Les bienfaits divins à Israël

«Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle; interroge ton père, il te l’apprendra, les vieillards, ils te le diront! Quand le Souverain donna leurs lots aux nations, quand il sépara les enfants d’Adam, il fixa les limites des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël. Car ce peuple est la part du Seigneur; Yaâqov est le lot de son héritage. Il le rencontre dans une région déserte, dans les solitudes aux hurlements sauvages, Il le protège, Il veille sur lui, le garde comme la prunelle de Son oeil. Ainsi l’aigle veille sur son nid, plane sur ses jeunes aiglons; déploie ses ailes pour les recueillir, les porte sur ses pennes robustes. Seul l’Ét’ernel le dirige, et nulle puissance étrangère ne le seconde(1)

Peu avant sa mort, Mochè, réalisant que la nature d’Israël le porterait à s’insurger contre D’ieu, réunit tout le peuple pour livrer ses dernières recommandations. Il dit en effet(2) :

«Faites réunir autour de moi tous les anciens de vos tribus et vos magistrats : je veux faire parvenir ces paroles à leurs oreilles, et prendre à témoin contre eux les cieux et la terre.»

En tant que témoins permanents, les cieux et la terre seront les premiers à châtier Israël. Les cieux retiendront les pluies et la terre ne produira plus sa récolte.

De plus, Mochè entend s’assurer que ses paroles demeurent à jamais gravées afin qu’Israël, de l’abîme des souffrances et persécutions, puisse retrouver l’espoir et revenir à D’ieu.

Ce cantique s’articule de manière à révéler les bienfaits de D’ieu, Sa justice et Son équité face aux débordements du comportement moral des enfants d’Israël. Cependant, c’est au moment où tout semble perdu et la situation sans issue que D’ieu délivrera Israël de ses ennemis.

Néanmoins, le Midrache demeure préoccupé par les dispositions de Mochè qui prend, pour son dernier message, les cieux et la terre à témoin.

Voici notamment ce qu’il dit(3) :

«Le texte affirme(4) :

«J’ai reconnu aussi que tout ce que D’ieu fait, restera ainsi éternellement : il n’y a rien à ajouter, rien à en retrancher : D’ieu a arrangé les choses de telle sorte qu’on le craigne.» Rabbi Yossi Bèn Zimra dit : que signifie «il n’y a rien à ajouter?» Le Saint béni soit-Il dit au moment de la création du monde(5) :

«Que les eaux répandues sous le ciel se réunissent sur un même point et que le sol apparaisse.» Mais alors pourquoi est-il écrit(6) :

«Celui qui appelle les eaux de la mer et les répand sur la surface du sol – Ét’ernel est Son nom?» Afin qu’on Le craigne! Que les êtres le craignent! Cela fait penser à une province qui s’est révoltée contre le roi. Que fit-il? Il amena une légion de forts [combattants], y mit le siège afin que les habitants de la province, le voyant, le craignent.

Autre explication.

Le Saint béni soit-Il créa son monde de telle sorte que le jour demeure jour et la nuit demeure nuit. Yaâqov vint et transforma le jour en nuit car le Saint béni soit-Il fit coucher le soleil avant son temps, tel qu’il est dit(7) :

«Il arriva dans un endroit où il établit son gîte, parce que le soleil était couché

Yéhochouâ fit de la nuit jour, tel qu’il est dit(8) :

«Soleil, arrête-toi sur Guib’ône!» Les Justes limitent ou augmentent les paroles du Saint béni soit-Il afin que les créatures Le craignent.

Autre explication.

Le Saint béni soit-Il créa la mer pour qu’elle demeure mer et la terre, terre. Mochè vint et transforma la mer en terre tel qu’il est dit(9) :

«Les enfants d’Israël entrèrent au milieu de la mer, dans son lit desséché…»

Èlichâ fit de la terre ferme une mer comme il est dit(10) :

«Ainsi a parlé l’Ét’ernel : Creusez dans cette vallée fossés et fossés…et cependant cette vallée sera remplie d’eau.» Ainsi, le Saint béni soit-Il créa l’hiver pour qu’il demeure hiver et l’été, été.

Èliyahou fit de l’hiver été tel qu’il est écrit(11) :

«Par le D’ieu vivant, divinité d’Israël, à qui s’adressent mes hommages! Il n’y aura, ces années-ci, ni pluie ni rosée, si ce n’est à mon commandement

Chémouèl transforma l’été en hiver ainsi qu’il est écrit(12) :

«N’est-ce pas, c’est aujourd’hui la moisson du froment? Je vais invoquer le Seigneur pour qu’il fasse tonner et pleuvoir

Autre explication.

