L’instauration de la royauté
«Quand, arrivé dans le pays que l’Ét’ernel, ton D’ieu, te donne, tu en auras pris possession et y seras bien établi, si tu dis alors : «Je voudrais mettre un roi à ma tête, à l’exemple de tous les peuples qui m’entourent», tu pourras te donner un roi, celui dont l’Ét’ernel, ton D’ieu, approuvera le choix : c’est un de tes frères que tu dois désigner pour ton roi; tu n’auras pas le droit de te soumettre à un étranger, qui ne serait pas ton frère. Seulement, il doit se garder d’entretenir beaucoup de chevaux, et ne pas ramener le peuple en Égypte pour en augmenter le nombre, l’Ét’ernel vous ayant déclaré que vous ne reprendrez plus ce chemin-là désormais. Il ne doit pas non plus avoir beaucoup de femmes, de crainte que son coeur ne s’égare; même de l’argent et de l’or, il n’en amassera pas outre mesure. Or, quand il occupera le siège royal, il écrira pour son usage, dans un livre, une copie de cette Doctrine, en s’inspirant des pontifes descendants de Léwi. Elle restera par devers lui, car il doit y lire toute sa vie, afin qu’il s’habitue à révérer l’Ét’ernel, son D’ieu, qu’il respecte et exécute tout le contenu de cette Doctrine et les présents statuts; afin que son coeur ne s’enorgueillisse point à l’égard de ses frères, et qu’il ne s’écarte de la loi ni à droite ni à gauche. De la sorte, il conservera longtemps sa royauté, lui ainsi que ses fils, au milieu d’Israël(1).»
En ordonnant l’institution des juges et magistrats pour juger le peuple, la Tora voulut insister sur la fonction de la justice dans la société. Sans l’intervention des juges, les fondements de la société sont ébranlés. Le juge qui assure l’équité et la justice, maintient l’équilibre du monde. Il est en fait l’associé de D’ieu dans l’oeuvre de la Création.
Cependant, il est un devoir essentiel pour qui assume la responsabilité de nommer des juges. Il doit s’assurer aussi bien de sa compétence à juger que de son éthique. Le juge qui accepte un présent corrupteur n’a d’autre choix que de trancher en faveur de celui qui le lui aura offert. Il fausse la justice et met l’existence du monde en danger.
En outre, le Talmoud(2) enseigne :
«Quiconque nomme un juge inapte est considéré comme s’il avait planté un arbre [une idolâtrie]. Et, si cette nomination se fait au détriment d’un juge apte et compétent, il sera considéré comme s’il l’avait planté auprès de l’autel.»
Toutefois, la fonction du juge étant à ce point importante et, le système judiciaire une des prescriptions de la Tora, pour quelle raison prévoit-on la possibilité d’instaurer la royauté? La royauté est-elle un choix de société ou est-ce, au contraire, une institution nécessaire qui s’inscrit dans l’économie générale du peuple d’Israël?
Le Midrache(3), abordant le texte(4) :
«Quand arrivé dans le pays que l’Ét’ernel, ton D’ieu, te donne…», rapporte : «[Quelle serait] la règle à propos d’un roi d’Israël? Lui sera-t-il permis de comparaître devant un tribunal? Ainsi nos Maîtres enseignent-ils : ni un roi est juge, ni il est jugé, ni il témoigne ni il n’est appelé à témoigner. Nos Maîtres s’interrogent : pourquoi ne doit-on pas le juger?
Rabbi Yirmiya dit : il est écrit à propos du roi David(5) :
«C’est de Toi qu’émanera mon bon droit…» Ainsi, aucun être ne peut juger le roi en dehors du Saint béni soit-Il. Nos Maîtres disent : Ainsi s’adresse le Saint béni soit-Il à Israël : Mes enfants, J’ai pensé vous rendre indépendants de l’asservissement aux rois. Comment? Il est dit(6) :
«Ânesse sauvage, habituée au désert. Tel un onagre vivant dans le désert, ne craignant pas l’homme…», Je pensais vous épargner la crainte des rois. Mais vous ne l’entendiez pas ainsi. Au contraire(7) :
«Aspirant le vent dans la fougue de ses désirs.» Le vent n’est autre que des royaumes ainsi qu’il est dit(8) :
«Et voilà que les quatre vents du ciel firent irruption sur la grande mer.» Le Saint béni soit-Il dit : Peut-être prétendez-vous que J’ignore votre intention de M’abandonner? Mais Je vous aurais avertis par Mochè auquel J’ai transmis : Comme ils sont appelés à réclamer un roi de chair et de sang, qu’ils nomment un d’entre eux et non un roi étranger ainsi que nous le lisons dans le texte(9) :
«C’est un de tes frères que tu dois désigner pour ton roi; tu n’auras pas le droit de te soumettre à un étranger qui ne serait pas ton frère.»
