La femme captive

«Quand tu iras en guerre contre tes ennemis, que l’Ét’ernel, ton D’ieu, les livrera en ton pouvoir, et que tu leur feras des prisonniers; si tu remarques, dans cette prise, une femme de belle figure, qu’elle te plaise, et que tu veuilles prendre pour épouse, tu l’emmèneras d’abord dans ta maison; elle se rasera la tête et se laissera pousser les ongles, se dépouillera de son vêtement de captive, demeurera dans ta maison et pleurera son père et sa mère, un mois entier. Alors seulement, tu pourras t’approcher d’elle et avoir commerce avec elle, et elle deviendra ainsi ton épouse. S’il arrive que tu n’aies plus de goût pour elle, tu la laisseras partir libre de sa personne, mais tu ne pourras pas la vendre à prix d’argent, tu ne la traiteras plus comme esclave, après lui avoir fait violence(1)

La sidra Ki Tètsè, s’ouvre sur le combat le plus épineux que l’homme livre toute sa vie durant. C’est le combat contre le yètsèr ha-râmauvais penchant.

«Bèn Zoma disait(2) : Quel est le véritable héros? C’est celui qui sait vaincre ses passions ainsi qu’il est dit(3) :

«Celui qui peut réprimer sa colère est plus fort qu’un héros, et l’homme qui est maître de ses passions surpasse celui qui s’empare des villes

On raconte qu’un sage, ayant reçu un général vainqueur après une rude bataille lui dit : Vous revenez d’une conquête simple et facile, préparez-vous à la bataille la plus difficile que vous ayez eu à faire! Et devant le grand étonnement du général, le sage précise : Oui! le plus dur est de gagner le combat contre soi-même!

Combattre le yètsèr ha-râ n’est pas chose simple puisqu’il s’arrange toujours à mettre l’homme en défaut par ses ruses et ses stratagèmes.

Toutefois, la sidra parle d’une situation extrême où l’homme s’attend à ne subir nullement les attaques du yètsèr ha-râ, étant en situation de danger, à un moment aussi grave que celui d’une guerre. Et, pourtant le yètsèr ha-râ y attend l’homme. Il prend les traits d’une femme captive. Et, bien loin de voir l’homme se préoccuper de son sort ainsi que de l’issue de la bataille, il surprend par l’intérêt particulier que suscite en lui cette captive.

Le Midrache(4) citant(5) :

«Quand tu iras en guerre contre tes ennemis…» rapporte : Nos Maîtres enseignent(6) :

«Car une mitswa, bonne oeuvre, entraîne une autre, une âvèra, péché, attire une autre.» Il est dit(7) :

«Si tu remarques, dans cette prise, une femme de belle figure… elle se rasera la tête et se laissera pousser les ongles» pour qu’elle ne trouve pas grâce à tes yeux. Qu’est-il écrit par la suite(8)?

«Si un homme possède deux femmes…» Deux femmes à la maison, et la querelle s’y installe. Cela ne suffit pas, car :

«l’une qu’il aime, l’autre qu’il dédaigne…» ou bien les deux seront dédaignées. Qu’est-il écrit par la suite(9)? :

«Si un homme a un fils libertin et rebelle, sourd à la voix de son père comme à celle de sa mère,» autrement dit, quiconque épouse une femme de belle figure aura un fils libertin et rebelle. David, après avoir livré bataille à Talmaï, roi de Guèchour, avait désiré épouser sa fille, Maâkha. De cette union, est sorti Ab’chalom qui voulut tuer son père après qu’il eût pris ses concubines aux yeux de tout Israël, en plein jour. A cause [d’Ab’chalom] plusieurs milliers d’Israël furent tués; il provoque une division en Israël et furent tués Chimî Bèn Guèra, Chèvâ Bèn Bikhri, Ahitofèl, il tua Méfibochète, Iche Bochète et confia la direction de la maison de Chaoul à Tsiva, [un serviteur].

