L’élection d’Israël
«En ce jour, l’Ét’ernel, ton D’ieu, te recommande d’exécuter ces diverses lois et ces statuts; tu t’appliqueras donc à les observer de tout ton coeur et de toute ton âme. Tu as glorifié aujourd’hui l’Ét’ernel, en promettant de L’adopter pour ton D’ieu, de marcher dans Ses voies, d’observer Ses lois, Ses préceptes, Ses statuts, et d’écouter Sa parole; et l’Ét’ernel t’a glorifié à Son tour en te conviant à être Son peuple privilégié, comme Il te l’a annoncé, et à garder tous Ses commandements. Il veut que tu deviennes la première de toutes les nations qu’Il a faites, en gloire, en renommée et en dignité; que tu sois un peuple consacré à l’Ét’ernel, ton D’ieu comme Il l’a déclaré(1).»
En signe de reconnaissance pour la sollicitude divine à l’égard d’Israël, la Tora recommande de prélever les prémices, les premiers fruits cueillis, pour les offrir au Kohène dans le Bèt ha-Miqdache.
Pourquoi les prémices et non les plus beaux fruits de sa récolte? L’homme attache, il est vrai, une importance particulière à sa propre production. Il exprime une affection exclusive aux fruits qui apparaissent en premier. Au lieu de se les réserver, la Tora prescrit aux Bénè Yisraèl d’en faire une offrande au Bèt ha-Miqdache pour clamer, en plus des sentiments de gratitude pour les bienfaits divins, l’assurance que la terre appartient à D’ieu et que l’homme ne fait que gérer la production de D’ieu.
Partant d’une telle conception, l’homme ne saurait garder pour lui seul le fruit de son labeur. Son attitude serait de s’ouvrir à autrui et partager avec lui tout ce que D’ieu a bien voulu lui accorder. Les prémices réalisent en fait cet esprit d’union et de solidarité avec tous les hommes car, attestant que D’ieu est la Cause Première à laquelle il convient d’attribuer tout ce qui apparaît en premier, prémices, halla, térouma, ils finissent par se retrouver en D’ieu.
De plus, les autres prélèvements, les diverses dîmes, donnés au Léwi, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve, montrent que D’ieu se soucie de tous les déshérités et recommande à l’homme d’en prendre parfaitement soin.
En guise de récompense, le peuple d’Israël, s’étant conformé aux prescriptions divines, pourrait invoquer la bénédiction divine.
Le Midrache(2) citant le texte(3) :
«Il est ma force et ma gloire, l’Ét’ernel» dit : La force n’est autre que la Tora tel qu’il est dit(4) :
«Que l’Ét’ernel donne la force à son peuple», et il est dit(5) :
«La force du roi, c’est l’amour de la justice.»
Autre explication.
Ma force n’est autre que la royauté tel qu’il est dit(6) :
«Seigneur, le roi se réjouit de Ta puissance», et il est dit :
«Que l’Ét’ernel donne la force à son peuple» Il est écrit, par ailleurs(7) :
«Et Il donnera la puissance à son roi.»
Autre explication.
Ma force n’est autre que la puissance tel qu’il est dit(8) :
«Ét’ernel, ô ma force, mon appui et mon refuge au jour du malheur!», et il est dit(9) :
«L’Ét’ernel est ma force, mon bouclier; en Lui mon coeur s’est confié et j’ai été secouru.»
Autre explication.