Contrairement à son habitude, ce midrache tente en s’appuyant sur la Halakha, la règle du droit hébraïque, précisant qu’un roi est au-dessus de la Loi, que la nomination du roi n’est pas bien appréciée par D’ieu. Demander l’instauration de la royauté, c’est contester l’autorité divine.
Le peuple d’Israël devait échapper aux normes sociales des autres peuples. Ces derniers sont faits pour être soumis à un roi dont les devoirs sont décrits par le prophète Chémouèl(10) :
«Voici comment procèdera le roi que vous voulez avoir : vos fils, il les prendra pour les employer à ses chars, à sa cavalerie, les fera courir devant son char, en fera des officiers de mille, des officiers de cinquante, les forcera à labourer, à moissonner pour lui, à fabriquer ses armes et l’attirail de ses voitures. Vos filles, il les exploitera pour la préparation des parfums, pour sa cuisine et pour son pain. Les meilleurs de vos champs, de vos vignobles et de vos plants d’oliviers, il les prendra pour les donner à ses serviteurs…»
Israël, gouverné par un roi, pense certainement tirer certains avantages. Mais ces avantages, comparés à la perte de liberté dont il jouit, ne sont en aucun cas dignes de considération. Peut-être s’attend-il à trouver en la personne du roi, accepté par tous, celui qui serait à l’écoute des désirs et attentes du peuple.
Non! C’est le contraire qui se produira. Le peuple subira la crainte du roi. Étant au-dessus des lois, il échappera à toute justice. C’est au peuple de marquer sa soumission au roi. Le roi n’aura de comptes à rendre qu’à D’ieu, tel que David l’exprime : «De Toi émanera mon bon droit.»
S’agissant de David, roi juste et droit, il est évident que les chances de garder fidélité à D’ieu, tant à son niveau qu’à celui du peuple, sont grandes. Mais qu’arrivera-t-il avec un roi moins docile et fidèle à D’ieu? Aussi, D’ieu se plaint-Il de la résolution des Bénè Yisraèl à réclamer un roi.
Aliéner leur liberté en s’octroyant un roi n’effraie pas les Bénè Yisraèl. Bien au contraire, au lieu d’exprimer toute leur allégeance à D’ieu, ils sont prêts à se soumettre à l’arbitraire d’un roi.
Une différence radicale apparaît entre les deux situations que connaît Israël. Dans le désert, tel l’onagre qui ne cède pas à la crainte de l’homme, Israël expérimente une véritable liberté, celle qui s’exprime par la seule obéissance à D’ieu.
Au pays de Kénaâne, dès son installation, Israël demande à instaurer la royauté; abdiquant toute liberté, il se laisse gouverner par un roi.
Mais il est surprenant de voir D’ieu réagir de la sorte du temps de Chémouèl. La désignation d’un roi est prévue dans la Tora. Rabbi Yéhouda Bar Èl’âï enseigne(11) :
«Trois prescriptions furent ordonnées à Israël dès leur entrée en Èrèts Yisraèl : désigner un roi, effacer le souvenir de Âmalèq et bâtir le Bèt ha-Miqdache.»
Si donc cette désignation répond à une nécessité, les réticences de D’ieu comme celles de Chémouèl nous surprennent.
Le midrache signale en passant qu’Israël est appelé à abandonner D’ieu. Un roi aura vite fait de confisquer la liberté du peuple à son profit. Malgré l’interdit de nommer un roi étranger, plus apte à conduire Israël à se révolter contre D’ieu, le roi risque tout de même de lui faire oublier son devoir à l’égard de D’ieu.
