Réhabilitation d’Aharone
L’Ét’ernel parla à Mochè en ces termes : Ordonne à Aharone et à ses fils ce qui suit : Ceci est la règle de l’holocauste. C’est le sacrifice qui se consume sur le brasier de l’autel, toute la nuit jusqu’au matin; le feu de l’autel y doit brûler de même. Le pontife revêtira son habit de lin, après avoir couvert sa chair du caleçon de lin; il enlèvera sur l’autel la cendre de l’holocauste consumé par le feu, et la déposera à côté de l’autel.
Il dépouillera ses habits et en revêtira d’autres, pour transporter les cendres hors du camp, dans un lieu pur. Quant au feu de l’autel, il doit y brûler sans s’éteindre : le pontife y allumera du bois chaque matin, y arrangera l’holocauste, y fera fumer les graisses du rémunératoire. Un feu continuel sera entretenu sur l’autel, il ne devra point s’éteindre Wayi-qra 6, 1-6..
Tsaw, , est la suite logique de Wayi-qra, . Elle s’ouvre sur les recommandations concernant la ôla, , l’holocauste.
Le Midrache Yalqout sur Wayi-qra 6, 2. citant le texte Wayi-qra 6, 1-2. :
L’Ét’ernel parla à Mochè en ces termes : ordonne à Aharone et à ses fils ce qui suit…, dit : C’est bien ce qu’exprime le verset Téhillim 89, 7. :
Car qui, au-dessus des nuages, rivalise avec l’Ét’ernel, égale le Seigneur parmi les fils des dieux? Bil’âm, l’impie, défenseur des nations, dit Mikha 6, 7. :
L’Ét’ernel prendra-t-il plaisir à des hécatombes de béliers à des torrents d’huile par myriades?
D’ieu agrée ce que vous lui sacrifiez. Un log N.B. Mesure de liquide., , d’huile [est plus apprécié] que des torrents par myriades. Que lui a offert Abraham? Un seul bélier, tel qu’il est dit Bérèchit 22, 13. :
Abraham levant les yeux, remarqua un bélier…. Si [D’ieu] voulait, nous Lui en aurions offert des milliers. Et que lui a offert [d’autre] Abraham? Son fils! Je lui aurais offert mon fils et ma fille tel qu’il est dit Mikha 6, 7. :
Donnerai-je mon premier-né pour ma faute, c’est mon fils, le fruit des mes entrailles comme rançon expiatoire de ma vie? Ma vie, n’est autre que sa fille! Vois comme Bil’âm l’impie est rusé? Il a commencé par dire Bémidbar 23, 4. : J’ai dressé les sept autels. Il n’a point dit desautels mais bien les sept autels. Il dit :
Depuis la création de l’homme, sept autels furent dressés. En revanche, j’en dresse, à moi seul, sept. À qui fait-il penser cet impie? À ce boucher qui, voyant le percepteur contempler sa boucherie pleine de viande, lui dit : mon maître, j’ai déjà envoyé de la viande grasse chez toi. Ainsi agit Bil’âm.
Le Saint béni soit-Il l’interroge : impie, que fais-tu? Il lui répond : J’ai dressé les sept autels et j’ai offert un taureau et un bélier sur chaque autel. Le Saint béni soit-Il reprend : si Je voulais un sacrifice J’aurais demandé à Mikhaèl et Gabrièl et ils Me l’auraient offert tel qu’il est dit : Car qui est au-dessus des nuages, rivalise avec l’Ét’ernel, égale le seigneur parmi les fils de dieux? Autrement dit, parmi les fils d’Abraham et Yitshaq qui sont les puissants du monde! Je n’accepte des sacrifices que d’Israël tel qu’il est dit : Ordonne à Aharone et à ses fils ce qui suit.
Le midrache met l’accent sur le privilège accordé à Israël en lui permettant d’offrir des sacrifices. Cela indique l’affection toute particulière que D’ieu témoigne à Israël. Sans les sacrifices, le monde ne saurait exister. Ce qui revient à dire que l’existence du monde tient sur Israël qui, lui, en plus de la possibilité de réparer les fautes par des sacrifices, a le devoir de veiller à l’harmonie et à la l’unité du monde.
Cependant le Wayi-qra Rabba sur la sidra citant le verset Michelè 10, 12. :
La haine suscite des querelles, dit : la haine, suscitée par Aharone entre Israël et leur Père céleste, provoque des querelles, autrement dit de nombreux jugements et châtiments.