Tu es le soutien et l’appui pour tous les hommes. Mais, Tu l’es davantage pour moi. Il a fait de moi Sa Gloire tel qu’il est dit(10) :
«Et l’Ét’ernel t’a glorifié à son tour.» Mais moi aussi j’ai fait de Lui ma gloire tel qu’il est écrit(11) :
«Tu as glorifié aujourd’hui l’Ét’ernel.» N’est-il pas vrai que tous les peuples ont chanté les louanges de Celui qui, par Sa parole, a créé le monde? Néanmoins mes louanges sont douces devant Lui tel qu’il est dit(12) :
«Du Chantre aimable d’Israël.» Israël dit(13) :
«Ecoute, Israël, l’Ét’ernel notre D’ieu, l’Ét’ernel est Un!» L’esprit saint proclame du ciel(14) :
«Et y a-t-il, comme ton peuple, comme Israël, une seule nation sur la terre…?» Israël déclare(15) :
«Qui t’égale parmi les forts, Ét’ernel?» Et l’esprit saint répond du ciel(16) :
«Heureux es-tu Israël! Qui est ton égal…?» Israël proclame(17) :
«Comme l’Ét’ernel, notre D’ieu est accessible pour nous toutes les fois que nous L’invoquons,» et l’esprit saint de dire(18) :
«En effet, où est le peuple assez grand pour avoir des divinités accessibles?». Israël s’écrie(19) :
«Car la parure de leur force, c’est Toi.» L’esprit saint de répondre(20) :
«Tu es Mon serviteur, Israël, c’est par toi que Je me couvre de gloire.»
Autre explication.
«Il est ma force et ma gloire…» Ceci fait penser à ce roi qui avait une perle unique. Le fils s’en vint la demander. Donne-la moi! Il lui répond : elle n’est pas pour toi. Mais après l’avoir tant supplié, le roi la lui remit.
Ainsi, Israël ayant chanté des louanges «Il est ma force et ma gloire», sollicite l’octroi de la Tora du Saint béni soit-Il. Il dit : la Tora n’est pas à toi. Elle appartient aux êtres célestes. Comme il Le supplie, Il la leur accorde tel qu’il est dit : «L’Ét’ernel donne la force à Son peuple.»
Ce midrache établit, nous semble-t-il, la relation intime existant entre D’ieu, Israël et la Tora. L’élection du peuple d’Israël se situe à ce niveau.
Il est impossible de penser que D’ieu ait choisi arbitrairement Israël pour être ce que Rabbi Yéhouda ha-Léwi appelle «le fruit des nations». Des relations d’amour et d’affection ne se commandent pas. Ce sont, il est vrai, des sentiments par définition spontanés.
Mais le midrache relève plutôt une identité et une compatibilité de nature entre les trois partenaires. En premier lieu, la Tora constitue la force et la puissance de D’ieu. En tant que force, la Tora est attribuée à Israël qui y puise tout son pouvoir et toute sa puissance. Mais la Tora elle-même fait la jonction entre Israël et D’ieu. C’est en étant docile aux préceptes de la Tora qu’Israël mérite d’appartenir à D’ieu. Ainsi l’élection d’Israël est-elle, en fait, conditionnelle à son attachement à la Tora.
L’élection n’est pas seulement un privilège. Elle confère, certes, une dignité aux Bénè Yisraèl. Mais elle le contraint à une vie faite de responsabilités et de devoirs tant au niveau individuel qu’au niveau collectif. Cette force de la Tora unit Israël et lui assure l’existence dans ce monde. D’ieu constitue l’appui et le soutien d’Israël à travers l’étude et l’application de la Tora.
Le type de relations que développe Israël avec D’ieu est basé sur la proclamation d’unicité. Israël place D’ieu au sommet de tout, atteste son unicité : «L’Ét’ernel, notre D’ieu, l’Ét’ernel est Un.» L’unicité de D’ieu est la pierre angulaire du Judaïsme.
Le monde entier proclame cette unicité car si le Créateur n’était pas unique, la nature elle-même aurait révélé, non pas une harmonie, mais plutôt dysharmonie et désordre puisque les volontés créatrices auraient poursuivi nécessairement des objectifs différents(21).
Mais D’ieu étant Un, tout dans la nature proclame Son règne et Sa puissance. Israël est ce peuple qui, durant des siècles, avait professé sa foi en D’ieu Un et Unique.
D’ieu proclamera à son tour l’unicité d’Israël parmi les nations. Cette proclamation est d’autant plus importante car, venant de D’ieu, elle placera Israël au sommet des nations.
En quoi Israël est-il unique pour D’ieu? Israël assume la responsabilité d’étudier et exécuter les préceptes de la Tora. Il fut, de toutes les nations, le seul à accepter de recevoir la Tora.
