Les déplacements d’Israël dans le désert
Voici l’itinéraire des enfants d’Israël, depuis qu’ils furent sortis de Mitsrayim, selon leurs légions, sous la conduite de Mochè et de Aharone. Mochè inscrivit leurs départs et leurs destinations sur l’ordre de l’Ét’ernel; voici donc leurs destinations et leurs départs Bé-midbar 33, 1 – 2..
La sidra Massê, relate tout au début l’itinéraire suivi par les Bénè Yisraèl dans le désert. Il y avait en tout 42 étapes.
Rachi souligne que ces étapes sont citées pour faire connaître la bonté de D’ieu à l’égard d’Israël. Aussi dira-t-il:
Quoiqu’il eût décidé de les faire vaguer et errer de place en place dans le désert, on ne peut dire qu’ils ont dû errer et vaguer de station en station pendant toutes les 40 années et sans trouver de repos. En effet, il n’y a ici que 42 stations. Déduis-en les 14 de la première année, avant que la punition ne fût prononcée, depuis leur départ de Raâmsès jusqu’à leur arrivée à Ritma, d’où les explorateurs furent envoyés… Déduis-en encore les 8 stations après la mort de Aharone, du Mont Hor jusqu’aux plaines de Moab, dans la quarantième année. On trouvera ainsi que pendant ces 38 années ils n’ont fait que 20 stations.
Ainsi D’ieu se soucie du bien-être des Bénè Yisraèl qui, malgré leur séjour forcé dans le désert, eurent très peu à se déplacer. La bonté divine à l’égard d’Israël se signale particulièrement alors que tout contribue à la rigueur.
Le Yalqout rapporte Yalqout sur Massê paragr. 786 cite, en fait, un extrait du midrache Chohèr Tov. :
Ils partirent de Raâmsès Bé-midbar 33, 3…. Le Saint béni soit-Il dit à Israël : lorsque vous étiez en Egypte, dispersés dans un territoire que l’on parcourt en 40 jours, Je vous avais rassemblés en une heure à Raâmsès.
Maintenant que vous êtes dispersés dans tous les pays, Je vous rassemblerais également, selon le texte Yéchâya 11, 11. :
Et en ce jour-là, le Seigneur étendra une seconde fois la main pour reprendre possession du reste de son peuple qui aura échappé à l’Assyrie, à l’Egypte, à Patros, à Kouche, à Êlam, à Chinaâr, à Hamat et aux îles de la mer.
Le midrache trouve en effet difficile que le texte parle de tous les points de départ dans ces déplacements dans le désert. Il est inutile de les énumérer quand l’essentiel consiste plutôt à ne signaler que les différentes stations.
Mais en mentionnant les points de départ, surtout à partir de Raâmsès, métropole d’Egypte, pour se jeter dans un désert sans se préoccuper des soucis des lendemains, se lancer à l’aventure sans vivres et sans eau, le texte, selon Rav Alchèkh, tient à signaler la confiance aveugle des Bénè Yisraèl en D’ieu. C’est d’ailleurs le souvenir de cette confiance que ne cesse d’apprécier D’ieu Yirmiya 2, 2. :
Ainsi parle l’Ét’ernel: Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles quand tu Me suivais dans le désert, dans une région inculte.
Ce souvenir à lui seul milite en faveur des Bénè Yisraèl. Car D’ieu, le moment venu, les rassemblera en un clin d’oeil comme Il l’avait fait lors de la sortie d’Égypte.
Rabbènou Béhayè explique à propos : Voici leurs destinations vers leurs départs que D’ieu a donné la Tora à Israël pour lui enseigner comment se conduire dans toute situation et surtout pour qu’il s’imprègne de l’idée que D’ieu dirige tous les phénomènes naturels. Tèbâ, nature, n’est pas loin du verbe Taboâ, se noyer, dans les sables mouvants. Le devoir de tout Israël est de croire que D’ieu dirige le monde selon Sa volonté et non selon les principes naturels. Ainsi, pendant 40 ans, D’ieu conduit Israël dans le désert, lieu où nul homme ne pouvait vivre un seul jour Dévarim 8, 15. :
Qui t’a conduit à travers ce vaste et redoutable désert, plein de serpents venimeux et de scorpions, sol aride et sans eau; qui a fait, pour toi, jaillir des eaux de la pierre des rochers!