Rabbi Assi enseigne : Aharone Selon une autre lecture il s’agit non d’Aharone mais du Saint béni-soit Il. leur présente La corne des sacrifices et l’ouvrait. le sacrifice disant : sachez qu’il n’a pas de valeur réelle. C’est ce que le Saint béni soit-Il dit Chémot 32, 33. :
Celui qui a prévariqué envers Moi, c’est lui que J’effacerai de Mon livre selon le texte Dévarim 9, 20. :
Aharone aussi avait gravement irrité l’Ét’ernel, qui voulait l’anéantir.
Rabbi Yéhochouâ Diskénine au nom de Rabbi Léwi dit : l’anéantissement décrété à propos [d’Aharone] n’est autre que la perte de ses enfants ainsi qu’il est dit Âmos 9, 1. :
Je ferai périr son fruit.. Mais le texte affirme Michelè 10, 11. :
L’amour couvre toutes les fautes, il s’agit de la prière que Mochè invoque en faveur d’Aharone. Et quelle a été cette prière?
Rabbi Mani Diskénine au nom de Rabbi Léwi dit : du début du livre [Wayi-qra] jusqu’ici, il est écrit Les fils d’Aharone sacrifieront, les fils d’Aharone donneront, les fils d’Aharone dresseront, les fils d’Aharone offriront l’encens.
Mochè dit devant le Saint béni soit-Il : le puits est rejeté et ses eaux appréciées! Aux arbres Tu accordes un privilège en raison de leurs fruits comme l’enseigne la Michena Tamid Chap. 2, paragr. 3. :
Tous les arbres sont aptes pour le bûcher [de l’autel] en dehors de l’olivier et de la vigne N.B. parce que des libations d’huile et de vin étaient présentées sur l’autel.. Que n’accordes-Tu pas à Aharone le même privilège au nom de ses enfants?
Le Saint béni soit-Il répond : par ta vie, en raison de ta prière, Je le rapprocherai. Bien plus, Je ferai de lui le principal et ses enfants secondaires, ainsi qu’il est dit : Ordonne à Aharone et à ses enfants.
D’après ce midrache, Aharone était rejeté et écarté du service divin à cause de la faute du veau d’or.
En principe, ce rejet se justifie en vertu de la règle un accusateur ne saurait être défenseur, , Èn qattègor naâssa sannègor. Or Aharone fut à l’origine de la faute du veau d’or nécessitant, afin de ramener la chékhina parmi Israël, la construction du Michekane. Aharone, au nom de ce principe, ne pouvait nullement prétendre à occuper les fonctions de Kohène Gadol, , Grand Prêtre, dans le Michekane. N’était la prière de Mochè, Aharone n’aurait jamais retrouvé sa dignité de Kohène Gadol.
Ordonne à Aharone et à ses fils ce qui suit : Ceci est la règle de l’holocauste. C’est le sacrifice qui se consume sur le brasier de l’autel, toute la nuit jusqu’au matin; le feu de l’autel y doit brûler de même.
Ordonne à Aharone et à ses fils.
Le nom d’Aharone ne figure pas dans toute la sidra Wayi-qra, . En effet, tout au long de cette sidra, il n’est question que des fils d’Aharone. Mais au moment d’ordonner les lois concernant les sacrifices quotidiens subitement le nom d’Aharone apparaît en même temps que ses fils. Pourquoi?
Pour Ahabat Yéhonatane, toute la durée de la traversée du désert, les Bénè Yisraèl n’avaient pas offert des sacrifices volontaires, , qorbanote nédava wé-nèdarim, offrandes rémunératoires, , ou expiatoires, . Seuls étaient offerts les sacrifices quotidiens, , ou supplémentaires, et collectifs, dépendant d’un temps fixe. Et, comme la sidra Wayi-qra traite surtout des sacrifices individuels que les fils d’Aharone sont appelés à sacrifier une fois les Bénè Yisraèl installés en Kénaâne, le nom d’Aharone n’est pas mentionné puisqu’il n’y entrera pas.
Mais dans la sidra de Tsaw, s’agissant des sacrifices quotidiens ayant cours dans le désert, le nom d’Aharone apparaît. Cette explication suppose donc qu’Aharone sera plus tard frappé d’interdit de pénétrer en Èrèts Kénaâne, , bien avant que D’ieu n’ait décrété le châtiment à l’encontre d’Aharone. Ne faut-il pas voir dans la faute du veau d’or la raison essentielle de ce châtiment puisque le midrache souligne que D’ieu ne mentionne le nom d’Aharone qu’après la prière de Mochè.