Rabbi Yossi enseigne dans une Béraïta(10) :

«Est-ce parce que le fils libertin et rebelle a mangé une demi-litra, poids, de viande et bu un demi-log, , volume, de vin sec la Tora demande de le traîner devant le Tribunal pour qu’il soit lapidé? Mais la Tora a pénétré profondément dans le caractère d’un tel enfant : il finirait par dissiper le patrimoine de son père avec les dévoyés en compagnie desquels il a mangé et bu. Cherchant en vain à assouvir ses passions comme par le passé, il guetterait aux carrefours et volerait les passants. La Tora s’exprime ainsi : qu’il meure innocent plutôt que de mourir coupable! Car la mort des impies est aussi bonne pour eux comme pour le monde.»

Après le fils libertin et rebelle il est écrit(11) :

«Quand un homme convaincu d’un crime qui mérite la mort aura été exécuté…» Ainsi, parvenant à éviter la mort [pour avoir été dévoyé et rebelle], il n’échappe pas à l’autre [car il sera condamné pour s’être attaqué aux passants]. D’où une transgression entraîne une autre(12)

Ce midrache surprend car il remet en question le principe même de la libertéha-béhira, et celui du repentir,  Téchouva.

En effet, la Tora se basant sur la psychologie d’un enfant dévoyé et rebelle, lui ferme-t-elle toute possibilité de retour et réparation. Bien plus, jamais la Tora n’a ordonné de condamner un être humain innocent sur la base des actions qui seront faites dans le futur. Pourquoi cette exception? Faut-il également conclure à la certitude que cet enfant dans le cas où, n’étant pas exécuté pour avoir mangé un demi tartimar(13), , de viande et un demi log(14), de vin, qu’il finira par s’attaquer, voler et au besoin tuer les passants pour assouvir ses passions?

En vérité l’analyse de la Tora rend compte de la connaissance fine et profonde de la nature humaine. Un homme qui tente de satisfaire ses besoins, ses passions et ses tendances, ne fait en réalité que les rendre plus exigeants et plus insatiables.

L’existence d’un tel enfant aux appétits grands et démesurés doivent tirer leur origine nécessairement du père qui lui a donné naissance. Ainsi, le père n’arrive pas à se retenir et contenir ses appétits en voyant dans la captivité une femme de belle figureYéfate toar, qu’il épouse, malgré les mesures édictées par la Tora pour le décourager. Mais ce faisant, il doit savoir qu’au bout du chemin, le fils qui naît de cette union sera lui aussi un être dont les tendances ne seront que mauvaises.

Aussi dès que l’enfant prend l’habitude de manger et boire des quantités anormales pour son âge, sera-t-il incapable de contrôler ses appétits et, par conséquent, amené à commettre des actes autrement plus graves tels vol, violence, rapine et meurtres.

La responsabilité revient au père qui, n’ayant pas su s’arrêter à temps et maîtriser son yètsèr ha-râ, détermine en fait la conduite du fils. Il ne saurait choisir librement le Bien ou le Mal, ni revenir à la voie droite et bonne, car la Tora décrète que le fils d’un tel père sera libertin et rebelle.

Aussi pour cette raison la Tora décide pour le bien de cet enfant de faire mourir jeune mais innocent plutôt que coupable, plus tard.

Cette âvèra est donc différente de toutes les autres en ce sens que la condamnation précède l’acte parce que justement il est privé de la possibilité de la Téchouva.

Le Zohar rapporte(15) :

«Si tu remarques, dans cette prise, une femme de belle figure… Pourquoi le texte de l’enfant dévoyé et rebelle fait-il à ce passage? Parce que quiconque épouse une telle femme, finit par avoir d’elle un enfant dévoyé et rebelle qu’il est difficile de rendre définitivement pur.»

Les actes des parents ont un prolongement puisque cet enfant est dans l’impossibilité de contrôler et maîtriser ses mauvaises tendances.

Le Zohar(16) relate dans le même ordre d’idées ce cas :

«Rav Yossèf arrive à Babèl. Voyant des jeunes gens, non mariés, en compagnie de belles femmes sans succomber au péché, il leur dit : N’avez-vous pas peur du yètsèr ha-râ? Ils lui répondent : Nous ne sommes pas affectés par la présence du mal. Nous venons du Saint des Saints.»

Ces jeunes gens apprennent à Rav Yossèf qu’ils sont le fruit de parents dont les pensées sont toujours saintes, non mêlées à de mauvaises pensées au moment de leur conception.

