Midyane hors la loi

«L’Ét’ernel parla ainsi à Mochè : «Attaquez les Midyanites et les taillez en pièces! Car ils vous ont attaqués eux-mêmes par les ruses qu’ils ont machinées contre vous au moyen de Péôr, et au moyen de Kozbi, la fille du prince midyanite, leur soeur, qui a été frappée, le jour de la mortalité, à cause de Péôr(1)

Bil’âm, n’ayant pu maudire les Bénè Yisraèl, conseille à Balaq de les pervertir. Celui-ci envoie les jeunes filles midyanites avec mission d’entraîner Israël à la débauche et à l’idolâtrie. Afin de s’assurer de l’obéissance de ses sujets, Balaq livre à la débauche sa propre fille Kozbi. Le texte dit(2) : «Israël s’établit à Chittine. Là, le peuple se livra à la débauche avec les filles de Moab.»

Les Midyanites furent, les premières, à approcher les Bénè Yisraèl, suivies en cela par les filles de Moab.

«Au plus fort de la passion, dit Rachi, quand il proposait à la fille : «Exauce-moi!», celle-ci sortait une image de Péôr de son corsage en disant : «Prosterne-toi devant ceci!»

De la débauche, Israël glisse vers l’idolâtrie. La colère divine frappe : 24 000 âmes périssent. C’est le résultat du conseil de Bil’âm mais c’est surtout la haine de Balaq qui, malgré l’interdit de se livrer à la débauche, tient à affecter les relations particulières d’Israël avec D’ieu. La faute de Balaq est si grave qu’elle est impardonnable. Midyane est hors la loi, méritant un châtiment rigoureux.

Ainsi s’exprime le midrache(3), abordant le texte(4) : «Attaquez les Midyanites et les taillez en pièces.» 

Nos Maîtres tirent cet enseignement : Quiconque veut te tuer, tue-le en premier.

Rabbi Chimône dit : Entraîner son prochain à la faute est plus grave que de le tuer! Car le tuer dans ce monde ne le prive pas pour autant de sa part dans le monde futur. Deux nations ont attaqué Israël par l’épée et deux, par la faute. Les Égyptiens et les Èdomim ont attaqué par l’épée. Les Égyptiens attaquèrent par l’épée tel qu’il est dit(5) :

«L’ennemi disait : Courons, atteignons! Partageons le butin…»

Èdom, tel qu’il est dit(6) :

«Èdom lui répondit : Tu ne traverseras point mon pays car je me porterais en armes à ta rencontre.» Deux autres [Nations] les entraînent à la faute : Moabim et Âmmonim.

 propos de ceux qui attaquèrent par l’épée, il est dit(7) :

«N’aie pas en horreur l’Èdomi car il est ton frère; n’aie pas en horreur l’Égyptien car tu as séjourné dans son pays.»

Mais pour ceux qui entraînent Israël à la faute, il est dit(8) :

«Ni un Âmmoni ni un Moabi ne seront admis à l’assemblée du Seigneur; même après la dixième génération, ils seront exclus de l’assemblée du Seigneur, à perpétuité

Aussi, ne furent-ils pas quittes dans ce monde ainsi qu’il est dit :

«Attaquez les Midyanites!» Que veut dire «Attaquez les Midyanites»? Bien que j’aie prescrit(9) :

«Quand tu marcheras sur une ville pour l’attaquer, tu l’inviteras d’abord à la paix», pour [ces Nations] ne vous comportez pas ainsi.

Il est écrit(10) :

«Ne t’intéresse donc jamais à leur bien-être et à leur prospérité, tant que tu vivras.» Il se trouve que celui qui les traite avec miséricorde se voit finalement humilié et entraîné dans des guerres et des peines. Ce fut le cas de David, tel qu’il est écrit(11) :

«David se dit «Je veux agir amicalement avec Hanoune, fils de Nahache [roi des Âmmonites], comme son père a agi à mon égard

Le Saint béni soit-Il dit : Tu désobéis à Ma prescription :

«Ne t’intéresse donc jamais à leur bien-être et à leur prospérité tant que tu vivras» en les traitant avec bienveillance.