Rachi, rapportant Torat Kohanim, , explique que Tsaw, , ordonne, ne saurait exprimer en réalité qu’un appel à l’accomplissement enthousiaste et ardent du sacrifice ôla, , holocauste, aussi bien dans l’immédiat que pour les générations à venir.
Pour Rabbi Chimône, cet appel est d’autant plus nécessaire et important qu’il implique un manque à gagner.
Selon Or ha-Hayim, l’incitation à l’accomplissement enthousiaste dans l’immédiat et dans le futur se justifie. Pour ce qui est de l’immédiat, la ôla, , l’holocauste, contrairement aux autres sacrifices, obéit en fait à un ensemble de lois ayant cours également durant la nuit.
Concernant le futur, les Bénè Yisraèl commettraient l’erreur de penser que les sacrifices quotidiens dont la ôla cesseront d’avoir cours aussitôt après leur entrée en Kénaâne. Les déplacements dans le désert prenant fin, croient-ils à tort, les sacrifices quotidiens n’auront plus de raison d’être. Aussi Torat Kohanim précise que cet ordre relatif aux sacrifices quotidiens s’adresse également aux générations à venir, autrement dit après la traversée du désert.
Quant à Rabbi Chimône, il met l’accent sur la nécessité d’accomplir cet ordre même si le manque à gagner était évident pour les Kohanim en raison du grand dérangement causé tant au niveau de l’exercice pénible relatif au maintien du feu toute la nuit pour consumer la ôla qu’au niveau de son propre ouvrage qu’il doit négliger et abandonner pour s’occuper de ce sacrifice. Par ailleurs la Ôla est un sacrifice qui ne rapporte rien au Kohène si ce n’est la peau de la victime qui, seule, lui revient. Il pourrait être tenté dans ce cas de privilégier d’autres sacrifices dont il tire plus avantage tels que les rémunératoires et expiatoires.
Mais Or ha-Hayim précise que le Kohène a l’obligation d’entretenir un feu continuel sur l’autel toute la nuit même en l’absence des parties de sacrifices à consumer. La combustion de ce bois est en soi une perte.
Par ailleurs la perte s’explique par la Tossèfta Tossèfta Péssahim chap. 4, paragr. 2. : Tous les sacrifices offerts avant le sacrifice quotidien du matin sont impropres et invalides.
Ainsi tant que la ôla n’est pas offerte, aucun autre sacrifice n’est possible, ce qui pourrait causer des pertes effectives. En effet, quiconque, devant attendre que le Tamid, , sacrifice quotidien, du matin soit sacrifié pour offrir un agneau âgé d’un an, se verrait dans l’obligation de présenter un autre agneau à la place du premier si, entre-temps il entamait sa deuxième année, étant admis que pour les sacrifices, le passage d’une année à l’autre suit le jour et l’heure précis de la naissance.
Rav Héchil écrit dans Hanoukkat ha-Tora que Tsaw, , ordonne, indique la nécessité d’accomplir l’ordre avec empressement car nos maîtres affirment Qiddouchine 31a. :
Plus grand est quiconque reçoit l’ordre et l’accomplit que s’il l’accomplit sans y être appelé.
La raison réside dans le fait que chaque fois que l’homme est concerné par un ordre, aussitôt le Yètsèr ha-râ, , le mauvais penchant, l’empêche de l’accomplir. Aussi faut-il faire preuve davantage de maîtrise de soi qui ne peut s’obtenir que par l’empressement dans l’accomplissement.
Lèmor, en ces termes, .
Chaque fois qu’il est dit la signification est de transmettre aux autres. Mais dans ce cas ne saurait signifier transmettre aux Kohanim puisque le texte spécifie et à ses fils. Qui d’autre est concerné par ?
Pour le midrache Tanhouma Tsaw 14., il s’agit de transmettre aux Bénè Yisraèl l’ordre d’étudier le texte traitant du sacrifice de ôla. Au moment où le Kohène procède au sacrifice, les BénèYisraèl s’appliqueront à l’étude du texte y afférent afin d’être récompensé et pour le sacrifice et pour l’étude.
Mais le texte poursuit :
Voici la Tora de la ôla, c’est la ôla
Pour Kéli Yaqar, l’étude dans la Tora du texte traitant de la Ôla est considérée comme si la ôla avait été sacrifiée.
