L’éclairage du sanctuaire

Pour toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël dete choisir une huile pure d’olives concassées,pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence. C’est dans la tente d’assignation, en dehors du voile qui abrite le statut, qu’Aharone et ses fils les disposeront, pour brûler du soir jusqu’au matin en présence de l’Ét’ernel : règle invariable pour leurs générations, à observer par les enfants d’Israël Chémot 27, 20-21..

La sidra fait suite à , Térouma où, selon Rambane, D’ieu recommande à Mochè d’exécuter chaque ouvrage du Michekane. Le terme employé est wé-âssita, , tu feras.

D’ieu demande néanmoins à Mochè d’ordonner aux Bénè Yisraèl d’offrir de l’huile pour illuminer le sanctuaire. C’est surprenant! N’est-il pas difficile, voire impossible, de trouver dans le désert de l’huile d’olive pure? À moins que les princes des tribus ne l’aient emportée d’Égypte!

Cette sidra présente, en outre, une particularité : le nom de Mochè n’apparaît pas. Depuis sa naissance, Mochè est nommé et présent dans toutes les sidrot. Et pourtant, cette sidra fait exception!

Le Zohar Pinhas 246a. trouve la raison dans l’intercession de Mochè pour les Bénè Yisraèl. Voulant leur assurer le pardon divin après la faute du veau d’or, il s’est écrié Chémot 32, 32. : Et pourtant, si Tu voulais pardonner leur faute!… Si non efface-moi du livre que Tu as écrit. Et le Talmoud Makkot 11a. d’affirmer : La malédiction d’un sage, même conditionnelle, s’accomplit.

Par ailleurs, le refus d’accomplir la mission de l’Ét’ernel, faire sortir Israël d’Égypte, entraîne, pour Mochè, le retrait de la kéhounnaprêtrise, au profit d’Aharone cf. Zébahim 102a.. Or toute la sidra traite des habits du Grand-Prêtre, et des prescriptions relatives aux prêtres. En raison de la peine et la frustration consécutives, sans doute, à sa disqualification de la Kéhounna, Mochè n’a pas été nommé.

Le Tanhouma sur Chémot 27, 20. citant :

Pour toi tu ordonneras aux enfants d’Israël rapporte le texte Chir Ha-Chirim 1, 15. :

Que tu es belle, mon amie, que tu es belle! Tes yeux sont ceux d’une colombe. Vois comme le Saint béni soit-Il loue l’assemblée d’Israël. Que tu es belle par tes propres actions, que tu es belle par les actions de tes ancêtres. Que tu es belle dans ta demeure à cause des mézouzot Parchemin où sont écrits les deux premiers paragraphes du chémâ fixé au poteau à droite de l’entrée., de tes portes. Que tu es belle dans le champ par tes prélèvements, téroumot, les dîmes, maâsrot, la glanure, lèqète, oubli, chikhha Dévarim 24, 19. :

Quand tu feras la moisson de ton champ, si tu as oublié dans ce champ une javelle, ne te retourne pas pour la prendre…], pèa, , un coin N.B. Il s’agit d’un coin du champ que le propriétaire ne moissonne pas et qu’il destine aux pauvres. . Que tu es belle dans le toit, tu établiras un appui autour de ton toit!

Que tu es belle dans ce monde, que tu es belle pour le monde futur. Tes yeux sont ceux d’une colombe, il s’agit du Sanhèdrine.

De même que le corps suit les yeux, ainsi Israël suit le Sanhèdrine : est impur ce qu’il déclare impur; pur, ce qu’il déclare pur.

Mais la colombe n’étant pas comme les autres volailles remuant pendant qu’elles sont égorgées, tend au contraire son cou. Ainsi nul ne se sacrifie pour le Saint béni soit-Il comme Israël tel qu’il est dit Téhillim 44, 23. :

Mais pour Toi nous subissons chaque jour la mort.