Le Saint béni soit-Il créa le monde céleste pour les êtres célestes, et le monde terrestre pour les êtres terrestres, ainsi qu’il est écrit(13) :

«Les cieux, oui, les cieux sont à l’Ét’ernel, mais la terre, Il l’a octroyée aux fils de l’homme.» Mochè vint et fit du monde terrestre un endroit pour les êtres célestes, et le monde céleste pour les êtres terrestres ainsi qu’il est écrit(14) :

«Pour Mochè, il monta vers le Seigneur, et le Seigneur descend sur le mont Sinaï…»

Autre explication.

Le Saint béni soit-Il créa les cieux et la terre pour Le louer tel qu’il est dit(15) :

«Les cieux racontent la gloire de D’ieu…» Mochè vint et les fit taire tel qu’il est dit :

«Écoutez, cieux, je vais parler…»

Ce midrache applique sa réflexion sur l’oeuvre divine. Par définition, elle est immuable et fixe. Toute la Création vise un seul but : inspirer à l’homme la crainte de D’ieu.

Mais, dans ce système, D’ieu laisse la place à l’homme parfait, au juste, pour briser parfois les règles de la nature qui régissent la Création. Le Juste réalise ainsi l’objectif de la Création : il inspire, ce faisant, la crainte du Ciel.

Telle une légion de soldats prêts à défendre leur roi, les Justes se mettent au service de D’ieu pour imposer respect et crainte du Créateur.

Mais pourquoi intervenir dans un domaine que le Créateur Lui-même avait voulu fixe et permanent? N’est-il pas plus important de veiller à l’intégrité de la Création que de vouloir imposer une crainte qui demeure un acte libre de l’homme?

À travers tous les exemples cités, Yaâqov provoquant le déclin du jour pour que la nuit tombe, Yéhochouâ transformant la nuit en jour, c’est, en fait, à la théorie manichéenne que le Midrache s’attaque.

Le principe du jour et de la nuit dépend toujours de D’ieu. Si déjà un Tsaddiq parvient à changer le cours de la nature, à plus forte raison quand D’ieu, Lui-même, malgré les lois établies et imprimées à Sa création, intervient pour faire plier le monde à Sa volonté.

Le temps comme l’espace obéissent à D’ieu. Les saisons se transforment et changent pour répondre uniquement au désir de D’ieu. Pour agir sur la volonté divine, le Tsaddiq fait appel à sa crainte du Ciel exceptionnelle.

D’ieu dirige le monde. Toute son oeuvre Lui obéit. Mais Lui-même est prêt à obéir au Tsaddiq.

Ainsi dit le Midrache(16) citant le texte(17) :

«Qui domine sur les hommes doit être juste, gouverner dans la crainte de D’ieu.» Le Juste exerce son pouvoir avec autant de succès que D’ieu Lui-même. Ainsi, comme D’ieu, Èlichâ donne à la Chunamite à enfanter. Comme D’ieu, il ressuscite le fils de la Chunamite. D’ieu fait un passage en mer, Èliyahou et Èlichâ traversent l’eau à pied ferme(18). Soigner sans l’aide d’un médicament, Èlichâ le fait pour Naâmane.»

Autant d’exemples illustrant la possibilité pour les Justes d’intervenir dans un domaine qui relève uniquement de D’ieu. Ce pouvoir donné au Juste prouve combien l’être humain gagne à atteindre la crainte véritable de D’ieu.

Mochè, faisant taire les cieux qui, en servant D’ieu, adressent des louanges à Sa gloire, demande en fait qu’ils se fassent violence au moment voulu pour retenir les pluies afin de sanctionner le mauvais comportement des Bénè Yisraèl.

Il n’existe pas de plus grande frustration que de devoir refuser les bontés, les bienfaits que les cieux ou la terre sont prêts à fournir aux Bénè Yisraèl. Mochè incite ainsi Israël à renouer avec l’obéissance et la crainte de D’ieu.

Certes, par leur intervention dans la Création, les Tsaddiqim rétablissent l’équilibre du monde rompu par le comportement immoral d’Israël. Mais Israël serait bien inspiré de penser aux bienfaits de D’ieu dans le passé, comparés aux châtiments du présent pour réaliser un retour sincère qui lui assurera d’autres bienfaits encore plus importants.

Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle; interroge ton père, il te l’apprendra, les vieillards, ils te le diront!

Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle;

Pour Sforno, après l’introduction du cantique traitant de l’équité et de la justice de D’ieu qui récompense de Ses bienfaits Ses fidèles serviteurs, Mochè définit les exigences divines visant à obtenir une perfection morale de toutes les générations passées et futures.

N’ayant pu réussir au niveau de toute l’humanité, D’ieu s’est attaché à élever Israël comme Il entend le faire avec tous les Justes à la fin des temps. En outre, Il octroît à Israël le Bèt ha-Miqdache et le pays d’Israël pour Le servir dans le bonheur et la joie.

Mais Israël, n’ayant pas su apprécier tous ces bienfaits, s’est révolté contre D’ieu. En s’associant aux impies, Israël s’expose à l’anéantissement, n’eût été la profanation du Nom de D’ieu qui en résulterait. D’ieu, dans Sa bonté, réalisera enfin la délivrance pour Son peuple en même temps que Sa vengeance à l’endroit de tous les peuples qui avaient persécuté Israël.

Aussi, pour cette raison, dit-il, Souviens-toi des jours antiques pour te convaincre de la bonté divine dont Il a traité toute l’humanité.

Adam, bien que placé à Gane Êdèneparadis, transgresse la volonté de D’ieu.

Médite les annales de chaque siècle pour te rendre compte que les générations du Déluge, de la Tour de Babèl furent également coupables devant D’ieu et ce, malgré la bienveillance dont Il les a entourées.

Rachi explique également qu’Israël devait se référer aux jours d’antan pour se rendre compte des châtiments infligés aux premières générations qui avaient irrité D’ieu.

Ainsi, la génération d’Ènoche fut submergée par les eaux de l’Océan, celle du Déluge qu’Il a noyée.

Mais il propose une autre explication tournée vers l’avenir. Ainsi, dit-il, Considérez les générations passées, pour connaître l’avenir. Il dépend de Lui qu’Il vous soit bienfaisant et vous fasse connaître les temps messianiques et le temps futur. Par le passé, Israël saura comment D’ieu se comportera à son égard dans l’avenir.

Pour Chaâr Bat Rabbim, Mochè invite Israël à examiner les changements intervenus dans le monde à tous les niveaux. Les fruits rapportés par les Explorateurs impressionnaient par leur taille, leur poids et leur beauté, alors qu’aujourd’hui ils ont perdu de leur qualité. La raison réside dans la déchéance morale des générations.

Selon Mèâm Loêz, le cantique commence à énumérer les bienfaits divins.

En premier, D’ieu est reconnu comme le Créateur puisqu’il suffit de chercher à comprendre le déclin des générations. En effet, les premières vivaient plus longtemps que les dernières. Pour la génération d’Adam, l’âge atteignait 970 ans. Noah, plus de 500, la génération de Babèl, 330 ans. Plus tard, Abraham 175 et Mochè 120. Ceci est la preuve que le monde fut créé car plus les hommes étaient proches de la Création, plus ils vivaient longtemps.

Ensuite, D’ieu délivre Israël d’Égypte. Pour s’en convaincre, il suffit de «demander à tes aïeux qui te le diront». Bien mieux, demandez aux anciens, Yéhochouâ et Kalèb, qui furent parmi ceux qui sont sortis d’Égypte.

Par ailleurs, l’oeuvre de la Création ne fut entreprise que pour le peuple d’Israël, attestant ainsi l’amour particulier de D’ieu pour Son peuple. Les anciens, eux, te rapporteront tous les prodiges réalisés par amour pour Israël au moment où Il a dressé les frontières des Nations, Il les a maintenues au lieu de les détruire selon le nombre des enfants d’Israël : elles étaient 70, correspondant aux 70 âmes des enfants d’Israël qui sont descendues en Égypte.

Or ha-Hayim recense dans ce verset quatre bienfaits : la Création à propos de laquelle il dit «souviens-toi des jours antiques», D’ieu est donc le Créateur; la sortie d’Égypte qui fait du peuple d’Israël la propriété de D’ieu, cela n’est possible que si l’on médite les annales des générations; la prophétie qu’Il attribue seulement à Israël, il y fit allusion en disant demande à tes pères, autrement dit, tes prophètes(19); enfin le bonheur du monde futur qui n’est accessible qu’aux Anciens, aux Sages d’Israël.