Il n’est, certes, pas facile de remplir cet engagement. Pourtant, malgré les persécutions et malgré les épreuves, Israël a toujours fait face à cette responsabilité. De plus, Israël a de tout temps assumé le sacrifice suprême pour l’amour de D’ieu.
Cette relation d’unicité s’exprime autant pour D’ieu que pour Israël par l’affirmation de l’admiration exclusive que l’un témoigne à l’autre. D’ieu ne supporte aucune comparaison parmi les forts, Il est à nul autre comparable. Israël ne ressemble à nulle autre nation. La relation grandit à telle enseigne que D’ieu devient d’accessibilité facile à tout Israël.
Enfin, cette relation, exclusive, est scellée par le don de la Tora. Certes, la Tora est plus proche des êtres célestes, des anges. Mais elle a besoin d’un support matériel et physique. La Tora, sans le concours d’Israël, aurait été plus potentielle que réelle. La réalité exige de la soumettre au monde des humains. Cette perle précieuse destinée aux Mal’akhim ne trouvera sa beauté éclatante qu’une fois confiée aux Bénè Yisraèl qui sont prêts à tout mettre en oeuvre pour l’exécuter.
La puissance de D’ieu, autrement dit la Tora donnée à Israël, sera en définitive ce par quoi Israël glorifie D’ieu afin qu’il soit celui par qui D’ieu se couvre de gloire.
En ce jour, l’Ét’ernel, ton D’ieu, te recommande d’exécuter ces diverses lois et ces statuts; tu t’appliqueras donc à les observer de tout ton coeur et de toute ton âme.
En ce jour,
Rambane situe ce jour au moment où Mochè achève de commenter les mitswot de la Tora et d’initier certaines des mitswot que D’ieu avait recommandé d’instituer. La Tora prend en ce jour sa forme définitive.
Pour Rabbènou Béhayè, quarante années se sont écoulées depuis que la Tora a été promulguée sur le Mont Sinaï. Comment le texte précise-t-il «En ce jour, l’Ét’ernel, ton D’ieu, te recommande d’exécuter ces diverses lois et ces statuts»?
Mais, dit-il, le Midrache(22) enseigne : «[Les lois] devront être chères à tes yeux comme si tu venais de les recevoir sur le Mont Sinaï.»
Et à propos du texte(23) :
«Que je t’ordonne aujourd’hui», nos Maîtres expliquent(24) : «Les lois seront à tes yeux, nouvelles comme si tu venais de les recevoir au Sinaï.»
Qu’elles soient considérées chères ou nouvelles, la raison est que les générations passent et changent. Le coeur de l’homme, autrement dit, son affection, est rattaché à la vue pour tout ce qui concerne le sensible. Ainsi, tant que la personne ou l’objet est proche de lui, accessible et visible, l’homme s’en souvient. Mais, aussitôt loin des yeux, il est vite oublié.
Les prodiges et les miracles divins ne sont pas toujours présents afin d’affermir dans les coeurs la foi en D’ieu. Le principe veut que, même durant leur absence, la foi en D’ieu doit demeurer inébranlable comme si ces prodiges s’étaient réalisés de nos jours.
Ainsi, les paroles de la Tora étant à nos yeux chères et appréciées, il sera difficile, voire impossible, de les transgresser.
Aussi, faut-il également qu’elles soient considérées dans toute leur nouveauté afin de garder présents à l’esprit les prodiges divins lorsqu’ils sont cachés à nos yeux. La révélation au Mont Sinaï doit rester dans toute sa nouveauté.
Rabbènou Béhayè met donc l’accent sur les deux principes qui peuvent maintenir l’enthousiasme et l’ardeur dans l’exécution des mitswot. Avec les sentiments d’appréciation et de nouveauté, les mitswot gardent leur attrait si bien que l’homme les considère comme étant inédites.
Le sentiment d’appréciation et l’attachement aux mitswot s’émoussent aussitôt que l’homme sent qu’elles perdent leur nouveauté et leur attrait. L’inédit et la nouveauté contribuent à exécuter les mitswot avec ardeur et amour.
À observer de tout ton coeur et de toute ton âme.