Le Talmoud(17) enseigne à plusieurs reprises de purifier ses pensées et les sanctifier au moment de l’union conjugale car les enfants qui naîtraient d’une telle union seront saints.

Les pensées des parents déterminent ainsi l’orientation morale des enfants. Aussi, pour cette raison, quiconque prendrait pour épouse la femme Yéfat Toar, rencontrée en captivité s’expose-t-il à avoir un enfant dont la conduite le mènerait à la mort, n’ayant pas la possibilité de réaliser une téchouva. Le mauvais comportement de l’enfant puise son origine dans la faute des parents.

Aussi pourrions-nous avancer que la téchouva du fils dépend essentiellement de celle du père. C’est pourquoi la Tora l’avertit(18) :

«S’il arrive que tu n’aies plus de goût pour elle, tu la laisseras partir libre de sa personne, mais tu ne pourras pas la vendre à prix d’argent : tu ne la traiteras plus comme esclave, après lui avoir fait violence.»

La Tora, dans le but de tempérer ses désirs, l’incite à une meilleure réflexion envisageant parmi toutes les conséquences celle d’avoir un bèn sorèr ou-morèun fils dévoyé et rebelle. Pour arriver au résultat souhaité, autrement dit, laisser partir cette femme libre de sa personne, la Tora prévoit des mesures pour le décourager.

Cependant le Talmoud(19) rapporte :

«La Tora fait ici une concession au mauvais penchant, yètsèr ha-râ, car si le Saint béni soit-Il ne la lui permet, il l’épousera malgré l’interdiction. Mais s’il l’épouse, il finira par la prendre en haine, comme il est dit dans la suite(20) :

«Si un homme possède deux femmes, l’une, qu’il aime, l’autre qu’il dédaigne...» Et à la fin, elle lui donnera un fils rebelle et révolté.»

Ce texte étonne. De fait, il laisse entendre qu’épouser une telle femme est une interdiction de la Tora. Mais comme la marge de manoeuvre est étroite et que la liberté d’action est réduite, la Tora la lui permet pour qu’il ne l’épouse pas dans l’interdit. Mais il doit s’attendre à la prendre en haine et avoir un fils rebelle et révolté.

La difficulté que soulève une telle interprétation est évidente. Pour quelle raison la Tora ne ferait-elle pas une telle concession pour les autres interdits, tels : l’adultère, la femme nidda, ayant ses menstrues, en somme toutes les liaisons interdites? Le motif invoqué pour la femme Yéfat Toar est aussi valable pour ces interdits!

De plus, la Tora, agissant ainsi, serait forcée de le faire pour tout le reste. Le processus serait sans fin. On ne saurait rendre responsable la Tora de la conduite des impiesréchaîm, puisqu’ils sont libres.

Par ailleurs, Chaâr Bat Rabbim s’interroge : comment D’ieu peut-Il permettre à cet homme de s’impurifier au contact d’une femme païenne au moment même où il bénéficie d’un grand miracle, celui d’être délivré. Il eût été normal que l’homme s’abstienne d’un tel acte en maîtrisant son yètsèr ha-râ.

La halakhala Loi, autorise, il est vrai, la consommation du porc en champ de bataille, quand il n’y a rien d’autre à manger.

Enfin, ceux qui participent au combat sont des justes parfaits puisque le Kohène proclame avant de livrer bataille(21) :

«S’il est un homme qui ait peur [de ses mauvaises actions] et dont le coeur soit lâche, qu’il se retire et retourne chez lui, pour que le coeur, de ses frères ne défaille point comme le sien!»

Comment donc penser qu’il ait pu succomber au yètsèr ha-râ?

La Tora connaît la manière subtile dont le yètsèr ha-râ investit l’homme pour le faire pécher. Toute l’activité du yètsèr ha-râ consiste à tenter l’homme par la transgression d’un interdit, l’amener à commettre une âvèra. Quand la chose est permise, elle perd tout attrait pour lui.

Le Talmoud(22) affirme :

«Grand est [le mérite] de celui concerné par la prescription et y obéit plus que [le mérite] de celui qui n’est point concerné par l’ordre et y obéit.»