Pourtant, Israël se maintient 40 années sur l’ordre de l’Ét’ernel autrement dit, de manière miraculeuse.
Les stations sont énumérées par leur nom pour bien préciser que tout dépend de la conduite des Bénè Yisraèl. Méritant et se conformant à la volonté divine, c’est l’attribut divin de miséricorde qui les protège ainsi Har Chafèr, la montagne de beauté, Mitqa, la douceur. Coupables, c’est l’attribut de rigueur, Mara, amertume, Harada, tremblement.
Voici l’itinéraire des enfants d’Israël, depuis qu’ils furent sortis de Mitsrayim, selon leurs légions, sous la conduite de Mochè et de Aharone.
Voici l’itinéraire des enfants d’Israël.
En principe, voici, indique toujours une exclusion ou une restriction. On ne saurait préciser quels sont les autres déplacements que, voici les déplacements, exclut puisque le texte n’en fait pas état.
Pour Or ha-Hayim, le texte entend exclure tout autre déplacement, quoique n’étant point signalé. Cependant, les événements qui se déroulent dans les diverses stations ne sont pas à l’avantage des Bénè Yisraèl. Mieux eût valu les ignorer, étant pour la plupart reliés aux souffrances causées par la médisance des explorateurs. Même les déplacements qui les précèdent empruntent des détours pour ne pas exposer Israël à la tentation de retourner en Égypte cf. Chémot 13, 17.. Ainsi ils ne répondent ni au désir réel ni à l’itinéraire d’un voyageur normal.
En outre, s’appuyant sur le Midrache Cf. Yalqout paragr. 273., il ne reconnaît aucune considération à ces déplacements pour avoir le mérite d’exclure les autres. Tous les déplacements, tant au départ qu’à l’arrivée, se déroulant, en effet, dans des querelles et disputes, perdent toute valeur.
Les différentes étapes constituent en fait deux catégories, celles de la première année de leur sortie d’Égypte et celles qui visent la réparation de la faute des explorateurs. L’intention divine se concentre sur les stations traversées la première année ainsi que la dernière de leur séjour dans le désert. Ces derniers déplacements ne jouissent pas de la même considération. Aussi le texte veut-il les exclure.
En revanche, Rachi, conscient de cette difficulté, fait appel au Midrache Tanhouma sur la sidra paragr. 3.. Il nous propose la parabole suivante :
Un roi avait un fils malade. Il le conduit dans un lieu éloigné, pour le soigner. Au retour, le roi lui énumère toutes les stations [où ils se sont arrêtés]. Ici, lui dit-il, nous avons dormi, ici nous nous sommes rafraîchis, ici tu avais des maux de tête…
Cette explication est capitale. Elle recense, non les voyages et les déplacements mais plutôt les stations. Ce midrache est, de surcroît, intéressant car il fournit le motif essentiel de toutes ces pérégrinations dans le désert. Tel le fils du roi malade, Israël, souillé et contaminé par les impuretés égyptiennes, a besoin d’un séjour dans le désert pour le guérir.
Ayant accueilli Israël lors de ses déplacements dans le désert, ces stations connaîtront, à la fin des temps, une transformation radieuse. Ainsi proclame le prophète Yéchâya 35, 1 2. :
Que le désert et le sol brûlé se réjouissent! Que la plaine aride exulte et fleurisse comme la rose! Qu’ils se couvrent de fleurs, que leur joie délirante se traduisent par des chants, que la gloire de Lébanone leur soit prêtée, l’éclat du Kar’mèl et du Charone! Ils vont voir la gloire de l’Ét’ernel, la splendeur de notre D’ieu.
Or ha-Hayim s’interroge toutefois sur la différence de durée de séjour dans les diverses stations. Il fait appel, pour justifier cette différence, au Zohar in. Vol. 2 page 157a. qui enseigne justement que le séjour d’Israël dans le désert avait pour but essentiel de libérer les étincelles de sainteté, prisonnières de l’impureté. On sait d’ailleurs que la puissance de la toum’a, l’impureté, règne et se concentre dans le désert.