Le Midrache(12) poursuit dans la liste des déboires qu’Israël aura à connaître sous le règne des rois. Il s’exprime ainsi à propos du texte(13) :
«Je voudrais mettre un roi à ma tête…» Nos Maîtres affirment : Le Saint béni soit-Il dit : Dans ce monde, vous avez voulu désigner des rois. Ces rois seront là pour vous faire tomber sous l’épée.
Chaoul les fait tomber dans le Mont Guil’boâ tel qu’il est dit(14) :
«Les Israélites…abandonnèrent leurs villes et se sauvèrent…»
David provoque le fléau ainsi qu’il est dit(15) :
«Le Seigneur fit alors sévir la peste en Israël.»
Ah‘ab cause l’arrêt des pluies, selon le texte(16) :
«Il n’y aura, ces années-ci, ni pluie ni rosée.»
Tsid’quiyahou entraîne la destruction du Bèt ha-Miqdache.
Ayant vu ce qui lui est arrivé par la faute de ses rois, Israël se mit à geindre : Nous ne voulons plus de roi! Nous désirons notre premier roi(17) :
«Oui, l’Ét’ernel est notre juge, l’Ét’ernel est notre législateur, l’Ét’ernel est notre roi, à Lui nous devons le salut!» Le Saint béni soit-Il répond : par votre vie, ainsi Je ferai tel qu’il est dit(18) :
«L’Ét’ernel sera roi sur toute la terre; en ce jour, l’Ét’ernel sera Un et Unique sera Son Nom.»
Ce midrache exprime une condamnation sévère de la royauté. L’institution s’avère un danger pour Israël surtout si elle est pensée et voulue sur le modèle des royautés des autres peuples.
Les restrictions émises par la Tora et les prescriptions particulières au roi sont autant de barrières pour s’assurer du bon comportement du roi et de son obéissance à D’ieu. Mais force nous est de constater que les rois, bons ou mauvais, n’ont pas toujours été d’un bon secours pour le peuple.
À l’avenir, Israël, lassé par les déboires consécutifs aux règnes de Chaoul, David, Ah’ab et Tsid’quiyahou, finira par réclamer le seul règne de D’ieu. Ce sera le jour où tous les peuples reconnaîtront également que D’ieu est Un et Unique.
Quand, arrivé dans le pays que l’Ét’ernel, ton D’ieu, te donne, tu en auras pris possession et y seras bien établi; si tu dis alors : «Je voudrais mettre un roi à ma tête, à l’exemple de tous les peuples qui m’entourent.»
Je voudrais mettre un roi à ma tête, à l’exemple de tous les peuples qui m’entourent.
La prescription de nommer un roi se présente de manière différente de toutes les mitswot de la Tora.
D’ieu n’ordonne certes pas explicitement de désigner un roi mais laisse toute latitude au peuple d’Israël de procéder, quand il le voudra, à la nomination du roi. La mitswa n’intervient que pour porter le choix sur «un de tes frères».
Mais tant qu’il ne veut pas désigner le roi, le peuple d’Israël n’est pas tenu d’en avoir un. Dans une telle perspective, on ne saurait comprendre Yaâqov qui, peu avant sa mort, désigne Yéhouda pour assumer la royauté(19) : «Le sceptre [de la royauté] n’échappera point à Yéhouda, ni l’autorité à sa descendance…»
En vérité(20), sachant qu’Israël allait demander la nomination d’un roi, Yaâqov porte son choix sur Yéhouda. Ainsi quand, arrivé dans le pays, Yaâqov sait que ses descendants souhaiteraient désigner un roi. Cependant, ce souhait ne sera émis qu’une fois le pays de Kénaâne conquis.
En effet, les Bénè Yisraèl, installés dans leur possession, libérés des contraintes des guerres de conquête contre les 31 rois, voudront ressembler aux autres peuples. La Tora, craignant qu’Israël ne se tourne vers un roi issu des autres peuples habitués aux institutions royales, exige de ne nommer qu’un roi parmi Israël. La mitswa de choisir un roi d’«entre tes frères», fait allusion à Yéhouda car, de tous les fils de Léa, Léwi excepté, Yéhouda se situe au milieu de ses frères.
Rambane pense que l’expression si tu dis, n’est pas en réalité hypothétique, mais un impératif. Israël a le devoir de proclamer : «Je voudrais placer un roi». Cette déclaration est à faire devant les Kohanim, les Léwiim et les Juges de l’époque. C’est ainsi qu’ils avaient procédé lors de la nomination de Chaoul, ils demandèrent à Chémouèl de «placer à leur tête un roi pour les juger». Cependant, la nomination d’un roi entre, pour lui, dans le déroulement normal des événements.