«Ne sois pas juste à l’excès(12)!» L’homme ne doit pas transgresser l’enseignement de la Tora. Et celui-ci envoie dire à Nahache Bèn Âmmone qu’il agira avec lui avec bonté et bienveillance. À la fin, il fut humilié(13) :

«Alors Hanoune fit saisir les serviteurs de David, raser la moitié de leur barbe et couper la moitié de leurs vêtements jusqu’aux reins, puis il les congédia.» Il fut humilié et, par la suite, [obligé] à faire la guerre à Aram Naharayim, avec les rois de Tsoba, avec les rois de Maâkha et avec les Bénè Âmmone, quatre nations. Il est écrit(14) :

«Yoab, voyant que la bataille le menaçait par devant et par derrière.» Quelle a été la cause [de tout cela]? Il voulut agir amicalement avec ceux dont le Saint béni soit-Il avait dit : «Ne t’intéresse jamais à leur bien-être et à leur prospérité.» C’est pourquoi il est écrit : «Attaquez les Midyanites!»

Ce midrache est important car il énonce une règle fondamentale, celle de traiter avec une rigueur extrême quiconque entraîne au mal et à la faute son prochain. Pour qu’une vie en société soit possible, il est nécessaire que tous les membres visent le même but, atteindre le bien. Viser le bien n’est autre que respecter la Tora. Tout homme qui, au lieu de penser à l’intérêt commun, pervertit son prochain, ne mérite pas d’avoir sa place au sein de la société.

Aussi le principe «Quiconque veut te tuer, tue-le en premier!» est-il, en fait, une légitime défense! Parce qu’il tend à perturber l’ordre social, il ne peut invoquer une protection quelconque de la société.

Mais il y a plus grave. Tuer n’est qu’une privation de la vie dans ce monde. Cesser de jouir de la vie de ce monde n’est pas dramatique tant qu’il y a l’espoir de la jouissance du monde futur. Un meurtrier commet son meurtre dans ce monde. Il assassine physiquement.

La mort morale et spirituelle n’est pas son fait. Celui qui pervertit, entraînant son prochain au mal et à la faute, est doublement meurtrier. Il assassine physiquement et moralement. Il le prive de ce monde et de la vie du monde futur. En effet, il ne profite pas de la vie terrestre car le bien-être n’est accessible qu’à ceux qui se comportent selon les principes de la Tora, du Bien.

Les Midyanites, agissant sur le conseil de Bil’âm, avaient perverti les Bénè Yisraèl. Les entraînant à la débauche et à l’idolâtrie, ils agirent pire que des assassins. Aussi ne méritent-ils pas la miséricorde divine. Le mal moral agit plus que l’épée. Insidieux, il pénètre dans les esprits, laissant sa marque.

Chaque jour, des efforts intenses étaient nécessaires pour se débarrasser des traces de la civilisation égyptienne basée sur la débauche, la luxure et l’idolâtrie. Et voici Balaq qui leur fait prendre goût de nouveau à ces pratiques. Tant que les Midyanites vivent, ils rappelleraient à Israël, non seulement le piège dans lequel ils l’avaient enfermé, mais aussi le souvenir et les relents de la faute.

Israël se doit de traiter avec une rigueur implacable les Midyanites. Mais le midrache parle surtout de Moab et Âmmone. En réalité Balaq, roi de Moab, eut recours aux Midyanites pour connaître la nature d’Israël, de sa puissance, mais aussi de ses faiblesses.

