La mort de Nadav et de Abihou
«Les fils d’Aharone, Nadav et Abihou, prenant chacun leur encensoir, y mirent du feu, sur lequel ils jetèrent de l’encens, et apportèrent devant le Seigneur un feu profane sans qu’il leur eût commandé. Et un feu s’élança de devant le Seigneur et les dévora, et ils moururent devant le Seigneur.
Mochè dit à Aharone : «C’est là ce qu’avait déclaré l’Ét’ernel en disant : je veux être sanctifié par ceux qui m’approchent et glorifié à la face de tout le peuple!» Et Aharone garda le silence(1).»
Après l’inauguration du Michekane et l’installation d’Aharone dans ses fonctions de Kohène Gadol, la sidra relate la mort de Nadav et Abihou, fils d’Aharone. Aharone, après tant d’appréhensions et d’angoisses, retrouve enfin sa place dans l’affection divine, l’assurant ainsi d’avoir été absout pour sa participation dans la faute du veau d’or.
Aharone n’ose s’approcher de l’autel tant il est rongé par le remords d’avoir contribué à la faute générale du peuple. Il voit, chaque fois qu’il approche l’autel, un veau aux cornes menaçantes. L’aide et les encouragements de Mochè sont nécessaires pour qu’il consente à procéder à son sacrifice et à celui du peuple. Constatant que la gloire divine n’apparaît point, Aharone, affligé, dit :
«Je sais que le Saint béni soit-Il est en courroux à mon sujet et qu’à cause de moi la Majesté divine ne descend pas en Israël. Il dit alors à Mochè : Mochè, mon frère, voilà ce que tu me fais, j’ai pénétré dans la tente et suis maintenant honteux. Aussitôt Mochè entra avec lui et ils implorèrent la pitié divine et la majesté descendit sur Israël(2).»
Sans doute, Israël était-il réjoui de constater la présence de la Gloire divine. Bien plus, un feu du ciel descend et consume les sacrifices. C’est à ce moment là que Nadav et Abihou décident d’apporter un feu profane qui provoque leur mort.
Le Midrache(3) abordant le texte(4) :
«[Le vin] finit par mordre comme un serpent, par piquer comme un aspic» dit : Tel l’aspic qui provoque le passage de la vie à la mort le vin sépare, par la mort, entre Aharone et ses fils. Rabbi Chimône enseigne en effet : les fils d’Aharone ne sont morts que parce qu’ils ont pénétré ivres dans la Tente d’Assignation.
Rabbi Pinhas dit au nom de Rabbi Léwi : cela fait penser à ce roi qui tranche discrètement la tête à son fidèle ami, l’ayant surpris dans une boutique [servant le vin]. Il le remplace par un autre sans que l’on sache la raison de l’exécution du premier. En lui recommandant de ne point fréquenter les boutiques [qui servent le vin], il dévoile la cause de la condamnation du premier. Ainsi est-il dit(5) :
«Et un feu s’élança de devant le Seigneur et les dévora, et ils moururent devant le Seigneur.»
Nous ignorions jusqu’alors la raison de leur mort. Mais après que [D’ieu] eut recommandé à Aharone(6) :
«Tu ne boiras ni vin, ni liqueur forte, toi non plus que tes fils, quand vous aurez à entrer dans la Tente d’Assignation, afin que vous ne mouriez pas», nous apprenons qu’ils sont morts à cause du vin. Aussi le texte marque-t-il une affection [particulière] à Aharone car la parole divine lui sera adressée tel qu’il est dit :
«Tu ne boiras ni vin, ni liqueur forte, toi non plus que tes fils.»
Le midrache, selon Rabbi Pinhas, ne trouve d’autre raison à la mort des fils d’Aharone que le seul fait d’entrer dans la Tente d’Assignation ivres. Il est vrai qu’il n’est point convenable de servir D’ieu alors que l’esprit est troublé par les vapeurs d’alcool et de vin. Servir D’ieu requiert tout le sérieux, toute l’attention afin de ne point commettre de faute au niveau de l’interprétation des ordres divins et de leur accomplissement. Aussi le vin agit-il tel un aspic qui, par sa morsure, provoque la mort. Même en dehors du service divin, le vin demeure toujours dangereux, puisqu’il arrive à ébranler l’équilibre de l’homme, faussant son jugement et déviant sa responsabilité.
