L’offrande des Kohanim

«L’Ét’ernel parla à Mochè en ces termes : «Voici l’offrande qu’Aharone et ses fils présenteront au Seigneur, chacun au jour de son onction : un dixième d’èfa de fleur de farine, comme oblation, régulièrement; la moitié le matin, l’autre moitié le soir. Cette oblation, accommodée à l’huile dans une poêle, tu l’apporteras bien échaudée, pâtisserie d’oblation divisée en morceaux, que tu offriras, comme odeur agréable, à l’Ét’ernel. Tout pontife, appelé par l’onction à lui succéder parmi ses fils, fera cette oblation. Tribut invariable offert à l’Ét’ernel, elle doit être entièrement consumée. De même, toute oblation d’un pontife, sera brûlée entièrement, on n’en mangera point(1).»
Après qu’elle eut précisé la règle de la ôla, l’holocauste, la Tora livre la règle de la Minha, l’oblation. Mais la Tora rompt avec l’énumération des autres sacrifices pour traiter de l’offrande d’Aharone et de ses fils qu’ils présenteront le jour de leur onction.

Le Yalqout Chimôni(2), abordant le verset(3) :

«Voici l’offrande d’Aharone…» rapporte : c’est bien ce que le texte exprime(4) :

«C’est D’ieu qui est l’arbitre : il abaisse l’un, il élève l’autre. Nos maîtres appliquent ce verset à Aharone car par le terme Zè, voici, il fut abaissé et par le terme Zè, voici, il fut élevé. Il fut abaissé par Zè tel qu’il est dit(5) :

«Je l’ai [l’or] jeté au feu, il en est sorti le veau que voici. Il fut élevé par Zè tel qu’il est dit : Voici l’offrande d’Aharone et ses fils..».

Autre explication : «Voici l’offrande d’Aharone et ses fils…». C’est bien ce que le texte exprime(6) :

«Et il [Chimchone] leur dit : «Du mangeur est sorti un aliment, et du fort est sortie la douceur. Chimchone, étonné, s’écrie : Assurément, le lion mange toutes les bêtes, [comment] de lui peut-il sortir un aliment? Ainsi, Aharone et ses fils mangent tous les sacrifices, et c’est à leur tour d’offrir un sacrifice tel qu’il est dit :

«Voici l’offrande d’Aharone et ses fils».

Rav Aïdi dit : David désirait offrir les sacrifices des Princes des tribus tel qu’il est rapporté(7) :

«Je t’offrirai des [brebis] grasses comme holocaustes avec, la fumée des béliers. J’immolerai des taureaux ainsi que des boucs. Sèla!» Nulle autre offrande ne comporte à la fois des taureaux, des béliers et des boucs que celle des Princes des tribus tel qu’il est dit(8) :

«Puis, pour le sacrifice de rémunération deux taureaux, cinq béliers, cinq boucs, cinq agneaux d’un an…

Rabbi Yéhouda, Rabbi Néhèmya et nos Maîtres [expriment chacun leur opinion].

Rabbi Yéhouda dit : le sacrifice des Princes, est aussi cher pour le Saint béni soit-Il que le cantique entonné par Israël sur la mer [Rouge]. A propos du cantique il est écrit(9) :

«Voilà Zè, mon D’ieu, je Lui rends hommage» et à propos de l’offrande des Princes il est dit(10) :

«Telle, Zè, est l’offrande de Nahchone fils de Âminadav.

Rabbi Néhèmya dit : l’offrande des Princes est aussi chère aux yeux du Saint béni soit-Il que les deux tables de l’Alliance. A propos des tables de l’Alliance, il est écrit(11) :

«Les tables écrites sur leurs deux faces, mi-zè oumi-zè, d’un côté et de l’autre, et à propos des Princes il est écrit : Telle, Zè, est l’offrande de Nahchone, fils de Âminadav.

Nos Maîtres disent : l’offrande d’Aharone est aussi chère devant le Saint béni soit-Il que celle des Princes. Ici il est dit : «Zè, voici l’offrande» et là, il est écrit : «voici l’offrande d’Aharone.

Rabbi Bérakhya dit : l’offrande d’Aharone est aussi chère devant le Saint béni soit-Il que les douze tribus. Comment? Zè a pour valeur numérique 12.»

Ce midrache est, à plusieurs titres, très intéressant. Tout au début, D’ieu élève Aharone dès qu’Il constate la sincérité de son repentir qui, pour les besoins de la réparation, emprunte le chemin suivi lors de la faute.

