La sainteté d’Israël
Le midrache(1), citant le texte(2) :
“Soyez saints! car Je suis Saint, Moi l’Ét’ernel votre D’ieu“, rapporte : Le Saint béni soit-Il dit à Israël : Avant de créer Mon monde, les anges serviteurs Me louaient par vous et sanctifiaient Mon Nom par vous. Ils disaient ainsi(3) :
“Béni soit l’Ét’ernel, le D’ieu d’Israël, d’éternité en éternité!.” Comme Adam fut créé, les anges serviteurs demandent au Saint béni soit-Il : est-ce lui dont le nom nous sert pour T’exprimer des louanges? Non, leur répond-Il. Celui-ci n’est qu’un voleur ainsi qu’il est dit(4) :
“Et tu as mangé de l’arbre que je t’avais enjoint de ne pas manger.” Vient Noah. Est-ce lui, demandent-ils? Non, reprend-Il. Ce ne peut être lui, car c’est un ivrogne comme il est dit(5) :
“Il but de son vin et s’enivra“. Abraham apparaît. Ils disent : est-ce lui? Celui-ci est prosélyte, puisqu’il donne naissance à Yichemaêl. Apparaît à son tour Yitshaq. Est-ce donc lui, s’inquiètent-ils? Celui-ci, leur répond-Il, aime Mon ennemi comme le texte le précise(6) :
“Yitshaq préférait Êssaw“. Vint Yaâqov. S’adressant [au Saint béni soit-Il] : Est-ce lui? Il leur dit : en effet, c’est bien lui. Le texte s’exprime ainsi(7) :
“Tu te nommes Yaâqov, mais ton nom désormais ne sera plus Yaâqov, ton nom sera Israël.” Tout Israël porte son nom. À ce moment, le Saint béni soit-Il consacre Israël pour son Nom tel qu’il est dit(8) :
“Israël, c’est par toi que Je Me couvre de gloire.” S’adressant à Israël, le Saint béni soit-Il dit : puisque vous êtes sanctifiés pour Mon Nom avant même que Je ne crée le monde, soyez donc saints! Comme Je suis aussi Saint tel qu’il est dit : “Car Je suis Saint“. Aussi pour cette raison est-il dit : “Soyez Saints!“
Ceci fait penser à ce roi qui, prenant une femme pour épouse, lui dit : puisque tu es consacrée pour mon nom, je suis le roi et tu seras la reine. Ma gloire sera aussi ta gloire car tu es mon épouse.
Ainsi le Saint béni soit-Il dit à Mochè : consacre pour Moi le peuple tel qu’il est dit(9) :
“Rends-toi près du peuple; enjoins-leur de se tenir saints aujourd’hui et demain“. Le Saint béni soit-Il, les consacrant, leur dit(10) :
“Vous serez pour moi une dynastie de pontifes et une nation sainte, car Je suis Saint, Moi l’Ét’ernel!” Vous aussi, soyez saints comme Je vous ai sanctifiés pour Mon nom ainsi qu’il est dit(11) :
“Parle à toute la communauté des enfants d’Israël et dis-leur : soyez saints!” Le Saint béni soit-Il dit : méritants, vous serez appelés assemblée sainte; déméritants, vous serez désignés par assemblée impie, tel qu’il est dit(12) :
“Quand cessera ce peuple de m’outrager?”
La sainteté d’Israël semble être naturelle. Le midrache souligne en effet que les anges serviteurs, se servaient du nom d’Israël pour louer D’ieu.
Adam, le premier homme, fruit des mains du Créateur, n’a pas su se garder de désobéir à l’interdit divin. Peut-être était-il, lui, voué à être l’homme Saint, pur et parfait que D’ieu aurait tant voulu voir régner sur la terre! Mais il succombe à la tentation. Il consomme de l’arbre défendu. La faute réside dans l’impatience de consommer le fruit dont l’interdiction est simplement temporaire. En effet, en attendant quelque temps encore, Adam pouvait en manger en toute quiétude. Mais D’ieu considère son acte comme une révolte. Il commet un vol, n’étant pas encore autorisé de consommer le fruit.
Noah était bien parti pour être la créature sainte et l’élu de D’ieu. Mais il introduit dans la création le vin dont la consommation abusive entraîne justement l’homme à faillir aux règles de la sainteté.
Abraham et Yitshaq sont écartés. Quoique purs et parfaits, ils ne sauraient être tenus pour saints. La sainteté doit se transmettre aux enfants. Yichemaêl et Êssaw sont loin de mériter, par leur conduite morale, la considération divine.
Mais Yaâqov, parce que Saint de nature, retient la considération de D’ieu qui transforme son nom en Israël. Sa descendance est aussi appelée Israël car il est la droiture même. Son nom est Yachar Èl, anagramme de Yisraèl, autrement dit l’homme droit devant D’ieu. Israël est sanctifié par D’ieu. Il est choisi pour représenter la sainteté sur terre. Étant saint, Israël est là pour la gloire de D’ieu.
Mais il ne suffit pas d’être naturellement saint. Il faut aussi le mériter par une application permanente des prescriptions de la Tora. Israël saura investir des efforts quotidiens dans l’activité morale pour acquérir les vertus nécessaires lui permettant de prétendre à la Sainteté.
Être saint, c’est vivre exclusivement pour D’ieu. La Sainteté réside dans le détachement de tout ce qui est matériel pour viser les vertus divines(13).
“De même que D’ieu est compatissant, ainsi sois également compatissant. Il est clément, sois aussi clément. De même qu’Il est Saint, sois-le également.”
Cela ne s’acquiert que par l’exercice permanent de ces vertus afin qu’elles deviennent partie intégrante de l’être. C’est cela même le sens de la prescription divine “soyez saints”. L’effort de sainteté n’a de sens que si l’homme tend à ressembler à son Créateur. “Car Je suis Saint”.
Toutefois il est impossible d’atteindre la perfection divine. Sa Sainteté est absolue. Celle de l’homme, relative, n’est que le reflet de la sainteté divine. Aussi, pour cette raison, Qédochim s’appliquant à Israël ne comporte pas le waw, qui accompagne la voyelle o. En revanche, Qadoche, se rapportant à D’ieu est écrit avec le waw. C’est dire que la perfection de l’homme est incomplète. L’homme ne saurait être parfait; il tend vers la perfection. Il est perfectible.
La sainteté d’Israël réside dans cet effort de viser la perfection. On ne saurait l’atteindre que grâce à la Tora qui donne la possibilité de la réaliser. Elle constitue le moyen adéquat pour affiner l’âme et la rendre perméable à toutes les vertus que D’ieu recommande à l’homme. La sainteté, à la limite, serait non seulement de respecter l’interdit mais, comme le dit si bien Rambane, de s’interdire, s’il le faut, ce qui est permis.
1. Tanhouma, Qédochim paragr. 2.
2. Wayi-qra 19, 2.
3. Divrè ha-Yamim 1, 16, 36.
4. Bérèchit 3, 17.
5. id. 9, 21.
6. ibid. 25, 28.
7. Bérèchit 35, 10.
8. Yéchâya 49, 3.
9. Chémot 19, 10.
10. id. 19, 6.
11. Wayi-qra 19, 2.
12. Bémidbar 14, 11.
13. Chabbat 133b.