Toutefois comment imputer toute la responsabilité à leur ivresse quand la Tora, elle-même, précise que la faute, principale de la mort de Nadav et Abihou fut d’avoir offert sur l’autel un feu profane? Pourquoi ne pas s’en tenir à la cause clairement énoncée au lieu d’aller chercher la raison dans l’interdiction divine à Aharone de consommer le vin avant de se présenter à la Tente d’Assignation?
De plus, le midrache(7) lui-même invoque d’autres raisons toutes apparemment éloignées l’une de l’autre. Il est d’autant plus surprenant que Rabbi Pinas, lui-même, affirme plus loin que la faute remonte déjà au jour de, mattane Tora, don de la Tora, où Nadav et Abihou, jouissant du spectacle de la présence divine, s’adonnent au manger et au boire.
Mais Rabbi Pinas tente d’établir la raison qui préside à toutes les raisons connexes. Que Nadav et Abihou se soient permis d’énoncer la halakha, la loi, devant leur maître Mochè causant leur mort comme il est de règle de punir toute personne qui se montre insoumise à son maître; qu’ils n’eussent jamais encouru la rigueur d’un tel châtiment s’ils avaient été mariés et pères; toutes ces raisons se retrouvent dans le fait de servir D’ieu dans un état d’ivresse. Le vin leur fait oublier les règles de bienséance et d’obéissance dues à leur maître. Mariés, ils comprendraient, sans doute, que le disciple, tout comme le fils, est tenu d’obéir à l’autorité du maître comme il reconnaît celle du père. N’ayant pas eu de fils, ils ignoraient tout de l’autorité du père.
Le feu profane, est important. Il fait partie du service sacerdotal. Le Kohène doit l’apporter même si le feu céleste, descend pour consumer les sacrifices. Il est, cependant, nécessaire que ce miracle prenne des allures d’un phénomène naturel.
Néanmoins la révolte de Nadav et Abihou demeure la raison que l’ivresse tente de nous cacher. Le midrache(8) relate combien ils étaient impatients de remplacer Mochè et Aharone. Ainsi s’expriment-t-ils :
«Mochè et Aharone marchent en tête, suivent Nadav et Abihou, et tout Israël ferme la marche. Ils disaient : qu’attendent ces deux vieillards pour mourir afin que nous puissions régner sur le peuple? Rabbi Yodane au nom de Rabbi Aïbo précise : de leur propre bouche, ils se le disaient l’un à l’autre.»
Mais ils oublient que de vieux chameaux ont eu souvent à transporter le cadavre de bien plus jeunes. Ainsi Nadav et Abihou n’étant point assurés de vivre après Mochè et Aharone, comment peuvent-ils parler de la sorte de leur maître et de leur père?
Nadav et Abihou dépassent sans conteste, Mochè et Aharone. Leur mort confirme qu’ils sont d’une sainteté plus grande. C’est bien ce que dit Mochè en guise de consolation à Aharone.
Le midrache poursuit :
«Abordant le texte(9) :
«Dès que Tes paroles me parvenaient, je les dévorais oui, Ta parole était mon délice et la joie de mon coeur, car, Ton Nom est associé au mien, Ô Ét’ernel, D’ieu Tsébaote.», Rabbi Yitshaq dit au nom de Rabbi Chémouèl Bèn Nahmane : cette parole a été dite à Mochè au Sinaï et il ne l’a comprise qu’après coup.
Mochè dit à Aharone : Mon frère, au Sinaï, ayant appris que je devais sanctifier le temple par une personnalité importante, je pensais qu’il sera par moi ou par toi. A présent, tes deux fils dépassent en perfection tant moi que toi.
