Âmalèq

Âmalèq est l’ennemi juré du peuple d’Israël. Ayant cristallisé toute la haine que Êssaw, son grand-père, voue à Yaâqov, Âmalèq ne cesse, tout au long de l’histoire, de contester la dignité d’Israël, peuple élu de D’ieu. Âmalèq reprend pour son compte l’hostilité existant entre Êssaw et Yaâqov. La ligne de démarcation est la Tora.

Tant que Yaâqov investit sa voix dans la prière et l’étude de la Tora, Êssaw ne saurait utiliser ses mains pour lui porter atteinte. Mais aussitôt qu’Israël transgresse la Tora, Êssaw aura raison de gémir et de se plaindre pour rejeter alors le joug d’Israël. Voilà le destin singulier d’Israël. Israël sait qu’à la moindre défaillance, Âmalèq est prêt à intervenir.

Déjà, après la sortie d’Égypte, Âmalèq frappe. Il ose faire ce qu’aucun peuple n’a osé faire. Tous les peuples tremblent de frayeur devant les prodiges divins. Le nom d’Israël est redouté et respecté par tous. D’ieu est là à ses côtés. Pourtant, malgré toutes les interventions miraculeuses, Israël se met à douter de la présence divine. “Nous verrons, dit-il(1), si l’Ét’ernel est avec nous ou non!” D’ieu se fâche aussitôt devant l’ingratitude d’Israël qui ne reconnaît pas la disponibilité divine à pourvoir à tous ses besoins. “Âmalèq survint et attaqua Israël à Réfidim(2).” Nos Maîtres décomposent Réfidim, en rafou yadayim, les mains d’Israël ont délaissé la Tora.

Présentée ainsi, l’attaque de Âmalèq prend l’aspect non de violence commise à l’égard d’Israël, mais de châtiment mérité pour avoir abandonné la Tora. Âmalèq est, certes, un instrument entre les mains de D’ieu. Mais pour châtier Israël, D’ieu donne l’occasion au coupable de s’illustrer encore dans la culpabilité.

Âmalèq profite également de donner libre cours à sa haine de s’exprimer. Aussi, pour cette raison, D’ieu réserve-t-Il à Âmalèq un traitement sévère : “Effacer à jamais le souvenir de Âmalèq.”

Le Midrache(3) tente d’analyser la faute de Âmalèq. Citant(4) :

Souviens-toi de ce que t’a fait Âmalèq lors de votre voyage, au sortir de l’Égypte“, il rapporte : Israël, s’adresse au Saint béni soit-Il : Maître du Monde, Tu nous ordonnes de nous souvenir, c’est à toi de Te souvenir car l’oubli se trouve en nous alors que Tu ne connais point l’oubli. Aussi, “souviens-Toi de ce que t’a fait Âmalèq“, de ce qu’il a fait, à nous, non à Toi! C’est bien ce qui est écrit(5) :

Souviens-Toi, Seigneur, pour la perte des filles d’Édom, du jour [fatal] de Yérouchalayim, où ils disaient : “Démolissez-la, démolissez-la jusqu’en ses fondements!

Rabbi Abba Bar Kahana dit : Ârou, ârou, démolissez-la [signifie] brisez-la, tel qu’il est dit(6) :

Les murs de la grande Babèl s’écrouleront de fond en comble.”

Rabbi Léwi dit : Ârou, Ârou, démolissez-la signifie videz, videz, tel qu’il est dit(7) :

Et elle se hâta de vider sa cruche dans l’abreuvoir.” Pour qui pense que le sens de Ârou est brisez, il ne l’applique qu’aux murs jusqu’aux fondements tel qu’il est dit : “Démolissez-la jusqu’en ses fondements.” Mais pour qui pense que Ârou signifie videz, il l’applique même pour ses fondements.

Que veut dire Âmalèq? Un peuple âm, yèlèqespèce de sauterelle, qui prend son envol. Âmalèq est un peuple qui vint sucer le sang d’Israël comme un chien.

Rabbi Léwi dit au nom de Rabbi Chimône Bar Halafta : À quoi ressemble Âmalèq? À une mouche attirée par [le sang] d’une blessure. Ainsi Âmalèq poursuit Israël comme un chien. Apprenant la délivrance d’Israël, sorti à peine d’Égypte, Âmalèq le surprit près de la mer. Mais aussitôt que fut prononcé le Nom divin [le Tétragramme], [Âmalèq] fut pris de frayeur tel qu’il est dit(8) :

À leur tour, ils tremblent, les chefs d’Èdom.”

