sa puissance par tous les moyens à sa portée.

L’ambition incite Ôuziyahou, ne se contentant pas de la royauté, à s’accaparer également de la prêtrise. La recherche des grandeurs et de la gloire conduit fatalement à la lèpre. Aussi, pour cette raison, son offrande se compose-t-elle également de l’écarlate provenant du ver à soie pour bien souligner que ses rêves de grandeur sont définitivement terminés puisqu’il se considère tel un ver de terre.

Enfin, sa réparation l’oblige en outre à se présenter au Kohène. Ayant toujours attiré des personnes, il est acculé, pour réintégrer sa place dans la société, de chercher auprès du Kohène la confirmation de sa guérison, de sa réparation. Il est donc forcé d’exprimer le besoin d’être accepté par la société. Le mal et les divisions qu’il a semés sont là pour lui rappeler les ravages que ses défauts avaient provoqués. Le Kohène agit comme éducateur. Il lui apprend à éviter à l’avenir de telles dispositions qui l’ont rejeté de la vie sociale.

Ainsi la Tora met-elle l’accent sur un travers des plus graves que l’homme traîne depuis la nuit des temps. La médisance ne constitue pas seulement un mal de société, mais aussi la cause principale des déchirements et des divisions qui sévissent dans le monde. Le médisant par l’escalade de ses propos, va jusqu’à contester la souveraineté de D’ieu. David dit(7) :

“Au secours, Seigneur, car il n’est plus d’homme pieux! Car la loyauté est bannie des fils d’Adam. On se parle avec fausseté l’un à l’autre, on parle d’une langue mielleuse, d’un coeur plein de duplicité. Que l’Ét’ernel supprime toutes les langues mielleuses, les lèvres qui s’expriment avec arrogance, ceux qui disent : “Par notre langue nous triomphons, nos lèvres sont notre force : qui serait notre maître?”

Mais la parole est source de vie et de plénitude lorsqu’elle se met au service de l’étude de la Tora. Ainsi s’exprime David(8) :

“Quel est l’homme qui souhaite la vie, qui aime de longs jours pour goûter le bonheur? Préserve ta langue du mal, et tes lèvres des discours perfides; éloigne-toi du mal et fais le bien, recherche la paix et la poursuis.”

1. Tanhouma sur Métsorâ, paragr. 3.

2. Wayi-qra 14, 2.

3. Divrè ha-yamim 2, 26, 16.

4. id. 19.

5. Téhillim 38, 12.

6. Wayi-qra 13, 46.

7. Téhillim 12, 2-5.

8. id. 34, 13-15.

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