Apprenant que ses fils craignent le ciel, Aharone se tait et reçoit une récompense pour ce silence. Et comment sait-on qu’il se tut? Ainsi qu’il est dit(10) :
«Et Aharone garda le silence.»
Et comment sait-on qu’il fut récompensé pour son silence en ayant le privilège que D’ieu lui adresse la parole en privé? Tel qu’il est dit(11) :
«l’Ét’ernel parla ainsi à Aharone».
Midrache surprenant! Non content de trouver une explication à la mort tragique de Nadav et Abihou, chaque maître la rattachant à une faute bien précise, il cite l’opinion de Rabbi Chémouèl Bèn Nahmane qui souligne qu’en réalité cette mort avait pour but essentiel de sanctifier le Nom du Créateur le jour de l’inauguration du Michekane. Bien plus, cette mort révèle à Mochè que Nadav et Abihou sont proches de D’ieu et d’une sainteté inégalée.
Les fils d’Aharone, Nadav et Abihou, prenant chacun leur encensoir, y mirent du feu, sur lequel ils jetèrent de l’encens, et apportèrent devant le Seigneur un feu profane sans qu’il leur eût commandé.
Les fils d’Aharone, Nadav et Abihou, prenant chacun leur encensoir.
En ne disant pas Nadav et Abihou, fils d’Aharone, le texte souligne, selon la Mékhilta, qu’ils se sont comportés avec peu de considération pour leur père Aharone. En agissant ainsi, Nadav et Abihou manquent de respect à leur père. On cite pour preuve(12) :
«Or le troisième jour, comme [les habitants de Chékhèm] étaient souffrants, deux des fils de Yaâqov, Chimône et Léwi…» Rachi commente ainsi : «Ils étaient ses fils et malgré cela Chimône et Léwi se sont conduits comme n’importe quels autres hommes qui ne seraient pas ses fils, ils n’ont pas pris conseil de leur père.»
Pour Harhèv Davar, Nadav et Abihou sont animés d’un amour excessif pour D’ieu si bien qu’ils ne se contiennent point tant leur désir est fort d’atteindre la connaissance et la gloire de D’ieu. Ne pouvant résister à cette tentation, ils veulent offrir l’encens, moyen le mieux indiqué, pour se rapprocher davantage de D’ieu. Aussi pour cette raison Mochè indique-t-il plus tard à Qorah et à son assemblée de prendre des encensoirs pour offrir l’encens car seule cette offrande désignera celui qu’aura choisi D’ieu.
Rachebam pense que Nadav et Abihou prennent leur encensoir afin d’offrir l’encens sur l’autel en or, et ce, avant même que les membres ne se consument selon l’ordre établi : l’encens avant la combustion des membres. Cependant leur initiative contrarie les intentions de Mochè qui, ne voulant pas précisément en ce jour d’inauguration du Michekane que l’on apporte un feu profane, attend le feu céleste pour consumer les sacrifices. En apportant un feu profane, ils ternissent l’éclat du Nom de l’Ét’ernel qui, par l’acte du feu céleste, allait connaître une sanctification prodigieuse.
Mais Sforno est d’un tout autre avis. Pour lui, Nadav et Abihou pensaient à tort qu’après le sacrifice quotidien dont l’objectif est de ramener, parmi Israël, la présence divine, vient l’offrande de l’encens. Ainsi après que la gloire divine se soit révélée au peuple à travers le feu céleste, ont-ils procédé à l’offrande de l’encens. Toutefois quand bien même cette offrande serait-elle bienvenue, ils ne devaient jamais la présenter sans autorisation préalable.
Cependant Or ha-Hayim trouve dans l’emploi de cette tournure «Les fils d’Aharone, Nadav et Abihou» une condamnation de leur conduite et ce, pour deux raisons. Ils sont les fils d’Aharone, des Kohanim, dont l’aspiration essentielle est de servir D’ieu. Leur valeur morale est considérable, dépassant sans conteste celle Èl’âzar et Itamar, puisqu’ils rivalisent en perfection avec Mochè et Aharone tel que le soulignent Torat Kohanim sur le texte et le Zohar(13) : «Par leurs actes, ils étaient d’un niveau supérieur». Leur erreur serait, pour ces deux raisons, impardonnable.