La position de Sforno est intéressante car elle rend compte de l’exigence de continuité, la royauté se transmettant de père en fils, alors que les juges étaient désignés pour occuper leurs fonctions sans jamais pouvoir les transmettre à leurs descendants. Israël était donc à la recherche de la stabilité de régime.
Pour Or ha-Hayim, la contradiction entre les deux propositions «Si tu dis alors : je voudrais mettre un roi» indiquant une prescription facultative, et «Tu te donneras un roi» marquant l’obligation, n’est en fait qu’apparente.
Il existe, pour lui, deux aspects de la fonction de la royauté. Le premier aspire à nommer un roi dont le rôle essentiel serait de diriger les guerres selon ses connaissances stratégiques et en qui le peuple placera sa confiance. Un tel aspect est réprouvé par D’ieu car le roi n’est pas choisi sur des critères faisant appel à la perfection morale mais plutôt à ses aptitudes de guerrier et de combattant. En cela, Israël se conduirait comme les autres peuples.
Mais, pour le deuxième aspect, le roi, assisté toujours de D’ieu, grâce à son mérite personnel apportera protection et gloire au peuple d’Israël.
Aussi, le texte se lit-il ainsi : Quand, arrivé au pays, après toutes les guerres livrées par D’ieu contre tous les peuples, Israël se dira alors : «Je voudrais mettre un roi à ma tête, à l’exemple de tous les peuples qui m’entourent», autrement dit, un roi pour diriger les guerriers, D’ieu ne consentira jamais à une telle nomination car c’est une forme de royauté qu’Il réprouve.
S’il faut procéder à une telle nomination, elle ne se fera que selon la forme approuvée par D’ieu. Certes, «tu pourras te donner un roi, [mais ce sera] celui dont l’Ét’ernel ton D’ieu approuvera le choix.
Nos Maîtres enseignent(21) : «On ne désigne un roi que par le Tribunal de 70 Anciens et par un prophète.» Autrement, cette nomination est assimilée à celle que les autres peuples font et considérée nulle et non avenue. Aussi, pour cette raison, le premier verset est-il nécessaire car il vient exclure toute forme de désignation rappelant la procédure des peuples étrangers.
Ainsi comprenons-nous la colère divine s’enflammant contre Israël qui demande à Chémouèl de procéder à la désignation d’un roi. Il dit en effet(22) : «Donne-nous donc un roi pour nous gouverner, comme en ont tous les peuples.» Israël insiste plus sur la forme de royauté adoptée par les peuples et qui ne répondait point à l’idéal de D’ieu. Il est vrai que D’ieu aurait voulu diriger Lui-même le destin du peuple d’Israël. Mais si celui-ci en faisait la demande, le choix du roi s’arrêtera sur celui qu’aura approuvé D’ieu.
Rav Alchèkh tente d’expliquer également la raison qui motive la colère de Chémouèl lorsqu’Israël demande de lui donner un roi. À cet effet, il rappelle les trois prescriptions imposées à Israël après son installation au pays de Kénaâne : nommer un roi, effacer le souvenir de Âmalèq et bâtir le Bèt ha-Miqdache. En quoi donc Israël est-il coupable aux yeux de Chémouèl puisqu’une telle demande est conforme à ce que D’ieu ordonne?
Pour lui, D’ieu, ayant prévu qu’Israël fera la demande d’un roi, l’inclut dans la Tora en tant que prescription. Le verset se lirait, quant à lui, ainsi : Quand arrivé au pays sans avoir un roi à la tête, un pays que te donne l’Ét’ernel, ton D’ieu, en possession, signalant ainsi les bienfaits de D’ieu, pour bien préciser que point n’est besoin d’un roi. Ce qu’un roi fait pour son peuple, D’ieu l’a déjà réalisé pour toi. Convaincu d’une telle réalité, Israël est assuré de s’établir dans le pays qu’Il lui donne en possession.
Cependant, que peut faire de plus D’ieu sachant qu’en définitive Israël déclarera alors : «Je voudrais placer un roi à ma tête». D’ieu ne saurait empêcher, malgré toute Sa sollicitude pour le peuple d’Israël, d’en arriver un jour à réclamer l’institution de la royauté.
