L’investiture des Léwiim
«L’Ét’ernel parla à Mochè en ces termes : «Prends les Léwiim du milieu des enfants d’Israël, et purifie-les. Voici ce que tu leur feras pour les purifier : tu les aspergeras d’eau expiatoire. Ils passeront le rasoir sur tout leur corps, laveront leurs vêtements et se purifieront. Puis ils prendront un jeune taureau, avec son oblation : de la fleur de farine pétrie à l’huile; et un autre jeune taureau, que tu recevras comme expiatoire. Tu feras avancer les Léwiim devant la Tente d’assignation, et tu assembleras toute la communauté des enfants d’Israël. Tu feras avancer les Léwiim en présence du Seigneur, et les enfants d’Israël imposeront leurs mains sur les Léwiim. Et Aharone fera le balancement des Léwiim devant le Seigneur, de la part des enfants d’Israël, pour qu’ils soient consacrés au service du Seigneur. Et les Léwiim appuieront leurs mains sur la tête des taureaux; fais alors offrir l’un comme expiatoire et l’autre comme holocauste au Seigneur, pour faire propitiation sur les Léwiim. Puis tu placeras les Léwiim en présence d’Aharone et de ses fils, et tu opèreras leur balancement à l’intention du Seigneur. Tu distingueras ainsi les Léwiim entre les enfants d’Israël, de sorte que les Léwiim soient à Moi(1).»
Le premier Nissane, le Michekane fut érigé. Les phylarques d’Israël, princes des tribus, décident de procéder à l’inauguration, présentant leurs offrandes, pendant les douze premiers jours de Nissane.
La sidra Nasso, réserve, bien qu’étant pareil pour tous, un passage de la Tora, honorant ainsi chaque phylarque. C’est dire l’importance et la valeur que D’ieu accorde à un tel geste dicté par l’élan généreux du coeur.
Toutefois, la joie et la fierté ressenties par tous les chefs des tribus ne sont pas tout à fait partagées par Aharone et sa tribu. Aharone conçoit un découragement tel qu’il se sent diminué et amoindri par rapport à tous les chefs de tribus. D’ieu le console. Il lui ordonne d’allumer le candélabre. L’allumage de chaque jour dépasse de beaucoup l’offrande des phylarques. La participation d’Aharone étant ainsi appréciée, le voici donc récompensé.
La tribu de Léwi fut également absente de l’inauguration du Michekane. Aussi la prescription d’investir les Léwiim, de les distinguer d’entre tous les enfants d’Israël, pour servir dans le Michekane, constitue-t-elle également une reconnaissance de fait pour leur fidélité à D’ieu et à la Tora.
«Prends les Léwiim du milieu des enfants d’Israël et purifie-les» rapporte : ceci confirme le texte(4) :
«L’Ét’ernel éprouve le juste, mais le méchant et le partisan de la violence, il les hait de toute son âme.»
L’Ét’ernel éprouve le juste : le Saint béni soit-Il n’élève l’homme à un pouvoir qu’après l’avoir éprouvé et examiné. Si l’épreuve est concluante, il l’élève. Ainsi constatons-nous à propos de notre père Abraham : Mis à l’épreuve à dix reprises et les ayant surmontées, le Saint béni soit-Il, bénit Abraham tel qu’il est dit(5) :
«Et l’Ét’ernel avait béni Abraham en toutes choses.»
Ce fut le cas de Yitshaq. Ayant surmonté l’épreuve [divine] au temps d’Abimèlèkh, Il le bénit tel qu’il est dit(6) :
«Yitshaq sema dans ce pays-là et recueillit, cette même année, au centuple tant le Seigneur le bénissait.»
Yaâqov, notre père, fut également éprouvé par toutes les souffrances à propos de Êssaw, de Rahèl, de Dina et de Yossèf. Comment est-il sorti de la maison paternelle? Il est dit(7) :
«Avec mon bâton, j’avais passé ce Yardène». Ensuite, D’ieu le bénit(8) :
«D’ieu apparut de nouveau à Yaâqov, à son retour du territoire d’Aram, et Il le bénit.
Yossèf, ayant subi l’épreuve de la femme de Potifar, fut jeté en prison, douze années durant. À sa sortie, il fut nommé roi parce qu’il avait surmonté ces épreuves. C’est là la signification de «l’Ét’ernel éprouve le juste.»