Toutefois pour augmenter leur mérite, ils décident de procéder à deux au service. Ils ne se servent pas également du feu de l’autel, mais d’un feu profane, ne convenant, du moins le pensaient-ils, que pour l’offrande obligatoire de l’encens.
Y mirent du feu.
Comme le texte emploie bahène, en dedans, au lieu de âlèhène, dessus, comme à propos des encensoirs de Qorah(14), son intention est de préciser qu’ils ne remplissent les encensoirs de feu. Ils se contentent de l’y mettre seulement(15).
Sur lequel ils jetèrent de l’encens.
Il eût été plus exact d’écrire sur lesquels, âlèhène, et non âlèha, sur lequel, au singulier puisque chacun se sert de leur encensoir.
Pour Rambane et Rabbènou Béhayè, la principale raison de leur faute est le feu profane car le texte souligne «ils apportèrent devant le Seigneur un feu profane» et non un encens profane.
Âlèha, indique surtout qu’ils se sont attachés à la justice stricte, à la rigueur, dont le symbole est le feu au lieu de s’attacher davantage – qétorète, encens, signifie également attachement – à adoucir la rigueur afin d’apporter bonté et bonheur dans le monde. Mais n’ayant pensé qu’à la rigueur, ils furent donc atteints par elle. S’étant attachés à middate ha-dine, la rigueur, ils furent dévorés par le feu. Le châtiment correspond en tous points à la faute.
Mais pour Haâmèq Davar, l’emploi de âlèha, au lieu de âlèhène, montre plutôt leur divergence et leur division. Chacun et leur encensoir, chacun et leur feu.
Torat Kohanim rapporte en effet, à propos de chacun leur encensoir, :
«Nadav et Abihou agissent chacun pour leur compte sans se consulter. Aussi s’étant retrouvés au sanctuaire, décident-ils de ne point offrir chacun leur offrande d’encens mais plutôt l’un avec le concours de l’autre.»
Et apportèrent devant le Seigneur un feu profane sans qu’il le leur eût commandé.
Comment est-il possible d’apporter au sanctuaire un feu profane pour que l’on ait besoin de préciser qu’il ne leur a point commandé? En effet un feu profane ne saurait être permis!
Pour Harhèv Davar, Nadav et Abihou se sont présentés au sanctuaire animés par la flamme de leur amour pour D’ieu. La Tora ne cautionne point un tel procédé même si l’amour de D’ieu est une vertu précieuse mais pour pénétrer dans le sanctuaire, la crainte est plus indiquée.
Kéli Yaqar, rapportant le Yalqout(16), énumère les différentes raisons justifiant la mort de Nadav et Abihou : ayant servi en état d’ivresse, n’ayant point fait les ablutions des mains et des pieds avant de servir; ne portant point les habits de kéhounna, la robe en particulier; ne s’étant pas mariés; n’ayant pas eu d’enfant; ayant enseigné une loi en présence de Mochè leur maître; attendant la mort de ces vieillards – Mochè et Aharone – pour prendre la conduite du peuple; enfin pour la faute du veau d’or fabriqué par Aharone. Toutes ces raisons trouvent leur justification dans le texte qui précise, cependant, que le feu étranger et profane demeure la raison principale.
Pour Kéli Yaqar, servir en état d’ivresse revient, en fait, à présenter un feu étranger. Le vin brûle et enflamme comme le feu tel qu’il est dit(17) : «et s’attardent dans la nuit, échauffés par le vin». Bien que l’interdiction de servir en état d’ivresse n’ait été édictée qu’après leur mort, Nadav et Abihou étaient assez sages et intelligents pour savoir qu’il ne convient point de se présenter devant D’ieu dans cet état.
Déjà le jour de mattane Tora, don de la Tora, agissant de la sorte, ils méritaient la mort. Mais D’ieu, comme le souligne le midrache(18), ne voulant point ternir la joie de la Tora, réserve ce châtiment au jour de l’inauguration du Michekane. D’ieu ne devait-Il pas éviter d’attrister le jour de sa joie?