Cependant en quoi consiste la faute d’Aharone? En disant à Mochè : «J’ai jeté l’or au feu, et en est sorti le veau que voici», Aharone reconnaît que toute son intervention se limitait à collecter les bijoux et les jeter au feu. Mais le Talmoud tire un enseignement de la réponse d’Aharone. Il dit en substance(12) :

«L’homme doit, en toutes circonstances, faire attention à ses réponses car à cause de la réponse d’Aharone nombreux furent portés à l’incroyance tel qu’il est dit(13) :

«Je l’ai jeté au feu, et il en est sorti le veau que voici.»

Rachi explique qu’une telle réponse laisse croire que l’idolâtrie représente tout de même une certaine réalité et qu’Aharone croit en quelque sorte en la divinité du veau d’or.

Toutefois tout milite en faveur d’Aharone. En effet, n’était l’assassinat de Hour, tué pour s’être opposé à la volonté du peuple, Aharone ne se serait jamais laissé tenter à faire le veau.

La faute, si faute il y a, réside dans la perception que d’autres pourraient tirer de la réponse d’Aharone. En disant «il en est sorti le veau, que voici», Aharone donne l’impression d’accorder une valeur quelconque au veau. Ha-zè, indique une identification. Il n’est accordé d’identité qu’à celui qui en possède une.

Grâce à son repentir, Aharone assume toute la responsabilité de la faute, son intention étant de limiter les dégâts et faire patienter le peuple jusqu’au retour de Mochè, l’Ét’ernel reconnaît qu’il mérite tout de même un traitement de faveur. Il finit par le réhabiliter dans ses fonctions de Kohène Gadol, Grand Prêtre.

Ainsi pour cette réhabilitation, un sacrifice est nécessaire. L’Ét’ernel utilise donc le langage de la faute : Zè qorbane Aharone, voici l’offrande d’Aharone. Nos maîtres affirment toujours : D’ieu soigne par le bistouri qui sert pour punir. L’expression qui définit la faute est celle utilisée pour constater le repentir.

La suite du midrache tente d’expliquer l’emploi du terme, Zè, pour l’offrande d’Aharone. Par définition, chaque fois que le démonstratif apparaît dans la Tora, il existe une difficulté au niveau de la logique ou de la compréhension. D’ieu se suffit, il est vrai, pour l’expiation de la faute d’Aharone d’une offrande faite à partir de la fleur de farine. Ne devrait-il pas, puisque cette faute a marqué l’histoire d’Israël, offrir des sacrifices plus importants? L’auteur du midrache s’étonne que cette offrande se réduise à l’oblation de fleur de farine. Pour lui, c’est aussi nouveau et surprenant que du «mangeur soit tiré un aliment, et du fort la douceur.»

L’énigme que Chimchone propose à ses compagnons est en réalité une réflexion sur la puissance du héros qui voit ses forces l’abandonner. Cela rappelle justement le cas d’Aharone qui, habitué à lutter pour sanctifier le Nom de l’Ét’ernel, est contraint de produire aux Bénè Yisraèl une divinité. Son héroïsme consistant à lutter contre le mal a vite fait place au défaitisme absolu. Cet acte condamne Aharone à réparer par le , qorbane, lui, dont le rôle est de réparer, par le sacrifice, les fautes des autres. Il est, tel le lion qui, de mangeur, devient source d’aliment.

Par la suite le midrache cherche à établir un parallèle entre l’offrande d’Aharone et la traversée de la mer Rouge d’une part et, d’autre part, la comparer aux Tables de l’Alliance pour finalement en faire l’égale des sacrifices des Princes dont la valeur et l’importance excitaient la convoitise de David. L’offrande des Princes présentée le jour de l’inauguration du Michekane est d’une valeur exceptionnelle puisqu’elle vise surtout non pas la réparation d’une faute mais l’action de grâces à D’ieu pour avoir placé Sa résidence parmi Israël. La présence divine avait ramené l’harmonie et l’unité entre D’ieu et Israël.

L’offrande d’Aharone serait donc de cette qualité. Elle n’a point pour but de réparer une faute quelconque. Bien au contraire, elle souligne l’innocence d’Aharone dont le souci constant était de préserver l’unité et l’harmonie d’Israël.

Rabbi Bérakhya va plus loin. L’offrande d’Aharone équivaut à celle des douze Princes. En effet, pour lui les actions de grâces ne sauraient être considérées comme telles que si toutes les tribus étaient représentées. Sans doute, Aharone se voyant privé de la possibilité de participer aux offrandes de l’inauguration, trouve-t-il compensation le jour de son onction en lui demandant d’offrir un qorbane équivalent à toutes les offrandes des douze Princes.