Balaq est le roi de Midyane. Moab, devant la peur inspirée par Israël, fait appel à Balaq et le nomme roi de Moab. Voici donc Balaq prêt à suivre à la lettre les conseils de Bil’âm. Il jette sa propre fille Kozbi dans la tourmente avec la mission spéciale de s’attaquer à Mochè. Tous ses sujets l’imitent, entraînant ainsi la mort de 24 000 âmes parmi Israël.

Égypte et Èdom ne sont pas écartés de la possibilité de rejoindre l’assemblée divine. À la dixième génération, ils sont autorisés à se joindre à Israël. Il faut les traiter avec égards parce qu’ils n’ont fait que se défendre par les armes.

En revanche, Moab et Âmmone sont exclus à jamais de l’assemblée divine et traités avec une rigueur implacable. «Ne t’intéresse jamais à leur bien-être et à la prospérité, tant que tu vivras!» Aussi doit-on les poursuivre avec mépris et haine afin d’effacer les traces de la faute morale qu’ils avaient fait faire à Israël.

L’exemple de David est là pour illustrer la nature foncièrement mauvaise de Âmmone qui répond au bien par le mal. David agit amicalement avec Hanoune. Au lieu de reconnaissance, il ne retire qu’humiliation, guerres et souffrances. La cause tient à la nature de ce peuple, Âmmone, qui voue une haine implacable à Israël. Moab est aussi de cette nature.

Le midrache trouve donc nécessaire de rappeler que la vengeance des Midyanites et l’exclusion de Moab et de Âmmone se justifient en fait, non par des mobiles matériels, mais par des motifs d’ordre spirituel, relatifs à la perfection. Le bien est la perfection morale. Quiconque ne tend pas à cet idéal ne mérite point la considération divine. À ce titre, Israël se doit de toujours les honnir et de les attaquer.

L’Ét’ernel parla ainsi à Mochè : «Attaquez les Midyanites et les taillez en pièces!

Attaquez les Midyanites et les taillez en pièces.

Tsaror, , attaquer

Le verbe est à l’infinitif ayant le sens d’un impératif permanent. La Tora insiste sur l’obligation de traiter toujours les Midyanites en ennemis(15).

Rav Alchèkh s’interroge sur l’emploi des verbes «Attaquez et taillez»tsaror, et wé-hikkitème,

La rigueur divine s’applique surtout aux Midyanites, non à Moab qui, lui aussi, avait perverti Israël. Le texte affirme en effet(16) : «Israël s’établit à Chittim. Là, le peuple se livra à la débauche avec les filles de Moab.» Pourquoi cette différence?

Pour lui, Israël se compose de deux catégories.

Les imparfaits, au niveau moral bas, désignés par Âmle peuple.

Les parfaits et justes, désignés par Israël.

Par ailleurs, les filles chargées de séduire Israël et l’inciter à l’idolâtrie, étaient Moabites et Midyanites. Les premières se contentaient d’attirer le peuple, les moins parfaits, tandis que les Midyanites ne visaient que les justes et les parfaits.

Les Moabites avaient la tâche facile. Comme dit le midrache(17) :

«Ayant planté leurs tentes, des prostituées parées de beaux bijoux s’y installent. Une vieille se tenait à la porte, gardant la jeune qui se trouvait à l’intérieur. Lorsqu’un Israélite s’apprêtait à acheter un objet dans le marché, la vieille lui disait : Jeune homme, achèterais-tu un habit en lin de Bèt Chéane? Pendant qu’elle monte, elle disait : Entre à l’intérieur et tu verras des objets de toute beauté. La vieille proposait un prix fort et la jeune un prix bas. Celle-ci lui disait : Ne te gêne pas, installe-toi bien et fais ton choix. Une outre de vin était à ses côtés. Le vin des autres Nations n’était pas encore interdit.