Aussi, pour cette raison, la durée du séjour est-elle fonction de l’intensité de l’impureté. Pour certaines stations, il suffisait parfois de quelques heures pour parvenir à cette libération, pour d’autres, une année, souvent plusieurs années.
En outre, le processus de cette libération n’est efficient que s’il est entrepris par la forme de qédoucha, sainteté, la plus parfaite. Pour agir efficacement, l’aspect global et unificateur de la perfection est nécessaire à cette intervention. Aussi le rôle de Mochè couvre-t-il cette exigence. Car en lui, se trouvent unies toutes les âmes des 600 000 d’Israël ainsi que la globalité et l’unité de la Tora.
Ainsi, le texte supporte, selon l’enseignement du Zohar, l’idée d’exclusion de tout autre déplacement, car tous les déplacements des Bénè Yisraèl dans le désert avaient pour unique objectif la libération des âmes enchaînées par la toum’a.
Rambane analyse, quant à lui, les raisons justifiant l’énoncé de toutes les étapes parcourues dans le désert. Est-il nécessaire, en fait, de les citer dès lors que l’on pourrait se référer aux textes qui relatent les événements pour situer le lieu géographique où ils se sont déroulés?
Pour Rambam Guide des Égarés 3ème partie, chap. 50. qu’il cite, D’ieu avait réalisé plusieurs prodiges et miracles éclatant de vérité pour tous ceux qui les avaient vus. Nul ne songe les contester tant ils sont évidents.
Mais les générations à venir peuvent, parce qu’elles en ont entendu seulement parler, les remettre en question. Car l’existence que mènent les Bénè Yisraèl durant quarante années dans le désert tient absolument du prodige. Bien qu’éloigné de toute habitation, aride et sec où rien ne pousse, le désert ne fut pas pour autant un lieu hostile et redoutable pour les Bénè Yisraèl.
La manne, tombant tous les jours, le puits de Miryam, leur prodiguant l’eau tant pour eux que pour le bétail, les nuées, les protégeant contre les intempéries, les bêtes féroces et les reptiles du désert, constituent de véritables miracles pour ceux qui les vivaient tous les jours. Ainsi s’exprime le texte Dévarim 8, 15 16. :
[L’Ét’ernel] qui t’a conduit à travers ce vaste et redoutable désert, plein de serpents venimeux et de scorpions, sol aride et sans eau; qui a fait, pour toi, jaillir des eaux de la pierre des rochers; qui t’a nourri, dans ce désert, d’une manne inconnue à tes aïeux, car Il voulait t’éprouver par les tribulations pour te rendre heureux à la fin.
Qui lit actuellement ces lignes conclurait à l’impossibilité de ces faits miraculeux, alléguant que ce désert était en fait proche de lieux d’habitation, qu’il y poussait une végétation propre à la consommation, que des points d’eau s’y trouvaient. C’est pourquoi, dit Rambam, le texte mentionne à nouveau toutes les stations du désert afin d’affermir la foi et la croyance des générations à venir en ces événements absolument prodigieux.
Mochè inscrivit leurs départs et leurs destinations sur l’ordre de l’Ét’ernel; voici donc leurs destinations et leurs départs.
Mochè inscrivit leurs départs et leurs destinations sur l’ordre de l’Ét’ernel.
Il est surprenant que le texte trouve nécessaire et utile de souligner ici Mochè inscrivit leurs départs puisque toute la Tora fut écrite par Mochè.
Pour Or ha-Hayim, le texte enseigne que Mochè avait consigné dans ses registres les étapes parcourues au fur et à mesure des déplacements d’Israël. Arrivé à Râméssès, il décrit les événements qui affectent Israël de la sortie d’Égypte à leur point de destination. Il agit ainsi pour toutes les étapes.
Au terme des quarante années, D’ieu ordonne à Mochè d’inscrire les départs et les destinationsdans la Tora tel qu’ils apparaissent dans ses registres.
Voici donc leurs destinations et leurs départs.
Le verset se répète mais dans un ordre inversé : en premier, leurs départs vers leurs destinations, ensuite, leurs destinations vers leurs départs. Pourquoi?
Pour Hatam Sofèr, il existe deux niveaux dans le comportement des Bénè Yisraèl.