La tribu de Léwi avait assumé le sacrifice de soi pour sanctifier le Nom du Saint béni soit-Il. Israël en Égypte avait délaissé la Tora et la mila, , circoncision, puisque Yéhèzqèl le leur reproche(9) :
«Ainsi parle le Seigneur D’ieu : le jour où J’ai fait choix d’Israël, où J’ai levé la main pour la postérité de la maison de Yaâqov, où Je me suis révélé à eux au pays d’Égypte…»
Qu’est-il rapporté par la suite(10)?
«Mais ils se sont mutinés contre moi, ils n’ont pas consenti à écouter, ils n’ont pas abandonné les idoles de l’Égypte, et Je songeais à épancher Mon courroux sur eux, à assouvir sur eux Ma colère au milieu du pays d’Égypte.»
Que fit le Saint béni soit-Il? Il frappa l’Égypte de ténèbres pendant trois jours afin de faire périr tous les impies d’Israël ainsi qu’il est dit(11) :
«Et je trierai parmi vous ceux qui se révoltent et pèchent contre moi…» ; et il est dit(12) :
«Le figuier embaume par ses jeunes pousses», ce sont les impies d’Israël,
«les vignes en fleur répandent leur parfum», il s’agit de ceux qui, s’étant repentis, furent réintégrés;
«Debout mon amie, ma toute belle et viens-t’en!», car le temps de la délivrance a sonné!
Mais la tribu de Léwi était composée de justes pratiquant la Tora ainsi qu’il est dit(13) :
«Uniquement fidèle à ta parole, gardien de Ton Alliance», autrement dit, la mila, la circoncision. Bien plus! Au moment où Israël avait fait le veau [d’or], la tribu de Léwi n’avait pas pris part, ainsi qu’il est dit(14) :
«Et Mochè se posta à la porte du camp… et tous les Léwiim se groupèrent autour de lui.»
Comme Mochè leur demande :
«Que chacun de vous s’arme de son glaive!», ils s’y conformèrent sans réserve. Mochè les bénit(15) :
«Qui dit de son père et de sa mère : «je ne les considère point…» Et le Saint béni soit-Il, constatant qu’ils étaient tous des justes, les mit à l’épreuve. L’ayant subie avec succès, tel qu’il est dit(16) :
«Que tu as éprouvé à Massa», [D’ieu] dit aussitôt :
«Que les Léwiim soient à moi» afin que s’accomplisse le texte : «L’Ét’ernel éprouve le juste.»
En revanche, il est écrit à propos des impies «mais le méchant et le partisan de la violence, il les hait de toute son âme.» Et c’est ce qu’exprime David(17) :
«Heureux celui qui craint l’Ét’ernel, qui marche dans Ses voies!»
Pour ce midrache, l’épreuve élève le tsaddiq. Le nissayone, épreuve, dérive de nès, élever sur un étendard.
Cependant, il est surprenant que D’ieu ait à éprouver un tsaddiq. En effet, n’a-t-il pas justement montré assez son attachement à D’ieu pour qu’il soit nécessaire de l’éprouver davantage?
Le tsaddiq pourrait être fidèle à D’ieu par convenance ou par crainte. L’amour de D’ieu s’exprime surtout lorsque le tsaddiq affronte des peines et des souffrances et, malgré tout, reste attaché à son Créateur.
C’est le cas d’Abraham. Les dix épreuves suivant une courbe ascendante : du départ commandé de son pays jusqu’au sacrifice de son fils, en passant par toutes les souffrances subies auprès de Parô et d’Abimèlèkh à propos de Sara ainsi que la circoncision à l’âge de 99 ans, mettent en évidence l’amour d’Abraham pour D’ieu. Son attachement à D’ieu justifie également la bénédiction divine accordée à Abraham. La bénédiction est, en retour, l’expression de l’attachement de D’ieu à Abraham.
Yitshaq est l’héritier de son père. Il poursuit et maintient son enseignement. Faut-il l’éprouver également? Oui, car D’ieu pense lui donner l’occasion de s’élever par son mérite personnel. La bénédiction réservée à Yitshaq est celle qu’il aura méritée.
Abimèlèkh renvoie Yitshaq. Tout puits qu’il creuse est contesté. Sa réussite devient une source de jalousie et de haine. Mais son attachement à D’ieu lui donne le courage nécessaire de surmonter toutes ces épreuves, ce qui lui procure la bénédiction divine.
Les épreuves de Yaâqov sont d’une tout autre nature. Elles se rattachent toutes à sa propre famille.