Une jeune fille bien habillée et bien parfumée venait. Pour le séduire, elle disait : Pourquoi nous, nous vous aimons alors que vous, vous nous haïssez? Prends cet objet gratuitement car nous sommes fils d’un même père, les fils de Tèrah, père d’Abraham. Si vous ne voulez pas manger de nos sacrifices et de nos mets, choisissez des veaux ou des poulets et préparez-les selon votre loi et mangez! Aussitôt le vin servi, le Satan s’empare de lui. Il se laisse séduire par elle ainsi qu’il est dit(18) :

«La débauche, le vin et le moût [lui] enlèvent toute intelligence

Les filles de Moab s’attaquent donc à ceux qui tombent facilement dans leur piège. Il s’agit du peuple. Cependant, il leur est plus difficile d’aborder les tsaddiqim et les inciter au mal, à la débauche et à l’idolâtrie. Il fallait agir avec beaucoup de ruse.

Les Midyanites eurent recours à la manière dégradante et humiliante de servir et adorer Péôr. Cette divinité est appelée ainsi parce qu’on se déshabillait, poârim, devant elle et qu’on se soulageait.

Les filles de Midyane proposaient ainsi ce culte aux Bénè Yisraèl qui se sont laissés prendre pensant qu’ils humiliaient cette divinité.

Ainsi donc se lit le verset :

«Israël, autrement dit les tsaddiqim, s’établit à Chittim. Ils furent entraînés à l’idolâtrie et pervertis par les Midyanites par leur ruse. Mais le peuple, autrement dit les imparfaits, se livra à la débauche avec les filles de Moab.»

Aussi, D’ieu juge-t-Il sévèrement les Midyanites qui, pour atteindre leur dessein, avaient lancé dans cette aventure la propre fille du roi dont la mission était justement de séduire Mochè.

L’objectif visé par les Midyanites était précis. Israël devait succomber à l’idolâtrie, à la débauche et à la luxure. C’était donc planifié pour attirer la colère de D’ieu.

Les Midyanites seront pour cette raison traités avec plus de rigueur alors que pour Moab et Âmmone, la Tora, tout en recommandant de ne point les attaquer, ordonne également de ne pas les intégrer dans l’assemblée divine.

Pour Chaâr Bat Rabbim, la Tora n’exige pas l’extermination des Moabites, bien qu’ils aient également participé à la perversion d’Israël, parce qu’ils n’ont jamais outrepassé leur intention de satisfaire leurs appétits. Mais les Midyanites avaient tout fait pour entraîner Israël à adorer la divinité de Péôr.

L’intention était essentiellement mauvaise. Pour parvenir à leur but, ils sacrifient leur soeur Kozbi bien que la sachant destinée à mourir dans le fléau qui s’abattrait sur Israël.

Dans les deux cas, la colère divine frappe Israël. Mais la démarche est différente. Les Moabites visent la satisfaction des sens. En revanche, les Midyanites tentent, par leurs ruses, à pervertir Israël par l’adoration de Péôr. Ce faisant, ils font preuve de haine implacable pour Israël. En les pervertissant, les Midyanites sont encore plus coupables que s’ils avaient tué les Bénè Yisraèl.

Mais Rachi ne semble pas, à la suite du Talmoud(19), établir une différence de degré à propos de la gravité des actes des Moabites et des Midyanites. Tous les deux sont coupables au même titre. Mais le châtiment ne frappe pas avec autant de rigueur les Moabites à cause de Rout, appelée à en être issue. D’ieu tient à voir se concrétiser le projet de la naissance et la venue du Machiah, du Messie, Rout étant, en fait, la fondatrice de la maison royale de David. Les ruses et les calculs des Midyanites contribuent à retarder cette naissance de quatre cents ans.

Kéli Yaqar aborde également la question de la différence de traitement entre les Moabites et les Midyanites.

Pour lui, Israël est le principal coupable dans le cas des Moabites. Il est dit à ce propos(20) : «Là, le peuple se livra à la débauche avec les filles de Moab.» La Tora emploie le terme wa-yahèlil commença. C’est le peuple lui-même qui prit l’initiative et non les Moabites.