Étant en Égypte, ils avaient une foi inébranlable en la promesse de D’ieu de les délivrer. Ils ont entamé la marche dans le désert, avec cette foi. Il se trouve que leur sortie, d’Égypte avait pour destinations, le désert. Cette phase fut entreprise sur l’ordre de D’ieu puisque tout est conforme à Sa volonté.
Toutefois, arrivés à destination, les Bénè Yisraèl se mirent, à dix reprises, à contester D’ieu remettant en cause le bien fondé de la sortie d’Égypte. Mochè, dans son intercession, invoque, pour plaider leur cause et les sauver de l’extermination, l’inutilité de l’acte libérateur. Car si c’est pour les exterminer, il eût mieux valu qu’ils ne fussent point libérés. Il se trouve que leurs destinations, ne se justifient que par leurs départs.
Il entrevoit, cependant, l’éventualité d’attribuer ces révoltes contre D’ieu à l’influence de la station. En fautant, les Bénè Yisraèl n’appartiennent plus, à ce moment, à D’ieu et à Mochè. Ainsi, la faute du veau d’or eut lieu à midbar chour, car y règnent alors les forces du chor, taureau.
Pour Kéli Yaqar, il arrive aux Bénè Yisraèl tantôt de se diriger droit vers leur destination, tantôt de rebrousser chemin et de la destination ils se dirigent vers leur point de départ. Tel fut le cas de Pi ha-érout et de Mossèrot à Bénè Yaâqane Voir Rachi sur Chémot, 14, 2; Dévarim 2, 1 et 10, 6..
Tous les déplacements entrepris de leurs départs vers leurs destinations obéissent à la volonté divine.
En revanche, ceux entrepris dans le sens inverse, de leurs destinations vers leurs départs, ne le furent pas avec l’accord divin. Tout se passe comme si, dans ce cas, Israël prend le chemin de retour vers l’Égypte.
Il propose une seconde explication. Pour lui, il faut établir une différence entre deux projets : celui des Bénè Yisraèl et celui de Êrèv rav, ramassis de peuples, sorti d’Égypte dans le but de partager le destin d’Israël.
Les Bénè Yisraèl dont l’objectif est de sortir d’Égypte pour se diriger vers Èrèts Yisraèl avaient toujours en vue cette destination. C’est donc à propos d’eux que le texte affirme : Mochè inscrivit leurs départs vers leurs destinations selon l’Ét’ernel puisqu’ils suivent la direction voulue par D’ieu.
En revanche, Êrèv rav, sorti d’Egypte, avait toujours la nostalgie de son pays et voulait toujours y retourner. Aussi, pour eux, la Tora souligne-t-elle Voici leurs destinations vers leurs départs.
En troisième explication, il souligne que n’étaient les fautes des Bénè Yisraèl, leur destination finale, Èrèts Yisraèl, serait atteinte en un seul voyage. D’ieu avait l’intention de les transporter sur les ailes des aigles. Mais ils durent subir des tribulations qui n’étaient point voulues par D’ieu.
Chaâr Bat Rabbim base son commentaire sur le Midrache Bé-midbar Rabba, chap. 11, paragr. 3.. Pour lui, il s’agit de deux moments de l’histoire du peuple d’Israël.
À la sortie d’Égypte, il est question de déplacements des points de départ à la destination finale Èrèts Yisraèl.
Mais à l’arrivée du Messie, D’ieu fera prendre un chemin de retour vers Èrèts Yisraèlempruntant le même itinéraire que celui des libérés d’Égypte.
Ainsi s’exprime le prophète Yéhèzqèl 20, 35. : Et Je vous amènerai au désert des peuples, et Je vous demanderai des comptes, là, face à face. Alors D’ieu procèdera à une sélection, retenant les tsaddiqim qui méritent de poursuivre le voyage de retour en Èrèts Yisraèl et écartant les impies. Le point de rencontre est le désert où D’ieu réalisera de nouveau les prodiges, la manne et le puits, comme aux temps de la sortie d’Égypte cf. Commentaire de Rabbi Abraham Ibn Daud, Rabad, sur la Michena Êdouyot 2, 9..
Peut-être y verrons-nous une indication sur l’orientation de la vie morale que l’homme doit prendre : celle de toujours aspirer à son point de départ. L’âme tire son origine d’un monde parfait c’est à ce monde qu’elle doit toujours aspirer.