Le Tanhouma souligne à ce propos :
Le Saint béni soit-Il dit à Israël : Bèt ha-Miqdache étant appelé à être détruit et les sacrifices annulés, n’oubliez pas de procéder, par la lecture et l’étude de la Tora, aux qorbanote,, sacrifices, car en faisant cette étude vous serez considérés comme si vous les aviez offerts.
Et Kéli Yaqar d’expliquer que le texte fait allusion à cette possibilité pendant l’exil comparé à la nuit. Par conséquent, l’étude de la Tora remplacera le sacrifice. Aussi pour cette raison précise-t-il :
C’est le sacrifice qui se consume sur le brasier de l’autel, toute la nuit jusqu’au matin, le matin symbolise la délivrance et la reconstruction du Bèt ha-miqdache. Cependant le feu de l’autel, l’étude ardente et enthousiaste de la Tora, y doit brûler de même.
Le feu de l’autel y doit brûler de même.
Don Yitshaq Abrabanèl remarque que par trois reprises le texte dit le feu de l’autel y doit brûler, , en raison, dit-il, de la possibilité que les trois prières ârbite, , chahrite, et minha, , remplaceront les sacrifices après la destruction du Bèt ha-Miqdache.
Pour ârbite, le texte affirme :
C’est le sacrifice qui se consume toute la nuit jusqu’au matin.
A propos de chahrite, le texte dira Wayi-qra 6, 5. :
Quant au feu de l’autel, il doit brûler sans s’éteindre : le pontife y allumera du bois chaque matin.
Quant à Minha, le texte dira Wayi-qra 6, 6. :
Un feu continuel sera entretenu sur l’autel, il ne devra point s’éteindre.
Et le verset suivant poursuit :
Ceci est la règle de la Minha, de l’oblation.
Rav Alchèkh, s’appuyant sur le texte le feu de l’autel brûlera, précise que le Kohène allumera un feu de bois chaque matin malgré la présence du feu de l’autel descendant du ciel qui, par conséquent, est d’un niveau de sainteté élevé. Ce feu céleste continuera à brûler après que le feu de bois se soit éteint.
Le pontife revêtira son habit de lin, après avoir couvert sa chair du caleçon de lin; il enlèvera sur l’autel la cendre de l’holocauste consumé par le feu, et la déposera à côté de l’autel.
[Le pontife] enlèvera sur l’autel la cendre de l’holocauste consumé par le feu…
Pour Rav Alchèkh, le fait que le pêcheur sacrifie sa Ôla et réalise son repentir, le feu céleste dévorera alors son sacrifice et la cendre, placée près de l’autel, se résorbera d’elle-même comme pour toute chose sainte.
En revanche, le résidu de la cendre provenant de la combustion faite par le feu allumé par l’homme sera transporté hors du camp, dans un lieu pur.
Aussi, pour cette raison, la Tora emploie d’une part Wé-hèrim ète ha-dèchène, , il élèvera la cendre, à propos de la cendre provenant du feu céleste et, d’autre part, plus loin elle dit wé-hotsi ète ha-dèchène, , il transportera la cendre, autrement dit il fera sortir la cendre provenant du feu humain.
Ceci justifie également que pour l’opération d’enlèvement de la cendre, , le Kohène portera des habits de lin, des habits saints, obligatoires pour le service. Alors que pour l’opération du transport des cendres, , il revêtira d’autres habits, ses habits ordinaires.
Sans doute la téchouva, , repentir, réalise-t-elle la suppression de la faute. Cependant il se pourrait qu’un résidu demeure parce que la téchouva n’aurait pas été assez forte pour tout effacer. L’intervention du Kohène est là pour pallier à ce manque.
La Ôla est un sacrifice entièrement consumé sur l’autel pour réparer toute faute de l’homme se situant au niveau de la pensée. Or, cette faute n’existe qu’en cas d’idolâtrie. L’essentiel de la faute réside dans la pensée. Car l’homme, en accordant ne fût-ce qu’au niveau de la pensée valeur et importance à la âvoda zara, , l’idolâtrie, se détache aussitôt du Créateur même s’il n’a pas encore adoré cette divinité. Pour toutes les autres fautes la responsabilité de l’homme ne sera effective que si l’acte fait suite à la pensée.
Sans doute pour cette raison la Tora ne mentionne-t-elle Aharone qu’au moment où elle traite du statut de la ôla qui vise essentiellement la réparation de la faute de âvoda zara, , l’idolâtrie, dont la première manifestation fut la faute du veau d’or.