La raison, disent les commentateurs, réside dans l’opposition exercée par le yètsèr ha-râ pour empêcher l’obéissance de l’homme concerné par l’ordre. Aussi, la Tora évite-t-elle d’interdire formellement la femme Yéfat toar pour ne point donner prise au yètsèr ha-râ sur cet homme, la âvèra des impudicités, , étant à la fois grave et difficile à surmonter. Elle la lui permet dans le cadre des conditions prescrites afin que le yètsèr ha-râ exerce, au contraire, ses tentations pour ne point l’épouser.

Mais, si la Tora avait formellement interdit la femme Yéfat toar il eut été impossible de vaincre le yètsèr ha-râ.

Cependant le Talmoud Yérouchalmi(23), cherchant à établir une relation entre la fin de la sidra Chofétim et le début de Ki Tètsè, souligne qu’avant de sortir au combat, les Bénè Yisraèl étaient jugés par le tribunal céleste. N’étant point coupables d’avoir versé du sang innocent, ils méritaient de vaincre leurs ennemis, sinon le sang versé montait au ciel et réclamait vengeance.

Ainsi avons-nous trouvé à propos de Ah’ab qui avait tué Nabote pour lui prendre son vignoble. Au moment où il voulait livrer combat à Ramat Guil’âd, le prophète Mikhayéhou dit au roi(24) :

«Écoute donc la parole de l’Ét’ernel, j’ai vu le Seigneur assis sur son trône, tandis que toute l’armée céleste se tenait debout près de Lui, à droite et à gauche. Et l’Ét’ernel dit : Qui ira séduire Ah‘ab, afin qu’il monte contre Ramot Gil’âd, et y succombe?»

Le texte raconte donc que l’esprit de Nabote avait suscité la condamnation d’Ah’ab. C’est donc l’innocence du peuple d’Israël qui détermine sa victoire. Il n’est point nécessaire de livrer bataille puisque l’Ét’ernel le fera à la place d’Israël. C’est bien ce que dit le texte(25) : «Toi, cependant, tu dois faire disparaître du milieu de toi le sang innocent, si tu veux faire ce qui est juste aux yeux de l’Ét’ernel.»

La suite sera : «Quand tu iras en guerre contre tes ennemis, l’Ét’ernel, ton D’ieu, les livrera en ton pouvoir…»

Quand tu iras en guerre contre tes ennemis, que l’Ét’ernel, ton D’ieu, les livrera en ton pouvoir, et que tu leur feras des prisonniers.

Quand tu iras en guerre contre tes ennemis,

Le texte eût été plus correct s’il avait employé plutôt quand tu feras la guerre, ou quand tu sortiras pour combattre, ?

Si l’intention du premier verset est de dire comment le peuple d’Israël doit se comporter dans une guerre, la sidra chofétim le précise si bien et tout ce passage semble superflu.

En vérité l’intention de la Tora est de mettre l’accent sur le mauvais comportement de cet homme qui en pleine guerre, au moment même où il assiste à de nombreux miracles et bienfaits que l’Ét’ernel réalise pour lui, s’intéresse à une femme captive et suit ses passions dictées par le yètsèr ha-râ plutôt que de suivre la Tora et D’ieu.

Aussi le premier verset vient-il rappeler tous les bienfaits réalisés par D’ieu pour lui faire prendre conscience de son manque de reconnaissance. Le singulier se justifie. Le texte ne s’adresse qu’à cet homme unique qui succombe aux attraits de la femme captive.

Ki Tètsèquand tu sortiras.

Pourquoi le singulier est-il employé au lieu, plus logique et naturel, du pluriel?

Parmi ses bienfaits, le texte souligne que cette bataille n’a pas été celle des Bénè Yisraèl. Ils n’ont eu qu’à sortir non à combattre. D’ieu Lui-même livre le combat.

Oyebèkha, tes ennemis

Après l’emploi du pluriel, le singulier de ou-netanoIl te livrera, pose un problème. Pour quelle raison le texte ne dit pas ou-netanam, au pluriel?

De toute évidence, les ennemis à combattre sont nombreux. Mais, comme ce combat est celui de D’ieu, il s’ensuit que tous ces ennemis, aussi nombreux soient-ils, seront livrés comme une seule personne entre les mains des Bénè Yisraèl.

Ainsi le passage du pluriel de oyebèkhates ennemis, au singulier de ou-netanoIl le livrera, se justifie-t-il.