Autre explication : Tes yeux sont ceux d’une colombe : Le Saint béni soit-Il lui dit : ton symbole [ton échantillon] est la colombe. Celui qui veut acheter du blé demande au vendeur : montre-moi un échantillon . Ainsi ton symbole est-il la colombe. Comment? À propos de Noah dans l’arche, il est écrit Bérèchit 8, 11. :

La colombe revint vers lui sur le soir, tenant dans son bec une feuille d’olivier fraîche. Le Saint béni soit-Il dit :

De même que la colombe a donné la clarté au monde ainsi êtes-vous également comparés à la colombe, apportez donc de l’huile d’olive pour allumer devant Moi ainsi qu’il est dit : Pour toi, tu ordonneras…

La Psiqta rapporte :

Rabbi Yodane dit au nom de Rabbi Chémouèl fils de Nahmane! :

Pour toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël… : Ceci rappelle le cas de ce roi qui, ayant [une préférence] pour un de ses sous-vêtements, disait à son serviteur : secoue-le, plie-le et prends en bien soin. Le serviteur dit : Majesté, de tous vos sous-vêtements, vous ne me recommandez de prendre soin que de celui-ci? Le roi répondit : en effet car celui-ci colle à ma peau. Ainsi Mochè dit devant le Saint béni soit-Il :

Maître du monde, des 70 nations que Tu possèdes, Tu ne me recommandes qu’Israël : aux enfants d’Israël tu dirasordonne aux enfants d’Israël…

Il lui répondit :

Parce qu’ils sont attachés à Moi comme il est dit Yirmiya 13, 11. :

En effet, de même qu’on porte sa ceinture nouée aux reins, ainsi je m’étais attaché toute la maison d’Israël et toute la maison de Yéhouda…

Ces midrachim montrent combien D’ieu est fier du comportement des Bénè Yisraèl. Sa préférence pour eux, le choix et l’élection d’Israël se justifient surtout par l’esprit de sacrifice et par la volonté d’accomplir tous les préceptes de la Tora afin de prouver son appartenance à D’ieu.

En désignant la colombe pour symbole d’Israël, le midrache entend surtout relever le message d’espoir, de lumière, dont le monde avait besoin à un moment où il venait de vivre une destruction quasi totale par le déluge.

Ainsi en est-il d’Israël qui, par la Tora, entend éclairer le monde et lui apporter un message d’espoir. Cela justifie également l’amour et l’attachement qu’éprouve D’ieu pour Israël.

Pour toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de te choisir une huile pure d’olives concassées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence.

Et toi, tu ordonneras.

D’ieu, s’adressant à Mochè, dans ce contexte, devait se contenter uniquement de : tu ordonneras ou ordonneet toi est en trop.

Pour Rambane, l’emploi de , et toi, exclut la possibilité de faire faire cette mitswa par un intermédiaire. Il reste alors à expliquer en quoi cette mitswa est différente des autres!

Pour Or ha-Hayim, il ne convient pas que D’ieu Lui-même ordonne aux Bénè Yisraèl de procéder à l’éclairage de sa demeure, une demeure destinée à éclairer le monde. Aussi dira-t-Il à Mochè, cette mitswa en particulier, il faut l’ordonner en ton nom non au Nom de D’ieu afin que les Bénè Yisraèl agissent avec déférence et respect pour la demeure de D’ieu et apportent l’huile pour le luminaire.

Le waw, , conjonctif apparaissant dans l’expression s’explique en vérité par le fait que D’ieu, après avoir ordonné à Mochè tous les détails de la construction du Michekane, lui demande d’ordonner, à ton tour, l’éclairage du Michekane.

Pour nos maîtres Bémidbar Rabba 7, 6., tsaw, , ordonne, se dit chaque fois qu’il s’agit d’encourager, de pousser à la réalisation d’une mitswa si elle entraîne surtout une dépense et une perte d’argent.

Le verbe té-tsawè, , tu ordonneras, est employé plutôt que té-dabbèr, , tu parleras, pour souligner les encouragements que Mochè aura à prodiguer aux enfants d’Israël pour qu’ils aient à coeur le respect dû à D’ieu et procéder à l’éclairage du sanctuaire.

Wé-atta, , et toi.

D’ieu, s’adressant à Mochè, emploie pour la construction du michekane, , tu feras. Craignant que Mochè, dans son ardeur, procède lui-même à l’exécution des travaux, D’ieu lui précise ses intentions : tandis que toi, tu n’auras qu’à ordonner et non à exécuter.