Toutefois l’offrande d’Aharone inspire à Rabbi Yéhochouâ de Sikhnine au nom de Rabbi Léwi la réflexion suivante. Il dit :

«Viens voir combien le Saint béni soit-Il se soucie des biens d’Israël! Il dit : quiconque est obligé d’offrir un sacrifice, qu’il le choisisse du gros bétail(14) :

«Si cette offrande est un holocauste pris dans le gros bétail. Il ne peut le prendre dans le gros bétail, qu’il offre un agneau(15) :

«Son offrande consiste-t-elle en une brebis. Ne le pouvant pas qu’il offre une chèvre(16) :

«Que si son offrande est une chèvre. Ne trouvant pas la chèvre, qu’il choisisse parmi la volaille :

«Si c’est un oiseau qu’on veut offrir en holocauste. Et s’il(17) n’est pas en mesure d’offrir l’oiseau, qu’il présente la fleur de farine(18) :

«Un dixième d’èfa(19), de fleur de farine, comme oblation régulièrement.»

En outre, tous les sacrifices ne sont jamais partagés, mais l’offrande d’Aharone se présente en deux moitiés, l’une le matin et l’autre le soir. De plus, l’auteur de l’offrande est considéré comme s’il offre des sacrifices d’une extrémité à l’autre du monde tel qu’il est dit(20) :

«Certes! du levant du soleil à son couchant Mon Nom est glorifié parmi les peuples, en tous lieux, on Me présente de l’encens, des sacrifices, de pures offrandes, car Mon Nom est grand parmi les peuples dit l’Ét’ernel Tsébaote.»

Ainsi donc l’offrande d’Aharone, bien que ne consistant qu’en un dixième d’èfa de fleur de farine, offerte moitié le matin moitié le soir, est aussi importante aux yeux de l’Ét’ernel comme s’il avait sacrifié de nombreuses bêtes. Aharone agissant comme Kohène Gadol, a la mission de maintenir l’harmonie et la plénitude entre D’ieu et Israël.

Voici l’offrande qu’Aharone et ses fils présenteront au Seigneur, chacun au jour de son onction : un dixième d’èfa de fleur de farine, comme oblation, régulièrement; la moitié le matin, l’autre moitié le soir.

Voici l’offrande qu’Aharone et ses fils présenteront au Seigneur.

Rav Alchèkh s’étonne que, s’agissant essentiellement d’Aharone, le texte ne soit point précédé par «Ordonne à Aharone et à ses fils», comme ce fut le cas pour les règles de la Ôla. Il se contente, en revanche, de souligner : «Voici l’offrande d’Aharone».

Considérant l’offrande d’Aharone qui consiste en un dixième d’èfa de fleur de farine, grande est notre surprise de constater que cette offrande sera celle du plus démuni parmi Israël. Pourtant Aharone est bien loin d’être pauvre! Et quand bien même le serait-il, s’agissant de l’offrande du jour de son onction, jour de son investiture en tant que Kohène Gadol, ses frères sont tenus de l’enrichir!

Mais D’ieu se contente, alors qu’Il peut exiger davantage, de cette petite quantité de fleur de farine pour bien signifier toute Son affection à Aharone.

Haâmèq Davar rapporte que l’offrande d’Aharone se compose finalement des quatre sortes d’oblation qu’offre un particulier. Ainsi, au départ, elle consiste en un dixième d’èfa de fleur de farine, accommodée à l’huile dans une poêle, ensuite mourbèkhète, bien échaudée, enfin cuite au four.

La raison pour laquelle D’ieu recommande aux Kohanim Guédolim, Grands Prêtres, d’offrir tous les jours ces quatre sortes d’oblation, consiste justement à expier la corruption des valeurs morales de l’homme. La mission des Kohanim était de maintenir la paix et l’harmonie dans la société, éviter les querelles entre un homme et son prochain, éviter une détérioration dans le comportement moral des Bénè Yisraèl. Ainsi pour Haâmèq Davar, cette oblation des Kohanim est en fait une offrande pour expier les faiblesses et les fautes au cours de leur mission.

Qu’ils présenteront au Seigneur.

Les prêtres ordinaires offrent également un dixième d’èfa le jour de leur initiation au service sacré, mais le Kohène Gadol l’offre chaque jour, ainsi que le texte le précise : oblation régulière(21), . Cependant, l’offrande du Kohène Gadol, dont la moitié est offerte le matin et l’autre moitié le soir, est prise sur son propre argent.

Haâmèq Davar dit que les Kohanim ordinaires offrent en premier leur oblation le jour de leur investiture; le Kohène Gadol, en revanche, sacrifie quotidiennement, en fait, pour tous.