Wé-chabita chibeyo, tu prendras son captif

Le texte ne spécifie pas de quel captif il s’agit.

L’intention du texte est de signaler qu’Israël prendra son captif, autrement dit, les captifs que D’ieu Lui-même aura pris pour Israël.

Il s’agit, une fois de plus, des bienfaits de D’ieu que le texte souligne.

Toutefois nos maîtres parlent plus du combat que l’homme livre au yètsèr ha-râ.

Pour Rachi, «l’objectif de la Tora est de combattre le yètsèr ha-râ.» En effet si un homme se montre à ce point vulnérable que lors d’une bataille, moment de grand danger, il se laisse prendre par les charmes d’une «femme captive» au lieu de rendre grâce au Créateur de l’avoir délivré et laissé en vie, ce ne saurait être que les résultats de la tentation insidieuse du yètsèr ha-râ. Celui-ci pourrait, à un moment aussi crucial, l’inciter à oublier les bienfaits divins au point de voir dans cette captive sa propriété. Ayant combattu, il s’est exposé aux dangers de la guerre.

Cette légitimité que laisse entrevoir le yètsèr ha-râ n’est en fait qu’une apparence. Car si l’homme vient à réfléchir il serait vite convaincu que D’ieu seul livre combat pour lui et, à ce titre, la captive appartient à D’ieu.

Si tu remarques, dans cette prise, une femme de belle figure, qu’elle te plaise, et que tu veuilles prendre pour épouse, tu l’emmèneras d’abord dans ta maison; elle se rasera la tête et se laissera pousser les ongles, se dépouillera de son vêtement de captive, demeurera dans ta maison et pleurera son père et sa mère, un mois entier. Alors seulement, tu pourras t’approcher d’elle et avoir commerce avec elle, et elle deviendra ainsi ton épouse.

Wé-hachaqta ; hafats’ta, plaire

Deux termes qui expriment la même réalité. Pourquoi ce changement?

Mais si la réflexion s’avérait insuffisante, la Tora nous donne les moyens de combattre le yètsèr ha-râ.

De toute évidence, selon le Gaon de Vilna, cette femme lui plaît. Il lui trouve toutes les qualités et les vertus morales que suggère l’emploi du verbe hachoq bé, aimer pour les qualités spirituelles et morales.

Cette expression est utilisée à propos de l’amour de D’ieu à l’égard d’Israël. Ainsi souligne le texte(26) :

«Si l’Ét’ernel vous a préférés, vous a distingués, ce n’est pas que vous soyez plus nombreux que les autres peuples, car vous êtes le moindre de tous.»

L’expression montre que l’attachement divin pour Israël est justifié surtout par les vertus morales et non par sa valeur numérique.

Elle se rasera la tête et se laissera pousser les ongles,

Pour quelle raison la Tora exige-t-elle que cette femme, avant qu’il ne l’épouse, devait satisfaire certaines conditions?

Mais pour vérifier si les qualités et vertus de cette captive sont vraies ou illusoires, pouvant être le fruit d’une imagination trop dépendante des passions, la Tora lui recommande de l’amener chez lui et là, rasée et se laissant pousser les ongles, elle abandonnera ses plus beaux habits de captivité qu’elle avait porté pour impressionner et faire sensation. Toutes ces mesures ont pour but de la montrer sous son vrai jour. Sa laideur sera plus évidente.

Et elle pleurera son père et sa mère, un mois entier.

Parmi ces conditions : «elle pleurera son père et sa mère pendant un mois». Comment peut-on exiger d’elle qu’elle pleure quand elle n’en a pas envie?

Par ailleurs, pleurant son père et sa mère, autrement dit, ses divinités, selon Kéli Yaqar, cette femme laisse apparaître sa véritable personnalité. L’homme, se rendant à l’évidence, comprend que ces vertus ne sont qu’apparentes. Si elle, femme, pleure et regrette ses divinités antérieures, c’est qu’en réalité l’attrait de la religion juive n’est ni sincère ni profond.

Placé devant une telle situation, contraint de voir pendant un mois cette captive sous son aspect véritable, dans toute sa laideur tant morale que physique, l’homme n’a d’autre recours, si son attirance a été provoquée par la tentation, qu’à renoncer à son projet. Il aura vaincu ainsi le yètsèr ha-râ.