Le texte souligne bien que l’homme se doit d’assumer le sacrifice suprême pour observer les mitswot en tout temps, comme au jour de la Promulgation de la Tora. En ce jour en effet, Israël, devant les miracles et les prodiges, devant le grand feu qui brûlait au sommet de la montagne, avait accepté de sanctifier le nom de D’ieu.
Or ha-Hayim, citant Rachi qui reprend à son compte l’explication de la Psiqta Zotèrta précisant «Chaque jour [les mitswot] seront nouvelles à tes yeux comme si aujourd’hui même tu en as reçu l’ordre», comprend bien que la Tora, dans toute sa totalité, a été promulguée sur le Mont Sinaï.
Cependant, si certaines prescriptions pouvaient avoir cours aussitôt transmises à Israël, d’autres, en revanche, devaient prendre effet plus tard. Les prélèvements, les dîmes, les prémices, voient leur exécution dépendre de l’installation en Èrèts Yisraèl.
Mochè souligne que, pendant les quarante années passées dans le désert, cette catégorie de mitswot n’était réalisée qu’au niveau de l’étude, de la théorie. Mais désormais, le peuple d’Israël, se trouvant au seuil d’Èrèts Yisraèl, est tenu d’exécuter, d’observer ces mitswot.
En disant «aujourd’hui», Mochè n’a nullement l’intention de définir précisément le jour mais d’énoncer le temps propice à l’exécution, car les Bénè Yisraèl étaient sur le point de pénétrer en Èrèts Yisraèl.
Pour Kéli Yaqar, l’emploi du terme «aujourd’hui» fait référence au jour où l’homme réalise pleinement que tout appartient et dépend de D’ieu car, apportant les prémices, il reconnaît sa dépendance totale de D’ieu. Ainsi sera-t-il en mesure d’accomplir et d’exécuter toutes les mitswot divines.
Sforno rattache «ce jour» au jour où le peuple d’Israël contracte l’alliance avec D’ieu. Les termes du contrat sont précis : d’un côté, D’ieu ordonne d’exécuter Ses lois et Ses statuts avec, en récompense, bonheur et prospérité. De l’autre, Israël s’engage à les exécuter.
Cette exécution se fera «de tout ton coeur», autrement dit, en toute conscience afin que nul doute ne doit subsister face à la volonté de D’ieu.
Elle se fera également «de toute ton âme». Connaissant la grandeur infinie de D’ieu qui ordonne ces mitswot, l’individu ne se laissera pas égarer par son imagination et ses appétits.
Rav Alchèkh propose l’explication suivante : Ce jour est le dernier jour des quarante années du séjour d’Israël au désert. Selon l’enseignement de nos Maîtres(25), en ce jour Israël accède à la compréhension parfaite de l’enseignement de Mochè.
Afin qu’Israël ne prétende pas que cet enseignement émane de Mochè et non de D’ieu, en dehors des deux premières paroles du Décalogue, Mochè précise que ces lois et ces statuts ont été ordonnés par l’Ét’ernel, ton D’ieu. En effet, il s’avère nécessaire de souligner que la Tora, dans sa totalité, provient de D’ieu à un jour où Israël atteint sa maturité pour l’enseignement divin.
L’exécution se fera «de tout ton coeur», faisant appel aux deux penchants, Yètsèr ha-râ et Yètsèr ha-tov, ainsi que «de toute ton âme», autrement dit, même au prix de la vie.
Par ailleurs, «En ce jour, l’Ét’ernel, ton D’ieu, te recommande d’exécuter…» fait référence, pour Rav Alchèkh, à l’affirmation de nos Maîtres qu’à partir de ce jour, nul autre, même un prophète, ne saurait prescrire de nouvelles dispositions dans la Tora. Et, si jamais il y a oubli, comme pendant la période du deuil de Mochè, la solution réside dans l’effort de se ressouvenir de l’enseignement de Mochè.
Néanmoins, pour éviter l’oubli, il convient de les observer. Comme le verbe chamor, signifie conserver, garder, il suffit de les conserver dans ton coeur.