La moitié le matin et l’autre moitié le soir.

L’oblation du Kohène Gadol, par sa régularité et par sa répartition sur la durée de la journée marquant ainsi le début et la fin du service sacré, agit, comme les deux sacrifices quotidiens dont le rôle est d’assurer l’expiation à tout Israël en apportant la protection à tous les Kohanim. Ainsi les Kohanim, dont le rôle est d’assurer à Israël l’expiation au moyen des sacrifices, doivent eux-mêmes, se sentir protégés. Ils le sont par l’oblation du Kohène Gadol.

Cette oblation, accommodée à l’huile dans une poêle, tu l’apporteras bien échaudée, pâtisserie d’oblation divisée en morceaux, que tu offriras, comme odeur agréable, à l’Ét’ernel.

Cette oblation était ainsi préparée :

Cette oblation, accommodée à l’huile dans une poêle, tu l’apporteras bien échaudée,

Elle est échaudée, autrement dit détrempée dans l’eau bouillante, tant que l’opération s’avère nécessaire.

Pâtisserie d’oblation divisée en morceaux,

Elle est cuite à plusieurs reprises. Après l’avoir ébouillantée et cuite en morceaux au four, on la fait frire dans la poêle.

Cette oblation composée de pains azymes montre bien que, dans ce sacrifice, ne saurait intervenir le yètsèr ha-râ symbolisé par le levain. Mais elle subit ces trois opérations pour bien souligner que le yètsèr ha-râ est traqué afin de le faire disparaître sous toutes les formes de cuisson, échaudée, frite et cuite avant de la couper en morceaux et être entièrement consumée. Il est nécessaire, en effet, que le Kohène, dont la tâche est d’apporter à Israël l’expiation pour les fautes provoquées par les tentations du yètsèr ha-râ, ne tombe point lui-même sous son emprise.

Tout pontife, appelé par l’onction à lui succéder parmi ses fils, fera cette oblation. Tribut invariable offert à l’Ét’ernel, elle doit être entièrement consumée.

Elle doit être entièrement consumée.

L’oblation du Kohène, appelé par l’onction à succéder à Aharone parmi ses fils, sera entièrement consumée. Cette précision, reprise dans le verset suivant, sera brûlée entièrement, est encore renforcée par on n’en mangera point, .

Rabbènou Béhayè déduit du texte : Toute oblation d’un Kohène, non d’une Kohènète, l’épouse d’un Kohène, sera entièrement brûlée. Celle de l’épouse d’un Kohène est consommée.

Toutefois reste à savoir pour quelle raison le Kohène ne peut consommer son oblation! Rambam, dans le Guide des Égarés(22), dira qu’un Kohène offre lui-même son propre sacrifice. Et s’il devait, après l’avoir présentée, manger son oblation, c’est comme s’il n’avait point fait d’offrande. En effet, pour l’oblation d’un particulier, après que le Kohène ait prélevé une poignée de la fleur de farine et l’encens qui la couvre pour les brûler, il mange tout ce qui reste. Mais s’il consomme de son oblation, il aurait l’impression de n’avoir rien offert. Ainsi, manger apporte en fait l’expiation. Le Kohène, en consumant sur l’autel son oblation, est assuré de l’expiation.

Mèchèkh Hokhma écarte également la possibilité que les autres Kohanim consomment cette oblation car, ce faisant, cela donnerait l’impression de l’avoir lui-même mangée.

Ainsi l’offrande d’Aharone ou du Kohène Gadol est d’une importance considérable car c’est grâce à elle que les Kohanim peuvent, une fois assurés de leur expiation, être en mesure d’apporter le rétablissement de la plénitude et de l’harmonie à tout Israël.

  1. Wayi-qra 6, 12-16.
  2. Tsaw paragr. 486.
  3. Wayi-qra 6, 13.
  4. Téhillim 75, 8.
  5. Chémot 32, 24.
  6. Chofétim 14, 14.
  7. Téhillim 66, 15.
  8. Bémidbar 7, 17.
  9. Chémot 15, 2.
  10. Bémidbar 7, 17.
  11. Chémot 32, 15.
  12. Méguila 25b.
  13. Chémot 32, 24.
  14. Wayi-qra 1, 3.
  15. id. 3, 7.
  16. ibid. 3, 12.
  17. Wayi-qra 1, 14.
  18. id. 6, 13.
  19. N.B. Une Èfa est une mesure de solide. Elle pèse trois Séim et une Sèa pèse environ 7,200kg. 1/10 de Èfa représente par conséquent 2kg environ.
  20. Mal’akhi 1, 11.
  21. Rachi sur le texte.
  22. 3, 46.

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