Êssaw le poursuit de sa haine, il veut le tuer. En fuite, Yaâqov perd toutes ses possessions à tel point qu’il traverse le Yardène avec son seul bâton. La mort de Rahèl, son épouse bien-aimée, après avoir frôlé l’extermination par son beau-père Labane, n’a pas entamé son amour pour D’ieu. Plus tard, la disparition de Yossèf n’altère pas non plus son attachement pour D’ieu.
Ces épreuves sont encore plus dramatiques car elles visent, en plus de Yaâqov, son entourage immédiat, des êtres particulièrement chers. Aussi Yaâqov reçoit-il en retour les bénédictions divines.
Yossèf fera l’objet d’une épreuve singulière. Elle s’adresse à l’être même de Yossèf, à ses sentiments. Elle fait de plus appel au système de séduction et de tentations dont dispose le Yètsèr ha-râ pour contraindre l’homme à se détacher de D’ieu.
Si Yossèf mérite le titre de tsaddiq, c’est surtout pour avoir opposé un non à la femme de son maître. Il se fait violence à lui-même, à ses sentiments, prouvant son attachement exclusif à D’ieu(18) : «Comment puis-je commettre un si grand méfait, dit-il, et offenser le Seigneur?» Maîtrisant ses sentiments, sa nature, Yossèf mérite la royauté. Il ne saurait régner sur les autres s’il était incapable de régner sur lui-même.
La tribu de Léwi présente des dispositions semblables. En Égypte, Israël abandonne l’étude de la Tora et la pratique de la Mila, la circoncision. Ces deux principes distinguent Israël des Nations. Ne pas les suivre revient à se détacher de D’ieu et s’assimiler aux autres peuples.
Mais D’ieu, pour épurer Israël, s’arrange à le débarrasser de tous les impies qui périrent en Égypte. Rares sont, en effet, ceux qui, impressionnés par les prodiges et les miracles divins, demeurent attachés à D’ieu.
Mais la tribu de Léwi ne cesse pas de montrer sa fidélité et son amour à D’ieu. Déjà en Égypte, les Léwiim obéissent à la Tora, pratiquent la Mila. Au désert, ils s’attaquent aux adorateurs du veau d’or, frappant de mort même les êtres qui leur sont chers. Ils ne tiennent pas compte de liens de fraternité. Père, mère, ou frère tombent sous leurs coups. Seuls comptent la fidélité et l’attachement à D’ieu. Cette épreuve, après la faute du veau d’or, donne à Léwi le mérite d’être au service divin en remplacement des premiers-nés d’Israël qui, jusqu’alors, avaient ce privilège. Cet attachement de la tribu de Léwi à D’ieu force D’ieu de la réserver pour son service.
En disant(19) :
«Tu distingueras ainsi les Léwiim entre les enfants d’Israël, de sorte que les Léwiim soient à Moi», le Midrache(20) précise : chaque fois qu’il est dit li, à Moi, cette appartenance demeure éternelle, dans ce monde comme dans le monde à venir.»
Êts Yossèf ajoute, en guise de commentaire :
«Étant l’appartenance de D’ieu qui est Ét’ernel, les Léwiim voient leur niveau de perfection et leur qédoucha, sainteté, élevées à jamais.»
Prends les Léwiim du milieu des enfants d’Israël, et purifie-les. Voici ce que tu leur feras pour les purifier : tu les aspergeras d’eau expiatoire. Ils passeront le rasoir sur tout leur corps, laveront leurs vêtements et se purifieront.
Prends les Léwiim du milieu des enfants d’Israël et purifie-les.
Rabbènou Béhayè exprime son émerveillement devant la sagesse de la Providence qui intercale le texte de l’investiture des Léwiim entre celui de la Ménora, du candélabre, et celui de la prescription du deuxième Pèssah.
En effet, l’ordre des textes, selon lui, se conforme-t-il à l’ordre des niveaux de qédoucha, sainteté. Le texte de la ménora, prescription relative aux Kohanim, précède celui de l’investiture des Léwiim qui, lui-même, se place avant la mitswa de Pèssah chèni, deuxième Pèssah, intéressant les impurs parmi tout Israël.
Mais Mèâm Loêz affirme que le lien entre les textes suit l’ordre naturel des choses. Après le recensement des premiers-nés d’Israël et des Léwiim qui les remplacent pour le service divin, D’ieu demande donc aux Léwiim de se purifier en vue de prendre possession de leur service.