Tu pourras te donner un roi, celui dont l’Ét’ernel, ton D’ieu, approuvera le choix : c’est un de tes frères que tu dois désigner pour ton roi, tu n’auras pas le droit de te soumettre à un étranger qui ne serait pas ton frère.
Tu pourras te donner un roi, celui dont l’Ét’ernel, ton D’ieu, approuvera le choix.
Kéli Yaqar étudie, quant à lui, toutes les différentes explications avancées. Il propose, pour sa part, que D’ieu tient que le peuple d’Israël désigne un roi qu’il craigne. La Michena(23) enseigne : «Il faut toujours prier pour la paix du royaume car, sans la crainte [de l’autorité], un homme dévorera son prochain.» La désignation du roi ne doit nullement se faire en vue de maintenir l’ordre et l’harmonie au sein de la société car les tribunaux et les juges sont là pour les assurer. Ce que vise D’ieu, c’est bien le fait que le peuple apprenne à craindre l’autorité.
Aussi, après l’établissement dans le pays, le peuple peut être porté, parce qu’il jouit de tout le bien-être, à secouer le joug de l’autorité et agir comme bon lui semble. À ce moment, ceux qui sont animés par l’attachement à D’ieu se réclameront de la nécessité de se donner un roi, mais un roi à ma tête, âlaÏ, sur moi, autrement dit : afin que sa crainte s’impose à moi.
C’est à cette volonté que la Tora répond par : Som tassim âlèkha, placer tu placeras sur toi, autrement dit, un roi qui t’impose crainte et respect.
Mais à l’époque de Chémouèl, les Bénè Yisraèl avaient demandé : Tèna lanou mèlèkh, donne-nous un roi(24), précisant bien lanou, pour nous, non âlènou, sur nous.
Ils aspiraient, avant tout, d’avoir un roi désigné par eux, qu’ils peuvent manipuler à leur guise. Un tel roi n’aura d’autre choix que de chercher à leur plaire plutôt que de leur imposer sa volonté. Aussi poursuivent-ils : «Un roi pour nous juger comme en ont tous les peuples.»
Une telle approche déplut certainement à Chémouèl et encore davantage à D’ieu qui dit :
«Cède à la voix de ce peuple, fais ce qu’ils te disent : ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est Moi-même dont ils ne veulent plus pour leur roi.»
En disant cela, D’ieu confirme à Chémouèl son innocence et son impartialité qui dérangent les Bénè Yisraèl.
Néanmoins Chémouèl, s’apprêtant à remplir leur désir, leur décrit les abus de pouvoir auxquels ils doivent s’attendre de la part du roi.
Les Bénè Yisraèl, regrettant d’avoir formulé leur demande de telle sorte qu’elle ait déplu aussi bien à Chémouèl qu’à D’ieu, se reprennent(25) : «Nous voulons un roi qui règne sur nous.»
Cependant, D’ieu recommande à Chémouèl(26) : «Donne-leur un roi», lahème, pour eux, et non âlèhème, sur eux, car ayant vu qu’ils étaient prêts à Le craindre, Il se contente de nommer un roi qui sera leur égal afin qu’il ne soit pas tenté de concevoir de l’orgueil à l’égard de ses frères.
Seulement, il doit se garder d’entretenir beaucoup de chevaux, et ne pas ramener le peuple en Égypte pour en augmenter le nombre, l’Ét’ernel vous ayant déclaré que vous ne reprendrez plus ce chemin-là désormais. Il ne doit pas non plus avoir beaucoup de femmes, de crainte que son coeur ne s’égare; même de l’argent et de l’or, il n’en amassera pas outre mesure.
La Tora émet des restrictions au roi dans le seul but de l’éloigner de l’orgueil. Contrairement aux rois des peuples, le roi d’Israël doit éviter trois excès pouvant le conduire à soigner sa gloire :
Il doit se garder d’entretenir beaucoup de chevaux afin qu’il ne ramène pas le peuple en Égypte,
Car c’est en Égypte où il peut s’approvisionner en chevaux. La Tora interdit d’y retourner.
Augmenter le nombre de chevaux,
Le roi voudrait se doter d’un grand nombre de chevaux dans le but de faire des guerres.