Le waw est une conjonction marquant l’opposition, il a le sens de cependanten revanche, toi

En outre le verbe tsawè, signifie également accéder à une haute fonction ou à une autorité. Ainsi le texte dit Chémouèl I 13, 14. : Wayè-tsawèhouil l’a institué chef de son peuple.

Au moment où le texte parle de la kéhounna d’Aharone, il profite de désigner Mochè comme roi des Bénè Yisraèl. C’est donc à l’accession aux hautes fonctions que fait allusion le texte : Et toi, tu ordonneras… autrement dit, tu es roi des Bénè Yisraèl.

Or ha-Hayim, s’appuyant sur l’enseignement du Talmoud Chabbat 101b., et sur celui du Zohar Tiqqounè ha-Zohar, Tiqqoune 69., souligne que tout sage et maître de la Tora possède une parcelle de l’âme de Mochè. La dignité de Mochè et, par suite, de tout sage tient à l’importance de la Tora, symbolisée ici par l’huile. Comme dit le midrache Dévarim Rabba 7, 3. : De même que l’huile est clarté pour le monde ainsi les paroles de la Tora sont clarté pour le monde.

Té-tsawè signifie donc accompagner, être en compagnie cf. Téhillim 91, 11.. Car à ses anges, il a ordonné pour toi, [d’être tes compagnons]. Par l’intermédiaire de la Tora, de son étude, tous les Bénè Yisraèl sont les compagnons de Mochè. Tsawè, est à rapprocher ici de tsawtaensemble et compagnie.

Qu’ils prennent pour toi.

Il est surprenant que le texte précise pour toi, , comme si l’éclairage concerne davantage Mochè et non D’ieu! N’est-il pas plus exact de dire èlaïpour Moi et non èlèkha, ?

Le Talmoud Chabbat 22b. : dit à propos de C’est dans la tente d’assignation, en dehors du voile qui abrite le statut… l’éclairage est un témoignage pour tous les hommes que la chékhina réside parmi Israël. Quel est ce témoignage? Rav dit : c’est la lampe située à l’ouest Chémot Rabba paragr. 52, 2. rapporte :

Les esprits malins de la génération se moquaient, critiquant : est-il possible que la Chékhina consente à résider sur l’oeuvre de Mochè?

Nous avons ainsi la preuve que parmi les Bénè Yisraèl existent ceux qui doutent de voir la Chékhina résider sur l’oeuvre de Mochè. Quand bien même tout le monde serait convaincu, le jour de l’inauguration, de la présence de D’ieu, il demeure encore à assurer la permanence de la Chékhina. Cela ne pouvait se faire que par l’allumage du luminaire où la lampe située à l’ouest devait rester allumée en permanence cf. Rambane.. Ceci constitue un témoignage pour tous les êtres humains que la Chékhina réside parmi Israël.

Aussi D’ieu recommande-t-Il à Mochè que les Bénè Yisraèl prennent pour lui, pour que sa prophétie soit reconnue et acceptée de tous. Alors les esprits malins et critiques n’ont plus rien à dire de Mochè.

Pour le Zohar Zohar Hadache 8a., cité par Or ha-Hayim, les Bénè Yisraèl subiront quatre exils. Pour le premier exil, la délivrance sera grâce au mérite d’Abraham, le deuxième, grâce à celui de Yitshaq, le troisième grâce au mérite de Yaâqov et le quatrième dépend de Mochè. Et si, affirme Or Ha-Hayim, l’exil actuel se prolonge c’est bien parce qu’Israël néglige la Tora de Mochè. C’est ce qui se dégage du verset Qu’ils prennent pour toi de l’huile d’olives pure.., autrement dit qu’ils s’attachent à l’étude de la Tora, une étude pure, ne comportant en aucune manière des intentions étrangères à la Tora.

Katiteconcassées.

Le texte suggère d’entreprendre l’étude de la Tora dans des privations et sacrifices et non dans le luxe ou le confort, ce qui est incompatible avec l’esprit de la Tora cf. Bémidbar 19, 14., et Zohar II 158b.. L’huile destinée à l’éclairage du luminaire n’est obtenue qu’après avoir bien pressé les olives. Aussi ne pourrait-on atteindre la signification profonde de la Tora, la lumière de la Tora, qu’après avoir passé par tous les sacrifices et privations.