Tu as glorifié aujourd’hui l’Ét’ernel en promettant de L’adopter pour ton D’ieu, de marcher dans Ses voies, d’observer Ses lois, Ses préceptes, Ses statuts et d’écouter Sa parole.
Tu as glorifié aujourd’hui l’Ét’ernel en promettant de L’adopter pour ton D’ieu,
Pour Rachi, hèèmarta, tu as glorifié, et hèèmirékha, Il t’a glorifié, constituent un cas rare et singulier dans la Tora. Cette forme du verbe amor, dire, est sans équivalent.
Il s’agit, dit-il, d’idée de distinction et élection. Ainsi D’ieu distingue Israël des autres peuples comme Israël choisit d’observer les mitswot de D’ieu.
Mais pour Rambane, hèèmarta signifie élever et glorifier D’ieu, le placer au sommet de tout en acceptant d’assumer toute la Tora avec tous ses préceptes et ce, en promettant de L’adopter pour ton D’ieu, autrement dit, de ne point Le changer par une autre divinité.
Par ailleurs, pour Le glorifier, il est nécessaire de marcher dans Ses voies, en exerçant la bonté, la droiture et la bienfaisance, en plus d’observer Ses lois, autrement dit, les décrets impénétrables pour la raison humaine; Ses préceptes, les devoirs et les interdits; Ses statuts, les jugements accessibles à la raison humaine. Et enfin, d’écouter Sa parole qu’Il t’aura adressée par Ses Prophètes.
Sforno, fidèle à son explication, dit que le peuple d’Israël, en s’engageant à contracter l’Alliance avec D’ieu qui l’oblige à renoncer au bonheur matériel, élève si bien D’ieu que rien d’autre ne compte en dehors de l’accomplissement de la volonté divine.
Dans une telle perspective, D’ieu est l’être Suprême auquel Israël doit se soumettre. L’existence du monde et des êtres ne tient que sur Son unique intervention. Il convient alors de ne servir que D’ieu, de se comporter selon Ses voies et Lui obéir comme un serviteur obéit à son maître.
Or ha-Hayim s’interroge sur l’emploi de hayom, en ce jour. S’agissant d’élever D’ieu n’est-il point naturel que ce soit un devoir perpétuel?
Mais, s’appuyant sur les paroles du Talmoud(26) : «Celui qui demeure hors d’Èrèts Yisraèl est considéré comme n’ayant pas de D’ieu», il propose qu’en ce jour le peuple d’Israël, bien que se trouvant en territoire de Sihone conquis par Mochè et annexé à Israël, est considéré comme étant déjà établi en Èrèts Yisraèl et, par suite, ayant accédé à la divinité de D’ieu. En ce jour, Israël peut prétendre appartenir à D’ieu. Il élève ainsi D’ieu puisqu’il accepte Sa divinité.
Pour Rachebam, le terme hèèmarta est la forme factitive de amor, faire dire. Pour lui, Israël agit de telle sorte que D’ieu accepte d’être D’ieu d’Israël tout comme D’ieu agit de manière qu’Israël soit distingué des autres peuples.
Kéli Yaqar relie ce texte à l’offrande des prémices et à la déclaration qui l’accompagne.
Le fait de proclamer :
«Je viens reconnaître en ce jour, devant l’Ét’ernel, ton D’ieu, que je suis installé dans le pays que l’Ét’ernel avait juré à nos pères de nous donner»…,
suffit pour montrer combien D’ieu est élevé et apprécié puisque l’offrande des prémices constitue la preuve que D’ieu est obéi et suivi en tout ce qu’il a ordonné.
En récompense, Israël demande à D’ieu(27) :
«Jette un regard du haut des cieux, ta sainte demeure, et bénis ton peuple Israël et la terre que tu nous as donnée, comme tu l’as juré à nos pères, ce pays ruisselant de lait et de miel!»
Cet appel à D’ieu est en fait la demande de nous distinguer des autres peuples.
Pour Mèâm Loêz, il existe une tendance à nier que D’ieu exerce Sa Providence particulière à tous les êtres inférieurs et au monde matériel. Selon cette catégorie de penseurs, il n’est pas de l’honneur de D’ieu de se soucier du destin de chaque être.