Il ne doit pas non plus avoir beaucoup de femmes, de crainte que son coeur ne s’égare.
Cela peut se produire quand, pour maintenir de très bons rapports avec les rois voisins, il épouse leurs filles. Il arrivera à coup sûr, comme pour le roi Chélomo, que ces princesses voudront le détourner de l’obéissance à D’ieu et à la Tora.
Même de l’argent et de l’or, il n’en amassera pas outre mesure.
Le roi aurait tendance à augmenter ses avoirs pour entretenir ses troupes et ses chars en vue de guerres de conquête.
En vérité, toutes ces interdictions s’avèrent de grande nécessité pour qu’un roi puisse se maintenir sur son trône. Pourquoi donc restreindre les possibilités du roi dans ce domaine?
La Tora vise surtout à convaincre le roi de ne point placer sa confiance dans la richesse, ni dans le nombre et la puissance de sa cavalerie, ni dans sa force. Il suffit pour réussir de lever les yeux vers son Créateur qui lui procurera bonheur et succès. L’étude de la Tora lui assurera un règne heureux et durable.
Or, quand il occupera le siège royal, il écrira pour son usage, dans un livre, une copie de cette Tora, en s’inspirant des pontifes descendants de Léwi.
Or, quand il occupera le siège royal, il écrira pour son usage, dans un livre, une copie de cette Tora,
Aussitôt le trône occupé, le roi se doit de lutter contre les trois travers qui mettent en danger la royauté : richesse, appétits charnels et orgueil.
Cette lutte n’est possible que grâce à la Tora. Aussi le livre de Tora l’acompagnera toujours afin que n’étant jamais tenté de se révolter contre D’ieu se maintienne sur son trône.
Kissè, trône, se compose des lettres kaf, débutant le mot kèssèf, argent; samèkh, débutant le mot sous, cheval, et alèf, débutant Icha, femme. Grâce à la Tora, il parviendra à neutraliser ces trois tendances et se maintenir sur son trône.
Aussi, pour parvenir à ce niveau de perfection morale, le texte recommande :
Elle restera par devers lui, car il doit y lire toute sa vie, afin qu’il s’habitue à révérer l’Ét’ernel, son D’ieu, qu’il respecte et exécute tout le contenu de cette Tora et les présents statuts.
Elle restera par devers lui, car il doit y lire toute sa vie, afin qu’il s’habitue à révérer l’Ét’ernel, son D’ieu,
Toujours attachée à lui, la Tora l’accompagne partout à l’exception de la salle de bains.
L’étude le conduit à la crainte de D’ieu et le protège contre toute tendance à l’orgueil. Aussi la Tora souligne-t-elle :
Afin que son coeur ne s’en orgueillisse point à l’égard de ses frères, et qu’il ne s’écarte de la loi ni à droite ni à gauche. De la sorte, il conservera longtemps sa royauté, lui ainsi que ses fils, au milieu d’Israël.
L’étude de la Tora inspire à l’homme soumission et modestie. C’est la vertu essentielle qui garantit au roi un long règne tant pour lui que pour ses enfants qui lui succèderont.
1. Dévarim 17, 14-20.
2. Âvoda Zara 52a.
3. Dévarim Rabba chap. 5, paragr. 7.
4. Dévarim 17, 14.
5. Téhillim 17, 2.
6. Yirmiya 2, 24.
7. id. 2, 24.
8. Danièl 7, 2.
9. Dévarim 17, 15.
10. Chémouèl 1. 8, 11-15.
11. Dévarim Rabba chap. 5, paragr. 10.
12. Dévarim Rabba chap. 5, paragr. 11.
13. Dévarim 17, 14.
14. Chémouèl 1. 34, 7.
15. Chémouèl 2. 24, 15.
16. Mélakhim 1. 17, 1.
17. Yéchâya 33, 22.
18. Zékharya 14, 9.
19. Bérèchit 49, 10.
20. N.B. Commentaire anonyme tiré de Miqraot Guédolot, Rab Péninim, édition Lewin-Epstein Jérusalem 5729.
21. Sanhèdrine, Tosséfta chap. 3, paragr. 2.
22. Chémouèl 1. 8, 5.
23. Avot 3, 2.
24. Chémouèl 1. 8, 6.
25. Chémouèl 1. 8, 19.
26. id. 8, 22.