Quand le Souverain donna leurs lots aux Nations, quand Il sépara les enfants d’Adam, Il fixa des limites des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël.

Il fixa des limites des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël.

Ici, le Cantique mentionne le troisième bienfait divin. Il s’agit du don de la Tora. D’ieu ne choisit pas le peuple d’Israël pour son nombre. Bien au contraire, il est d’un nombre réduit. Lorsque D’ieu le distingue, Israël se composait de 70 âmes, alors qu’Il disposait de 70 nations.

Ainsi au moment où séparant les Nations au lieu de les anéantir pour L’avoir irrité en construisant la Tour de Babèl, D’ieu accorde à chaque nation son lot en tenant compte qu’Israël sera le pendant des Nations.

D’ieu fait d’Israël Son peuple en lui donnant Sa Tora. C’est bien ce que précise le texte :

«Il le rencontre dans une région déserte, dans les solitudes aux hurlements sauvages; Il le protège, Il veille sur lui, le garde comme la prunelle de son oeil.»

C’est dans le désert du Sinaï que D’ieu, enveloppant Israël de ses nuées, lui accorde la connaissance afin d’en faire Son peuple qui se distingue des autres par sa conduite l’apparentant à D’ieu.

Le quatrième bienfait est de lui avoir accordé le pays de Kénaâne. Au moment où D’ieu attribua à chaque nation sa part en héritage, le peuple d’Israël reçut comme lot le pays de Kénaâne.

Kénaâne, fils de Ham avait, quant à lui, douze enfants comme Yaâqov. Ainsi D’ieu avait partagé la terre entre les douze fils de Kénaâne pour en prendre soin jusqu’à l’arrivée des douze tribus d’Israël. Ainsi dit le texte(20) :

«Il l’a fait monter victorieusement sur les hauteurs de la terre et jouir des produits des champs; il l’a nourri avec le miel des rochers, avec l’huile de la roche pierreuse.»

Car ce peuple est la part du Seigneur; Yaâqov est le lot de son partage.

Yaâqov est le lot de son partage.

Le midrache(21) souligne que chaque peuple possède son génie protecteur. Ils sont au nombre de soixante-dix correspondant aux soixante-dix nations. Mais le peuple d’Israël relève de la protection exclusive de D’ieu. Le peuple d’Israël est la part du Seigneur.

Pour Or ha-Hayim, Israël fut le peuple choisi par D’ieu pour être Son lot afin de régner sur lui. Il aura ainsi le mérite de gouverner et dominer, quant à lui, tous les peuples. Ainsi, en régnant sur Israël qui règne sur les peuples, D’ieu règne en réalité sur le monde entier.

Israël devient la part de D’ieu en recevant la Tora. Ce n’est qu’ainsi qu’il mérite d’être appelé Peuple de D’ieu.

Yaâqov est le lot de son partage. Pourquoi Yaâqov mérite-t-il ce privilège?

Il suffit de rappeler l’enseignement du Talmoud(22) qui assimile Yaâqov à Adam, le premier homme. Ainsi Israël est le premier existant pour lequel D’ieu a entrepris toute l’oeuvre de la Création.

Partant de tous les bienfaits que D’ieu n’a cessé de réaliser pour Israël depuis la Création en passant par la sortie d’Égypte, le don de la Tora, l’établissement en Èrèts Yisraèl, Israël, se doit, en définitive, de revenir à D’ieu. Il lui assurera un avenir meilleur comme Il lui a procuré bonheur et existence par le passé.

1. Dévarim 32, 7-12.

2. Dévarim 31, 28.

3. Dévarim Rabba chap. 10, paragr. 2.

4. Qohèlète 3, 14.

5. Bérèchit 1, 9.

6. Âmos 5, 8.

7. Bérèchit 28, 11.

8. Yéhochouâ 10, 12.

9. Chémot 14, 22.

10. Mélakhim 2. 3, 16-17.

11. Mélakhim 2. 17, 1.

12. Chémouèl 1. 12, 17.

13. Téhillim 115, 16.

14. Chémot 19, 3.

15. Téhillim 19, 2.

16. Bérèchit Rabba chap. 77, paragr. 1.

17. Chémouèl 1. 23, 3.

18. cf. Mélakhim 2. 2.

19. cf. Sifrè sur le texte.

20. Dévarim 32, 13.

21. cf. Yalqout chap. 942 sur Dévarim 32, 9.

22. Baba Batra 58a.

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