Pour combattre une telle tendance, le peuple d’Israël élève D’ieu, Le place à des hauteurs inégalées, en suivant Ses voies sans toutefois porter atteinte à Son respect.
Bien au contraire, la grandeur divine est d’autant plus considérable qu’Il apporte une attention particulière fût-ce à des êtres inférieurs. Ainsi est-il dit(28) : «Qui, comme l’Ét’ernel, notre D’ieu, réside dans les hauteurs, abaisse ses regards sur le ciel et sur la terre?»
Parce qu’Israël consent à promettre de L’adopter pour son D’ieu, qu’Il accepte de prendre soin particulièrement d’Israël comme Il le fait pour les anges.
Aussi, pour cette raison, le texte poursuit :
Et l’Ét’ernel t’a glorifié à Son tour en te conviant à être Son peuple privilégié, comme Il te l’a annoncé, et à garder tous Ses commandements.
Et l’Ét’ernel t’a glorifié à Son tour en te conviant à être Son peuple privilégié,
Or ha-Hayim entend par peuple privilégié, âm ségoula, un peuple jouissant de l’attachement particulier de D’ieu, et ce, quand bien même un autre peuple serait capable, par une conduite adéquate, de se rapprocher de la Chékhina.
Par ailleurs, D’ieu ne changera pas Israël par un autre peuple même s’il arrive qu’Israël irrite D’ieu.
Et à garder tous Ses commandements.
D’ieu élève, quant à Lui, Israël en lui accordant Ses commandements. En effet, c’est une faveur et un privilège que de confier Ses mitswot au peuple d’Israël et ce, afin de l’affiner et de le purifier de toutes les impuretés morales.
Ce privilège est d’autant plus grand que D’ieu confie à Israël non une partie de Ses mitswot mais bien la totalité de Ses commandements.
C’est justement au moment où Israël est habilité à exécuter toutes les prescriptions divines, puisque toutes celles dépendant d’Èrèts Yisraèl sont accessibles, que D’ieu lui accorde cette promotion.
Or ha-Hayim trouve qu’aux six niveaux d’élévation qu’Israël consent de gravir pour adopter D’ieu, répondent également six niveaux de perfection accordés par D’ieu au peuple d’Israël.
Ainsi, dit-il, en récompense pour L’avoir adopté pour D’ieu, D’ieu adopte Israël comme peuple privilégié.
À garder tous Ses commandements, en récompense pour avoir suivi Ses voies.
Et que tu deviennes la première de toutes les nations qu’Il a faites, en gloire, en renommée et en dignité, en récompense pour avoir exécuté Ses lois, Ses préceptes et Ses statuts.
Enfin que tu sois un peuple consacré à l’Ét’ernel, en récompense pour avoir obéi à Sa parole.
Ainsi l’élection d’Israël est en fait conditionnée par le choix qu’adopte Israël de s’attacher à D’ieu. Cette affection et cet attachement réciproques définissent, en fait, les limites de cette élection.
1. Dévarim 26, 16-19.
2. Yalqout Chimôni sur Chémot paragr. 244.
3. Chémot 15, 2.
4. Téhillim 29, 10.
5. id. 99, 4.
6. ibid. 21, 2.
7. Chémouèl 1. 2, 10.
8. Yirmiya 16, 19.
9. Téhillim 28, 7.
10. Dévarim 26, 18.
11. id. 26, 17.
12. Chémouèl 2. 23, 1.
13. Dévarim 6, 4.
14. Chémouèl 2. 7, 23.
15. Chémot 15, 11.
16. Dévarim 33, 29.
17. id. 4, 7.
18. ibid. 4, 7.
19. Téhillim 89, 18.
20. Yéchâya 49, 3.
21. cf. Bahiya Ibn Paqoda, Devoirs des Coeurs, Chap. 1.
22. Tanhouma sur Ki Tavo paragr. 1.
23. Dévarim 6, 6.
24. Psiqta Zotèrta sur le texte.
25. Âvoda Zara 5b.
26. Kétoubot 110b.
27. Dévarim 26, 15.
28. Téhillim 113, 56.