En vérité, en revenant sur la même faute, ils peuvent croire la chose permise. Le Talmoud(19) dit : «une transgression commise à deux reprises devient permise.» C’est la raison pour laquelle le Kohène Gadol ne pénètre dans le Sanctuaire que le jour de Kippour, jour de jeûne. En ce jour, il témoigne de son entière soumission au Créateur et ne sert point d’un coeur hautain et orgueilleux comme le vin s’arrange si bien à inspirer à l’homme, arrogance et insolence. Habaqouq dit(20) : «En vérité, comme le vin est perfide, ainsi l’homme arrogant qui ne demeure point en repos.»
Leur faute fut de n’avoir point pris de femme. De toute évidence, dévorés par le feu du désir, l’esprit habité par des pensées relatives au choix de leur future épouse, ils sont si vulnérables qu’ils fautent. Ainsi le Talmoud rapporte à propos de Âmram le pieux(21). Pris du désir ardent de commettre une transgression avec la jeune captive qu’il vient de libérer, il a dû crier «Le feu brûle en Âmram» pour se départir de son désir.
Selon une autre opinion, ils ne portent pas l’habit sacerdotal. Or pour le Talmoud(22), la robe, , expie la faute de médisance. Nadav et Abihou critiquent Mochè et Aharone. Selon eux, ils ne sont plus dignes d’être les dirigeants du peuple en raison de leur âge avancé ou en raison de leur niveau de perfection inférieur au leur. Quiconque médit est comparé à celui qui attise le feu. David dit(23) :
«Quel profit te donnera-t-elle, quel avantage, cette langue perfide [pareille] aux flèches des guerriers aiguisées aux charbons ardents des genêts?»
Le feu symbolise également l’orgueil. L’orgueilleux est ambitieux, il veut toujours s’élever comme le feu dont les flammes montent. Aussi l’orgueilleux est-il, selon le Midrache(24), châtié par le feu.
Les fils d’Aharone font preuve d’orgueil car ils servent malgré leur ivresse. Ils ne prennent pas de femmes car, pensent-ils, aucune ne leur convenait. Ils ne se concertent point par orgueil, ni ne demandent point l’avis de Mochè avant de faire une telle offrande. Ils se jugent enfin plus aptes que Mochè et Aharone à diriger le peuple.
Nadav et Abihou furent châtiés pour la faute du veau d’or car s’ils avaient eu des enfants, D’ieu aurait attendu la quatrième génération pour appliquer son châtiment tel qu’il est dit(25) :
«il supporte le crime, la rébellion, la faute, mais il ne les absout point : il poursuit le méfait des pères sur les enfants.»
Par égard pour Aharone, D’ieu commue sa faute sur les enfants. Mais n’ayant point d’enfants, Nadav et Abihou furent condamnés à mourir. Mais pourquoi eux plus que les deux autres Èl’âzar et Itamar? Sans doute, en apportant un feu profane au Sanctuaire, avaient-ils présent à l’esprit le veau d’or émergeant du feu.
Enfin ayant servi sans les ablutions préalables des mains et des pieds, Nadav et Abihou ne se sont point sanctifiés. C’est là le sens du feu étranger et profane, autrement dit leur service manque de sainteté. Fautant par l’absence d’ablutions, ils sont brûlés par le feu, dévorant tout en l’absence de l’eau.
Et un feu s’élança de devant le Seigneur et les dévora, et ils moururent devant le Seigneur.
Et un feu s’élança de devant le Seigneur et les dévora.
Ils fautent par le feu, par le feu ils furent châtiés. Ainsi D’ieu applique le principe de midda kénèguèd midda, mesure pour mesure, pour le châtiment comme pour la récompense. Selon le Midrache(26) :
«Le feu, sorti du Saint des Saints, brûle leur âme. Abba Yossi Bèn Dortaï : deux flammes sortent du Sanctuaire et se divisent en quatre. Deux pénètrent par les narines de l’un et, deux par les narines de l’autre. Le feu les dévora, le corps fut brûlé et non leurs vêtements.»