Prends les Léwiim
Le verbe laqoah, se dit principalement pour se saisir d’un objet qui n’oppose aucune résistance à la volonté de l’homme. Comment peut-on l’employer quand il s’agit de désigner les Léwiim pour le service divin, service impliquant des sacrifices personnels qui pourraient soulever la réticence des Léwiim ou du moins leur désobéissance. Il s’agit en effet d’êtres humains, libres, qui se heurtent à quiconque tenterait d’imposer ses volontés.
Rachi reconnaît que prendre un être humain soulève la difficulté de l’irréductibilité de l’être humain. Il s’agit donc de contourner sa volonté. Aussi explique-t-il : «Attire-les par des paroles : «heureux êtes-vous qui avez la bonne fortune d’être serviteurs de D’ieu.» On ne saurait agir sur l’homme sans qu’il soit consentant. Les paroles et les expressions d’encouragement sont d’un grand secours pour emporter l’adhésion et le consentement.
Or ha-Hayim explique ainsi l’intention de Rachi : l’objectif visé est de constituer un camp particulier pour les Léwiim en raison de leur pureté et leur sainteté qui les distinguent d’Israël. En fait, en prescrivant purifie-les, le texte tient à souligner que cette distinction ne se justifie que par la pureté exceptionnelle et singulière des Léwiim.
Kéli Yaqar remarque qu’à propos des Léwiim le texte emploie parfois le terme laqoah», prendre(21) et souvent le terme natone, donner(22).
Le passage de laqoah à natone inspire au Midrache Tanhouma(23) : Prends les Léwiim revient à dire : «Prends-les pour Mon Nom, pour occuper une fonction.»
Les Léwiim sont distingués pour ce service en remplacement des premiers-nés. Laqoah signifie donc remplacer. L’élection des Léwiim, poursuit Kéli Yaqar, répond à trois objectifs : deux se situent au niveau du service et le troisième leur confère un privilège.
Concernant le service divin, il s’agit d’une part de l’ouvrage et du transport des objets du Michekane et, d’autre part, pour leur mission d’être une expiation pour les Bénè Yisraèl ainsi qu’il est dit(24) :
«Et J’ai donné [les Léwiim] comme adjoints à Aharone et à ses fils, entre les enfants d’Israël, pour faire l’office des enfants d’Israël dans la Tente d’assignation, l’ouvrage des Léwiim, et pour servir de rançon, expiation, aux enfants d’Israël : de peur qu’il n’y ait une catastrophe parmi les enfants d’Israël, si ceux-ci s’approchent des choses saintes.»
Les Léwiim agissent en remplacement des Bénè Yisraèl afin de les protéger contre toute catastrophe qui pourrait les atteindre. Pour cette raison, les Bénè Yisraèl devaient «imposer leurs mains sur les Léwiim», signifiant qu’ils les désignent comme sacrifice.
Cependant cette désignation ne vise aucunement l’expiation des premiers-nés pour leur participation dans la faute du veau d’or. Il n’est point logique ni juste que les Léwiim paient pour la faute commise par les premiers-nés. Elle répond néanmoins à la volonté de Yaâqov qui, voulant prélever la dîme de ses fils, consacre Léwi. En effet, Yaâqov avait douze enfants, plus Èfrayim et Ménachè, en tout quatorze. Mais en soustrayant les quatre premiers-nés issus des quatre femmes, il en reste dix. Il désigne Léwi comme maâssèr, dîme, en lui imposant deux missions : la première, physique, en assumant le travail du Michekane, et l’autre, spirituelle, celle de servir d’expiation aux Bénè Yisraèl. Ces deux missions constituent, en fait, le double du maâssèr, autrement dit le cinquième conformément à l’engagement de Yaâqov de donner de tout ce qu’il possède le double maâssèr(25). Aussi, pour cette raison, le verbe natone est-il répété(26) : nétounim, nétounim hèmma li, «car ils me sont réservés, à Moi, entre les enfants d’Israël.»
Néanmoins, lorsque le texte mentionne Laqoah c’est bien pour souligner que D’ieu lui-même les prend à son service en remplacement des premiers-nés, pour leur accorder ce privilège et cette prérogative.
Il confère aux Léwiim le pouvoir de prélever des récoltes des Bénè Yisraèl les téroumote, , et maâssèrote, prélèvements et dîmes. Léwi dérive de léwaya, accompagnement, car cette tribu est accompagnée de ces donations.