Rav Alchèkh remarque à juste raison que la prescription ordonnant la préparation de l’huile d’éclairage n’est pas à sa place. C’eût été mieux après celle relative à la fabrication du luminaire, de la ménora, ou, mieux encore après l’érection du Michekane.

Mais Mochè, s’étant trouvé à l’écart aussi bien de l’offrande que de la fabrication, confiée à Bétsal’èl et à tous les artisans, ayant été également relevé des fonctions de kéhounnaguédola, grande prêtrise, qui lui était destinée à cause de son refus d’accomplir la mission divine et ce, au profit d’Aharone, avait ressenti une grande peine et frustration. Pour le consoler, D’ieu intercale cet ordre pour signifier que tous les travaux du Michekane et surtout sa mise en service symbolisée par l’éclairage dépendent en fait de lui puisqu’il revient à Mochè d’ordonner la préparation de l’huile.

Qu’ils prennent pour toi.

D’ieu s’adressant à Mochè dit : Quand bien même ce ne serait pas toi qui allumes, ton influence bénéfique s’exercera sur l’éclairage. Ta sainteté rejaillira sur tout puisque rien ne se fera sans ta prescription et tes recommandations.

Kéli Yaqar rejoint tous les exégètes car, pour lui, l’allumage de la ménora, , constitue un acte témoignant de la présence de la Chékhina dans le Michekane. En effet, la Chékhinaest toujours présente sur le arone ha-qodèche, , l’arche où se trouvent les tables de la Loi appelées tables du témoignage, louhot ha-êdout, parce qu’elles attestent de la présence divine.

Mais comme le arone se trouve dans le Saint des Saintsqodèche ha-qodachim, , où ne pénètre que le Kohène Gadol une fois l’an, un deuxième témoignage s’avère nécessaire. Celui-ci se fera par l’allumage de la ménora car la lampe occidentale, , éclairait en permanence. C’est également à cela que fait allusion le midrache Tanhouma

Té-tsawè paragr. 3. : Rabbi anina, substitut des kohanim dit :

J’ai servi au Bèt ha-Miqdache et j’ai constaté qu’un miracle s’opérait à propos de la ménora : lorsqu’on l’allumait à Roche ha-Chana, elle ne s’éteignait qu’à la fin de l’année.

Et dans le Talmoud Ménahot 86b., il est stipulé : qu’ils prennent pour toi et non pour Moi car ai-Je besoin, Moi, de lumière? Il est clair que D’ieu, essence de la lumière, éclaire le monde. Aussi le Tanhouma souligne-t-il que les fenêtres du Bèt ha-Miqdache rétrécissant à l’intérieur vont en s’évasant vers l’extérieur, pour montrer que du Bèt ha-Miqdache part la lumière et le rayonnement vers l’extérieur. C’est pourquoi référence est-elle faite à Mochè, comparé au soleil, en disant qu’ils prennent pour toi, car Mochè est un symbole vivant. De lui, le monde reçoit le rayonnement divin. Aussi le Bèt ha-Miqdache illumine-t-il le monde entier.

C’est dans la tente d’assignation, en dehors du voile qui abrite le statut, qu’Aharone et ses fils les disposeront, pour brûler du soir jusqu’au matin en présence de l’Ét’ernel : règle invariable pour leurs générations, à observer par les enfants d’Israël.

C’est dans la tente d’Assignation, en dehors du voile qui abrite le statut,

Rav Alchèkh remarque, à juste raison, que si jamais D’ieu avait besoin de clarté c’est dans le Saint des Saints qu’il aurait demandé d’allumer. Mais l’allumage, se faisant à l’extérieur, administre la preuve que le but recherché est d’éclairer le monde.

Cette opération est destinée également à maintenir haute la flamme de la lampe en permanence, en d’autres termes, à élever spirituellement l’âme humaine et lui assurer une influence spirituelle très élevée car le nèrlampe, est le symbole de l’âmenéchama.

Mais en l’absence du Bèt ha-Miqdache et de la ménora, c’est seule la Tora qui, tout en affinant l’âme et en la purifiant, la met à un niveau spirituel très élevé.

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