Dans le cas contraire, ce n’est qu’après l’avoir mariée qu’il se rendra compte de son erreur car la Tora lui prédit :

S’il arrive que tu n’aies plus de goût pour elle, tu la laisseras partir libre de sa personne, mais tu ne pourras pas la vendre à prix d’argent, tu ne la traiteras plus comme esclave, après lui avoir fait violence.

S’il arrive que tu n’aies plus de hèfèts, de goût, pour elle,

Hèfètsobjet. Il s’agit donc de l’amour que l’on ressent pour un objet. Le texte lui prédit, et ce serait une joie pour lui de l’apprendre car wé-haya, annonce toujours une joie, qu’il finira par reconnaître que cet attrait n’a été qu’illusoire.

Une seconde lecture du texte mettrait l’homme face à sa lutte quotidienne contre le yètsèr ha-râ. Telle une belle femme, soumise et captive, qui capte toute son attention, le yètsèr ha-râ s’emploie à enchaîner l’homme par ses pièges et ses ruses.

Cependant l’homme, dans son combat contre le yètsèr ha-râ, doit être prêt à affronter plusieurs ennemis. De fait, malgré les tentations diverses et les apparences différentes qu’il peut prendre, le yètsèr ha-râ ne représente en réalité qu’un seul et même ennemi. En résistant à ses tentations, l’homme bénéficie de l’aide et l’appui de D’ieu.

Le texte précise, en effet : Quand tu iras en guerre contre tes ennemis, en apparence nombreux, l’intention ferme de les combattre et de leur résister agira de telle sorte que l’Ét’ernel, ton D’ieu, lelivre en ton pouvoir, il s’agit bien d’un seul ennemi.

En plus de l’assurance du concours et de l’appui divins pour le vaincre, la Tora annonce : tu feras captifs ses prisonniers, autrement dit, de reprendre au yètsèr ha-râ toutes les transgressions qu’il aura faites en succombant à ses tentations.

En effet, nos maîtres enseignent que l’homme qui, faisant un repentir sincère, vainc le yètsèr ha-râ, voit aussitôt tous les méfaits devenir des mérites. Aussi la Tora promet-elle à celui qui combat le yètsèr ha-râ de lui reprendre tous ses captifs, tous ses méfaits(27).

Ki Tètsè est la péricope lue le premier Chabbat d’Èloul. C’est le mois du repentir. Il est naturel qu’en ce mois l’homme réfléchisse sérieusement à sa conduite durant toute l’année afin de livrer une lutte acharnée contre le yètsèr ha-râ.

Ce combat, nous le savons, ne peut qu’être profitable à l’homme car, en définitive, tout méfait, devenant un mérite, par une téchouva sincère et réelle, ouvre l’accès de l’harmonie et de la perfection morale.

1. Dévarim 21, 1014.

2. Avot 4, 1.

3. Michelè 16, 32.

4. Tanhouma sur Ki Tètsè paragr. 1.

5. Dévarim 21, 10.

6. Avot 4, 2.

7. id, 21, 11.

8. ibid. 21, 15.

9. Dévarim 21, 18.

10. N.B. Il s’agit d’une Michena auxiliaire compilée par Rabbi Hiya et Rabbi Ochâya après la rédaction de la Michena par Rabbi Yéhouda ha-Nassi.

11. Dévarim 21, 22.

12. N.B. De la même manière, le Midrache étudie l’enchaînement des mitswot que le texte, Dévarim 22, 612, rapporte pour en déduire qu’une mitswa entraîne l’autre.

13. N.B. Il s’agit d’une pièce de monnaie et une unité de poids. Un Tartimar pèse environ 180 grammes.

14. N.B. Il s’agit d’une unité de mesure de volume. un Log représente environ 344ml.

15. Zohar Vol.2, 87b.

16. id. Vol. 1, 112a.

17. cf. Baba Batra 91b.

18. Dévarim 21, 14.

19. Qiddouchine 22b.

20. Dévarim 21, 15.

21. id. 20, 8.

22. Âvoda Zara 3a.

23. Chabbat chap. 2.

24. Mélakhim 1. 22, 19-20.

25. Dévarim 21, 9.

26. Dévarim 7, 7.

27. cf. Yoma 36b.

Leave a Reply