Tu les aspergeras d’eau expiatoire. Ils passeront le rasoir sur tout leur corps, laveront leurs vêtements et se purifieront.
Trois opérations sont nécessaires à la purification des Léwiim : les asperger d’eau expiatoire, raser tous les poils de leur corps, laver les vêtements, enfin immersion dans le bassin d’eau rituel, miqwè.
Rachi citant Rabbi Mochè ha-Darchane, dit :
«Les Léwiim étaient devenus la rançon des premiers-nés qui s’étaient adonnés à l’idolâtrie. Celle-ci est appelée «sacrifices offerts à des morts(27)» et le lépreux est appelé également mort(28). C’est pourquoi on les a obligés à se raser comme les lépreux.»
Sans doute, pour Rachi, les Léwiim sont-ils tenus de se purifier eux-mêmes bien que n’étant pas coupables de faute d’idolâtrie. Mais en remplaçant les premiers-nés, coupables de cette faute, ils procèdent à une telle purification.
Tana Débè Èliyahou Rabba(29) rapporte :
«Pourquoi Yéhèzqèl eut-il le mérite de ressusciter des morts? Parce qu’il était toujours attaché à Israël ainsi qu’il est dit(30) :
«ô toi, fils de l’homme! Veux-tu faire le procès, le procès de cette ville de sang?»
Pourquoi l’expression faire le procès est-elle répétée? Ainsi dit le Saint béni soit-Il à Yéhèzqèl : «il nous convient, toi et Moi, de reprocher à Israël [sa conduite].»
Yéchouôte Yaâqov commente : Yéhèzqèl, s’associant à Israël au point d’assumer tous ses malheurs afin de lui apporter le pardon divin et expier ses fautes, eut le mérite de l’inciter à la Téchouva, au repentir.
C’est ainsi également que Chémouèl agit(31) :
«Ils s’assemblèrent à Mitspa; là on puisa de l’eau qu’on répandit devant le Seigneur(32)…» Ont-ils répandu de l’eau vraiment? Mais le texte enseigne qu’ils ont épanché leur coeur comme de l’eau. Chémouèl dit :
«Nous avons péché devant l’Ét’ernel.»
Rabbi Chémouèl, fils de Rab Yitshaq, dit : Chémouèl s’est mis à la place d’Israël et dit : Maître de tous les mondes, sans doute juges-Tu l’homme parce qu’il assure : Je n’ai point fauté tel qu’il est dit(33) :
«Mais voici que je t’appelle en justice pour avoir dit : «Je n’ai point failli». Maintenant tout Israël crient devant Toi : «nous avons failli.»
Ainsi donc, en se substituant à tout Israël, en assumant également les fautes du peuple, Chémouèl put ramener à la Téchouva Israël.
Les Léwiim assument également les fautes des premiers-nés pour obtenir leur expiation.
Puis ils prendront un jeune taureau, avec son oblation : de la fleur de farine pétrie à l’huile; et un autre jeune taureau, que tu recevras comme expiatoire.
Cette expiation est obtenue par les offrandes suivantes :
Ils prendront un jeune taureau,
Ce sacrifice est un holocauste. Il représente le sacrifice de la communauté, pour le péché de l’idolâtrie(34).
Et un autre jeune taureau
Ce deuxième sacrifice est un expiatoire. Cependant le texte précise un autre, pour bien souligner que l’expiatoire, comme l’holocauste, ne doit pas être mangé. Bien que l’expiatoire pour l’idolâtrie doit être un bouc, par dérogation exceptionnelle ce sacrifice est un jeune taureau(35).
Il s’agit donc d’une indication précise sur la nature de l’idolâtrie à expier. L’obligation d’offrir un jeune taureau au lieu du bouc fait référence à la faute du veau d’or.
Tu feras avancer les Léwiim devant la Tente d’assignation, et tu assembleras toute la communauté des enfants d’Israël. Tu feras avancer les Léwiim en présence du Seigneur, et les enfants d’Israël imposeront leurs mains sur les Léwiim.
Tu feras avancer les Léwiim devant la Tente d’assignation.
Pour Haâmèq Davar, les Léwiim, devant se préparer à la cérémonie d’investiture, se présenteront devant la Tente d’assignation. Là toute la Communauté d’Israël sera rassemblée, afin de procéder à l’imposition des mains sur les Léwiim.