Lors de votre voyage au sortir d’Égypte“, Rabbi Léwi dit qu’il l’attaqua en chemin comme un brigand. Cela rappelle ce roi qui, ayant entouré d’une barrière son vignoble, y installa un chien méchant. Le roi s’est dit quiconque arrachera la clôture pour s’y introduire sera mordu par le chien. Quelque temps après, le fils du roi, ayant brisé la clôture pour pénétrer, fut mordu par le chien. Chaque fois que le roi veut lui rappeler sa faute, il lui dit : souviens-toi comment le chien t’a mordu.

Ainsi, chaque fois que le Saint béni soit-Il veut rappeler la faute d’Israël commise à Réfidim, ainsi qu’il est dit :

L’Ét’ernel est-Il avec nous ou non!“, Il leur dit :

Souviens-toi de ce que t’a fait Âmalèq.”

Comme il t’a surpris chemin faisant“, Rabbi Yéhouda et Rabbi Néhèmyia et nos Maîtres enseignent :

Pour Rabbi Yéhouda, il t’a surpris signifie il t’a impurifié, tel qu’il est dit(9) :

S’il se trouve dans tes rangs un homme qui ne soit pas pur, par suite d’un accident nocturne(10)!”

Pour Rabbi Néhèmyia, il t’a surpris signifie il t’a appelé(11). Que fit Âmalèq? Il alla aux archives d’Égypte et prit les actes des tribus où apparaissaient leurs noms gravés, actes relatifs à la production des briques. Il se tint en dehors des nuées et appela : Réoubène, Chimône, Léwi, sortez! Je suis votre frère et désire commercer avec vous. A peine sortis, il les tuait.

Nos Maîtres disent : Qarèkha, il t’a surpris, signifie il t’a refroidi pour d’autres(12).

Rabbi Hanina compare cela à une baignoire bouillante qu’aucune créature n’osait approcher. Un individu [sans scrupules] vint et s’y jeta. Bien qu’il se soit échaudé, il l’a rendue froide pour les autres.

Ainsi, à la sortie d’Égypte, le Saint béni soit-Il a divisé la mer devant Israël et les Égyptiens y furent noyés. Tous les peuples furent pris de frayeur tel qu’il est dit :

À leur tour, ils tremblent les chefs d’Èdom.” Quand vint Âmalèq et les attaqua, bien qu’échaudé, il a refroidi [Israël] pour les peuples.”

Midrache capital qui aide à comprendre la rigueur avec laquelle est traité Âmalèq. Bien que Yéhochouâ ait affaibli Âmalèq en décapitant les plus forts, laissant vivre les faibles, D’ieu prêta serment par Son trône qu’il y aurait guerre et haine contre Âmalèq éternellement. D’ieu a juré que Son Nom ne sera complet ni Son Trône parfait avant qu’Il n’ait effacé le nom de Âmalèq.

Cette haine que voue D’ieu à Âmalèq trouve son expression dans la première mission qu’Il ordonne au premier roi désigné pour régner sur Israël. Chaoul, à peine nommé roi, eut pour mission de combattre Âmalèq. Chaoul n’a pas suivi à la lettre la recommandation de Chémouèl relative à l’extermination totale de Âmalèq. Elle consiste à ne laisser subsister aucun souvenir de Âmalèq. N’ayant pas obéi, la royauté lui fut retirée.

Pourtant, Yéhochouâ, comme Chaoul, descendants de Rahèl, étaient habilités, plus que toute autre tribu, à exterminer Âmalèq. Car Yossèf ne s’était pas prosterné devant Êssaw et Binyamine n’était pas encore né.

D’ieu recommande de se souvenir des mauvais traitements que Âmalèq fait subir aux Bénè Yisraèl. Mais n’est-ce pas l’honneur de D’ieu, bafoué par Âmalèq, qui doit être vengé? C’est donc à D’ieu de relever le défi!

Pourquoi D’ieu le demande-t-Il à Israël qui aurait tendance à l’oubli? D’ieu n’a-t-Il pas un compte personnel à régler avec Êdom et donc Âmalèq qui, aux moments les plus sombres de l’histoire, se sont réjoui du malheur et de la défaite d’Israël?

Âmalèq, nom prédestiné! Il accourt toujours pour boire le sang d’Israël. Comparé à la mouche ou au chien, Âmalèq n’attend qu’une blessure s’ouvre en Israël pour sauter sur l’occasion et l’attaquer.