Cependant, les Midyanites furent les premiers à lâcher leurs filles dans le camp d’Israël avec l’intention précise de l’entraîner à la débauche et à l’idolâtrie. Car comment peut-on imaginer Zimri, prince de la tribu de Chimône, tombé dans les filets de Kozbi, si les Midyanites n’avaient pas tout fait pour attirer Israël à l’idolâtrie de Péôr. Pour y parvenir, toutes les ruses étaient permises.

«Car ils vous ont attaqués eux-mêmes, autrement dit ils vous ont fait souffrir par les ruses qu’ils ont machinées contre vous, en vous servant le vin qui vous a entraînés à la débauche, afin de vous obliger par la suite à adorer Péôr.»

Aussi l’objectif principal, l’idolâtrie de Péôr, est placé juste avant de mentionner la débauche qui fut l’oeuvre de Kozbi.

En outre, wa-yahèlle peuple se livra, peut se traduire par le peuple s’est profané. Il s’est dégradé en perdant sa sainteté. Là aussi, par le fait de s’être livré à la débauche, le peuple a perdu sa sainteté. Cela a commencé par le vin. En interdisant d’admettre un Âmmonite et un Moabite dans l’assemblée du Seigneur, la Tora invoque la raison(21) :

«Parce qu’ils ne vous ont pas offert le pain et l’eau à votre passage, au sortir de l’Égypte, et de plus, parce qu’il a stipendié contre toi Bil’âm, fils de Béôr, de Pétor en Mésopotamie, pour te maudire.»

La Tora souligne ici, selon Kéli Yaqar, la ruse employée par ces deux peuples. En n’offrant pas le pain et l’eau, ils ont obligé Israël à recourir au vin et aux sacrifices de leurs divinités afin de les entraîner à la débauche et à l’idolâtrie.

Aussi les Midyanites méritent-ils, pour avoir servi ce conseil aux Moabites, d’être exterminés. Car la Tora souligne leur haine permanente et constante envers Israël. C’est pourquoi il faut les attaquer longtemps, les faire souffrir avant de les exterminer.

Or ha-Hayim, citant le Midrache(22), dit que, contrairement à la prescription de la Tora(23) :

«Si tu es arrêté longtemps au siège d’une ville que tu attaques pour t’en rendre maître, tu ne dois cependant pas en détruire les arbres en portant sur eux la cognée…»,

il faut détruire les arbres parce que ce peuple mérite d’être traité avec humiliation et dégradation.

Cependant, pour quelle raison la Tora ne donne-t-elle pas à Israël l’occasion de multiplier le butin et venger tout le mal subi?

En fait, remarque-t-il que cette prescription «Attaquez les Midyanites…» est anachronique. Elle aurait dû se trouver près d’une autre prescription les concernant toujours(24) : «Exerce sur les Midyanites la vengeance due aux enfants d’Israël.»

En vérité, en recommandant de faire souffrir les Midyanites, D’ieu vise la réparation morale des Bénè Yisraèl. Le fait de leur avoir donné le goût du péché qui gouverne l’homme malgré lui, ne serait-ce que leur donner le goût imaginaire et non réel, il sera toujours difficile de s’en défaire. Bien plus, le pécheur reste attaché au péché. Il est toujours bien difficile de s’en débarrasser.

Les Midyanites ont donné à Israël le goût de la débauche qui par la pensée et qui par l’acte. Le fléau avait frappé tous ceux qui se sont égarés après la divinité de Péôr.