Rachi précise :
«Puisque les Léwiim étaient désignés comme expiation pour la communauté d’Israël, celle-ci devait venir se placer près de leur sacrifice et imposer les mains sur eux.»
Et Aharone fera le balancement des Léwiim devant le Seigneur, de la part des enfants d’Israël, pour qu’ils soient consacrés au service du Seigneur.
Et Aharone fera le balancement des Léwiim devant le Seigneur.
Aharone agit à l’égard des Léwiim comme il le ferait pour le délictif du lépreux, , acham métsorâ, qui demande le balancement pendant que l’animal est vivant. Trois fois le terme ténoufa, balancement, est employé.
Rachi et Rabbènou Béhayè, tous deux, diront :
«Le premier est pour les fils de Qéhate à propos desquels il est dit : «Pour qu’ils soient consacrés au service de D’ieu», car le service du Saint des Saints leur incombait, l’arche, la table, le candélabre et les autels.
Le deuxième est pour les fils de Guerchone. Il est dit à leur propos(36) «Un balancement à l’intention de D’ieu», car il incombait à eux aussi un service au sanctuaire, les tapis et les solives visibles dans le Saint des Saints.
Enfin le troisième est pour les fils de Mérari qui étaient tenus de porter les solives du Michekane, ses traverses, ses piliers et ses socles. À leur propos il est dit(37) ténoufa, balancement, sans que soit mentionné ni un balancement devant D’ieu, ni à l’intention de D’ieu. Mais à la fin(38), le texte reprend : «Aharone effectuera leur balancement devant l’Ét’ernel» pour bien souligner, souligne Rabbènou Béhayè, que tous sont chers aux yeux de D’ieu.»
Qohèlète Rabba(39) rapporte qu’Aharone avait balancé en ce jour 22,000 Léwiim. Cela tenait du miracle. L’imposition des mains sur les Léwiim par tout Israël tenait aussi, pour le midrache, du miracle.
Pour Hazéqouni, ce sont seulement les premiers-nés qui imposèrent leurs mains sur les Léwiim, chaque premier-né imposant les mains sur le Léwi qui devait le remplacer.
Mèchèkh hokhma remarque que ce passage mentionne treize fois Bénè Yisraèl. La faute du veau d’or, suscitant la colère divine, expose Israël à l’anéantissement. Mais les Léwiim, vengeant l’honneur de D’ieu, assurent le pardon divin après que Mochè eut invoqué les treize attributs de miséricorde de D’ieu.
Le rôle des Léwiim dans l’expiation du péché d’idolâtrie est capital. En effet, bien que pardonné, Israël ne saurait prétendre à l’expiation qu’après le remplacement, par les Léwiim, des premiers-nés dans l’exercice du service divin. Ce privilège revient naturellement à la tribu de Léwi car elle a toujours prouvé en toutes circonstances une fidélité absolue et un attachement indéfectible à D’ieu.
1. Bé-midbar 8, 5-14.
2. Bé-midbar Rabba 15, 9.
3. Bé-midbar 8, 6.
4. Téhillim 11, 5.
5. Bérèchit 24, 1.
6. id. 26, 12.
7. ibid. 32, 11.
8. Bérèchit 35, 9.
9. Yéhèzqèl 20, 5.
10. id. 20, 8.
11. Yéhèzqèl 20, 38.
12. Chir ha-Chirim 2, 13.
13. Dévarim 33, 9.
14. Chémot 32, 26.
15. Dévarim 33, 9.
16. id. 33, 8.
17. Téhillim 128, 1.
18. Bérèchit 39, 9.
19. Bé-midbar 8, 14.
20. Wayi-qra Rabba 2, 3.
21. Bé-midbar 8, 6, 16 et 18.
22. id. 16 et 19 etc..
23. Tanhouma, sidra Bé-ha-âlotékha paragr. 8.
24. Bé-midbar 8, 19.
25. cf. Bérèchit 28, 22.
26. Bé-midbar 8, 16.
27. Téhillim 106, 28.
28. Bé-midbar 12, 12.
29. cf. chap. 5.
30. Yéhèzqèl 22, 2.
31. Yérouchalmi Taânit 2, 7.
32. Chémouèl I 7, 6.
33. Yirmiya 2, 35.
34. cf. Bé-midbar 15, 24.
35. cf. Rachi sur le texte.
36. Bé-midbar 5, 13.
37. id, 15.
38. ibid, 21.
39. paragr. 12, 8.