Ils moururent devant le Seigneur.
Que signifie devant le Seigneur? Selon Or ha-Hayim, leur mort remonte déjà, à cause de leur conduite désinvolte devant D’ieu, au jour de Mattane Tora, , tel qu’il est dit(27) :
«Mais D’ieu ne laissa point sévir son bras sur ces élus des enfants d’Israël(28) : et après avoir joui de la vision divine, ils mangèrent et burent.»
Mochè dit à Aharone : «C’est là ce qu’avait déclaré l’Ét’ernel en disant : Je veux être sanctifié par ceux qui M’approchent et glorifié à la face de tout le peuple!» Et Aharone garda le silence.
Mochè dit à Aharone.
Devant la perte subite de ses deux fils, Aharone se mit, selon Rambane, à pleurer et voulut interrompre son service pour prendre le deuil. Mochè l’en empêche et, pour le consoler et le réconforter de ce qu’il se considère comme étant la cause de la mort de ses fils, lui rappelle les paroles divines :
C’est là ce qu’avait déclaré l’Ét’ernel en disant : Je veux être sanctifié par ceux qui M’approchent et glorifié à la face de tout le peuple!
Je veux être sanctifié par ceux qui M’approchent et glorifié à la face de tout le peuple!
Tous les commentateurs s’accordent donc à voir dans ce châtiment exemplaire un double objectif. En premier, montrer à tous la gravité de toute conduite désinvolte ou irrespectueuse vis-à-vis du Miqdache, et vis-à-vis du , tout objet saint, et, surtout dissuader les Kohanim de les profaner. C’est à ce propos qu’il dit : «Je veux être sanctifié par [les Kohanim] qui M’approchent».
Le peuple saura ainsi que le Miqdache est la demeure de D’ieu et, à ce titre, elle exige un respect absolu.
La mort de Nadav et Abihou invite les Kohanim à une conduite rigoureusement respectueuse du Miqdache et à une prise de conscience par le peuple de la sainteté absolue de la demeure divine.
Cependant le Midrache, cité par Rachi, montre combien Nadav et Abihou sont à ce point considérés par D’ieu qu’ils dépassent en importance même Mochè et Aharone :
«Mon frère Aharone, dit Mochè, je savais que la maison serait sanctifiée par ceux que le Seigneur aime. Ce serait, pensais-je, par moi ou par toi. Maintenant, je vois que [tes fils] sont plus importants que moi et toi.»
Aharone en resta muet, acceptant le décret divin.
Ainsi si déjà D’ieu châtie sévèrement les justes qui son proches de D’ieu qu’en sera-t-il des impies qui désobéissent à Sa volonté. L’homme se doit, pour viser la perfection morale, de croire pleinement au système de châtiments pour les impies et de récompenses pour les justes.
1. Wayi-qra 10, 1-3.
2. Rachi, Wayi-qra 9, 23.
3. Wayi-qra Rabba 12, 1.
4. Michelè 23, 32.
5. Wayi-qra 10, 2.
6. id. 10, 9.
7. Wayi-qra Rabba paragr. 20.
8. Wayi-qra Rabba 20.
9. Yirmiya 15, 16.
10. Wayi-qra 10, 3.
11. id, 8.
12. Bérèchit 34, 25.
13. III 56b.
14. Bémidbar 16, 18.
15. cf. Haâmèq Davar.
16. Chémini parag. 554.
17. Yéchâya 5, 11.
18. Wayi-qra Rabba 20, 10.
19. yoma 86b.
20. Habaqouq 2, 5.
21. Qiddouchine 81a.
22. Ârakhine 16a.
23. Téhillim 120, 3-4.
24. Wayi-qra Rabba 7, 61.
25. Chémot 34, 7.
26. Yalqout Chimôni parag. 524.
27. Chémot 24, 11.
28. N.B. Il s’agit de Nadav et Abihou.