Ainsi, le fait même de douter de la présence de la Chékhina parmi Israël constitue la faute qui déclenche l’attaque d’Âmalèq. Le doute, alors que la Providence fait tout pour contenter Israël, est insupportable. D’ieu incite le chien qui mord et suce jusqu’au sang Israël.

Combattre Âmalèq ne suffit pas. Il faut qu’Israël renoue avec D’ieu. Pendant que Mochè levait ses mains, Israël regardait vers le Ciel et priait D’ieu. Retrouver D’ieu était nécessaire pour combattre Âmalèq car il est la véritable négation de D’ieu. Il conteste Ses prodiges et tous les miracles qu’Il vient de réaliser en Égypte et sur la mer.

Dans cette perspective, il est naturel que D’ieu interpelle Israël en lui rappelant sa faute par l’attaque de Âmalèq. En quoi consiste la faute de Âmalèq? Trois avis sont exprimés. Tous tournent autour du sens du terme qarèkha, il t’a surpris.

Pour Rabbi Yéhouda, qarèkha dérive de qéri, pollution et impureté. Il souille Israël par la pratique de pédérastie. Cette opinion montre combien Âmalèq tient à enlever à Israël son aura, tout le rayonnement qu’il put avoir au contact de D’ieu. Cette pureté dérange Âmalèq. Il rabaisse Israël au niveau le plus bas.

En cela, il attaque en vérité D’ieu Lui-même qui a choisi Israël d’entre tous les peuples.

Pour Rabbi Néhèmyia, l’appel que fait Âmalèq à Israël vise surtout à assimiler Israël au moyen de deux possibilités. La fraternité ou les persécutions.

Êssaw est le type de l’ennemi qui, pour forcer Israël à composer avec lui, emploie la fraternité ou l’épée. Aussi Yaâqov, vigilant, avait-il invoqué l’aide divine pour le délivrer de Êssaw en ces termes(13) : “Sauve-moi, de grâce, de la main de mon frère, autrement dit, usant de fraternité, de la main de Êssaw, autrement dit, usant de cruauté et inimitié…” Âmalèq a bien assimilé la méthode de son grand-père.

La fraternité ne sert qu’à détacher Israël de D’ieu. Les faire sortir hors des nuées pour mieux l’étouffer. Âmalèq utilise les moyens les plus subtils pour détourner Israël de la voie de D’ieu.

Pour nos Maîtres, dont l’enseignement est complété par Rabbi Hanina, la faute de Âmalèq réside dans le fait qu’il a refroidi tout le zèle d’Israël et son enthousiasme à servir D’ieu, tout comme il a terni l’éclat du respect dont jouissait Israël auprès de tous les peuples.

Il est vrai qu’il en prend pour son compte mais sa mission réussit dès lors qu’il arrive à contester à Israël le privilège de ses relations avec D’ieu.

La mission suicide qu’il accomplit prouve à quel point lui importe l’échec d’Israël. Peu lui importe son échec personnel.

Le destin d’Israël n’arrive à son couronnement qu’avec la chute de Âmalèq. Aussi devrait-Il, dans toute génération, graver dans sa mémoire que le combat final de D’ieu ne s’arrête qu’avec l’extermination de Âmalèq. Cela relève d’Israël. Aussi, pour cette raison, “Effacer le souvenir de Âmalèq” signifie, tel qu’il est rapporté(14), “effacer hommes et femmes, enfants et nourrissons, gros et menus bétail afin que le nom de Âmalèq ne soit mentionné”, ne serait-ce qu’à propos d’un animal.

Lorsque son souvenir sera à tout jamais effacé, alors rayonneront le Nom et le Trône divins.

1. Chémot 17, 7.

2. id 17, 8.

3. Tanhouma sur Ki Tètsè paragr. 9.

4. Dévarim 25, 17.

5. Téhillim 137, 7.

6. Yirmiya 51, 58.

7. Bérèchit 24, 20.

8. Chémot 15, 15.

9. Dévarim 23, 11.

10. N.B. Rabbi Yéhouda rapproche qarèkha, il t’a surpris, de miqérè, impureté nocturne.

11. N.B. Qarèkha, il t’a surpris, se lit comme qéraakha, il t’a appelé.

12. N.B. Qarèkha, il t’a surpris, se rapproche de qar, froid.

13. Bérèchit 32, 12.

14. Chémouèl 1, 15, 3.

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