Pinhas arrête cette épidémie. Mais D’ieu entend guérir définitivement tous ceux qui sont restés attachés à Péôr tant au niveau de la pensée qu’au niveau de l’acte. Quiconque ne s’interpose pas face à tous ceux qui ont fauté est considéré lui-même comme ayant fauté. Aussi, pour cette raison D’ieu exige de tenir en abomination tout ce qui a trait aux Midyanites. Il faut avoir en horreur tous leurs sites, les paysages et les arbres de Midyane. Tout doit disparaître. En haïssant tout ce qui provient de Midyane, Israël se rapproche de D’ieu. Ainsi s’opère la réparation morale de tous ceux qui avaient entaché leur pensée par l’idolâtrie ainsi que ceux qui n’avaient point protesté contre l’idolâtrie.

Tsaror, signifie vouer une haine constante aux Midyanites et ce, avant même de les attaquer. Cette haine ne se justifie pas par la mort qu’elle provoque de plusieurs milliers de Bénè Yisraèl, mais plutôt en raison de leurs ruses :

Car ils vous ont attaqués eux-mêmes par les ruses qu’ils ont machinées contre vous au moyen de Péôr, et au moyen de Kozbi, la fille du prince midyanite, leur soeur, qui a été frappée, le jour de la mortalité, à cause de Péôr.

Kozbi est cette princesse qui précipite toutes les autres filles Midyanites dans le mal. Elle agit, certes, sur le conseil des princes et avec leur accord(25).

Et au moyen de Kozbi, la fille du prince midyanite, leur soeur.

Pour Or ha-Hayim, le texte conclut à la responsabilité de Kozbi dans cette incitation à la débauche et à l’idolâtrie. Il la désigne à nouveau pour souligner que son comportement, étant la fille d’un prince midyanite, autrement dit la fille de Balaq, servit d’exemple à toutes les Midyanites. Si elle mérite de porter l’entière responsabilité, c’est bien parce qu’elle est une princesse et, de plus, elle affiche une attitude de prostituée.

En précisant leur soeur, l’intention du texte est de signaler que Midyane est châtié justement pour le rôle joué par leur princesse.

Qui a été frappée, le jour de la mortalité, à cause de Péôr.

Or ha-Hayim précise que Kozbi se sacrifie comme le ferait un frère pour son frère. Cet acte de solidarité qui fait appel au sacrifice suprême, Kozbi l’assume dans l’unique but de précipiter la chute d’Israël. Certes 24 000 hommes sont morts dans ce fléau. Mais Kozbi ne connut pas la joie et le plaisir de savourer sa victoire. Elle mourut le jour même par le fléau qui frappe la tribu de Chimône.

La haine que doit vouer Israël aux Midyanites n’est nullement motivée par la perte des milliers d’hommes lors de l’épidémie mais plutôt par l’incitation à l’idolâtrie. Car rendre son prochain coupable d’une faute est plus grave que de le tuer.

La réparation morale, le repentir, doit agir dans le même sens que le mal. Les Midyanites visaient à détacher Israël de D’ieu pour l’exterminer dans ce monde et dans le monde futur. Israël se doit de haïr, d’effacer le souvenir des Midyanites, afin de se rapprocher davantage de D’ieu.

1. Bé-midbar 25, 16-18.

2. id. 25, 1.

3. Tanhouma, Pinhas paragr. 3.

4. Bé-midbar 25, 17.

5. Chémot 15, 9.

6. Bé-midbar 20, 18.

7. Dévarim 23, 8.

8. Bé-midbar 23, 4.

9. Dévarim 20, 19.

10. id. 23, 7.

11. Chémouèl 2.10, 2.

12. Qohèlète 7, 16.

13. Chémouèl 2, 10, 4.

14. id, 10, 9.

15. cf. Rachi.

16. Bé-midbar 25, 1.

17. Bé-midbar Rabba, chap. 20, paragr. 23.

18. Hochèâ 4, 11.

19. Baba Qama 38b.

20. Bé-midbar 25, 1.

21. Dévarim 23, 6.

22. Bé-midbar Rabba Pinhas chap. 21, paragr. 6.

23. Dévarim 20, 19.

24. Bé-midbar 31, 2.

25. cf. Rambane sur le texte.

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